Disparition du vigneron corse Jean-Noël Luigi

Le vigneron emblématique du Cap corse, Jean-Noël Luigi du Clos Nicrosi, est décédé à l’âge de 75 ans.

Jean-Noël Luigi dirigeait le Clos Nicrosi depuis les années 80 rejoint ces dernières années par ses enfants, Sébastien en vignes et au commerce et Marine, œnologue, en cave et au bureau. Ce petit domaine d’une quinzaine hectares dont une dizaine d'un seul tenant dans la zone la plus septentrionale de l’île, avait été créé à Rogliano en 1859 par Dominique Nicrosi, un jeune paysan qui avait fait fortune aux Amériques. Les vignes avaient été abandonnées dans les années 20 faute de repreneurs et il avait fallu attendre la fin des années 50 pour qu’elles soient replantées dans la plaine de Macinaggio par Toussaint et Paul Luigi, le père et l’oncle de Jean-Noël qui confient d'abord leurs raisins à la coopérative jusqu'à sa faillite à la fin des années 60. Les deux frères lancent ensuite l'impassitu, très en vogue à l'époque. Jean-Noël diversifie le vignoble en plantant notamment quelques cépages rouges (niellucciu, grenache, sciacarellu) sans délaisser la production de muscats qui représente 70% de la production à la fin des années 80 et de blancs secs.

Les terroirs de schistes dégradés et d’alluvions , exposés au levant conférent aux blancs du Cap une minéralité intense. Le climat, à la fois très ensoleillé et venté, sied à merveille au cépage roi, le vermentino. Les blancs qui représentent plus de 60% de la production du domaine ont fait la notoriété du Clos Nicrosi. Marine et Sébastien, la quatrième génération de vignerons, ont suivi les traces paternelles d’abord en viticulture raisonnée, avec travail des sols, sans intrants de synthèse depuis une quinzaine d’années avant de se lancer dans la conversion bio, certifiée depuis 2022 et suivant des principes de biodynamie à la vigne. Les raisins ont toujours été vendangés et triés à la main, la vinification faite en levures indigènes à dose de soufre minimale.

Dans les caves de la « Maison de l'Américain »

 Jean-Noël qui avait réussi à faire entrer ses vins sur les cartes de restaurants étoilés et s’était fait connaître aussi par l’élaboration de ces vins doux naturels, à base de muscat à petits grains : le fameux Muscatellu du Cap Corse passerillé sur pied et le rare impassitu vieilli trois ans dans des dames-jeannes à l'abri dans la cave de la maison familiale. La grande « maison de l'Américain » surplombant toute la baie de Maccinaggio face à la mer Tyrrhénienne avait été construite par l’arrière-arrière-grand-père de Marine et Sébastien qui ont préféré construire dans la plaine une cave plus moderne et plus pratique évitant la petite route grimpant en lacets vers les hauteurs de Rogliano, et transformant le Palazzu Nicrosi en chambre d’hôtes de charme.

Autre particularité du Clos, le confidentiel rappu, vinifié en solera sur plusieurs millésimes à partir du cépage corse aleatico et muté à l’alcool. Marine et Sébastien ont développé la gamme notamment avec le Stecaja, un vermentinu frais et floral né avec le millésime 2021 et ont replanté des vignes en sciaccarellu et niellucciu avant de tout clôturer pour protéger les vignes de l'appétit vorace des sangliers.

Derrière sa barbe, le discret Jean-Noël Luigi était également un « administrateur acide, fidèle et loyal » du Centre de Recherche Viti-vinicole de Insulaire (CRVI) comme l’a rappelé la structure de recherche appliquée du vignoble corse. Il a été l'un des ardents défenseurs des AOC Coteaux du Cap Corse, et Muscat du Cap Corse dont il avait été président.