Mardi 22 Avril 2025
Injection d'une solution de biocontrôle à base de "bactéries amies" dans un cep à Saint-Preuil (Charente), chez le négociant Hennessy. Cette expérimentation s'inscrit dans un programme de recherche scientifique contre l'esca, une maladie du bois de la vigne. ©Nicolas Leroy
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22.04.2025
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Le négociant à Cognac et ses partenaires publics et privés financent des recherches universitaires prometteuses. Il accueillait cette semaine en Charente les meilleurs spécialistes de la question.
C’est une maladie incurable ou presque, causée par des champignons parasites. L’esca ronge les ceps. Il est sournois. D’abord invisible, il nécrose les troncs. Lorsque les feuilles et les baies se dessèchent, il est souvent trop tard. Le plant se meurt… Le fléau affecte 10 à 12 % du vignoble français. Il est virulent à Cognac, où près de 18 % des parcelles seraient touchées. Longtemps, on a traité la maladie à l’arsénite de soude, mais le produit – cancérogène et excessivement dangereux – a été interdit en 2021.
Dès lors, comment prévenir et guérir ? La question taraude les viticulteurs démunis. Elle mobilise aussi les négociants. En 2016, la maison Hennessy, leader mondial du cognac, soutenait un programme scientifique en offrant 600 000 euros à une unité mixte de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) de Bordeaux Aquitaine. Une première chaire industrielle était créée. Ses travaux, clos en 2021, ont apporté de précieuses infos : mise en évidence de l’espèce principale de champignon impliquée (Fomitiporia mediterranea) ; identification de bactéries capables d’inhiber le développement in vitro de l’esca.
En 2023, la recherche s’intensifiait, avec le lancement d’une seconde chaire au laboratoire IPREM de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. WinEsca (c’est son nom) vise « à développer des stratégies de protection agroécologique dans les luttes préventives et curatives ». Hennessy a doté le programme d’une enveloppe de 800 000 €. Le négociant a été épaulé par Greencell, une entreprise du Puy-de-Dôme spécialisée dans les alternatives naturelles aux intrants de synthèse, qui a signé un chèque de 400 000 euros. L’Agence nationale de la recherche ANR a doublé la mise, apportant 1,2 million d’euros (1)…
Aujourd’hui, l’équipe de 25 scientifiques a bien avancé. Les enseignants, thésards, doctorants techniciens ont notamment déterminé les méthodes de taille limitant l’introduction d’agents pathogènes dans la vigne. Ils ont aussi élaboré des solutions de biocontrôle. « Elles ont été testées en laboratoire. Depuis l’an passé, nous sommes au vignoble et nous expérimentons. Les résultats sont encourageants », se réjouit Patrice Rey, professeur en protection des cultures, l’universitaire qui coordonne les recherches.
Les solutions curatives, riches en « bactéries amies », sont injectées dans le bois de la vigne. 400 pieds ont déjà ainsi été traités, sur des parcelles expérimentales près de Pau, en Charente mais aussi en Suisse. « Environ 40 % des plants sont redevenus sains », précise Patrice Rey.
Les 1er, 2 et 3 avril 2025, l’équipe de la chaire WinEsca présentait ses travaux lors d’un colloque à Cognac, chez Hennessy. L’événement réunissait une cinquantaine de personnes, d’éminents scientifiques mais aussi des professionnels de la vigne. Le dernier jour, des ateliers étaient organisés au domaine expérimental du négociant en Grande Champagne. « On ne crie pas victoire. On avance, sereinement, mais ça vaut vraiment le coup », a dit Renaud Fillioux de Gironde, le maître assembleur de la maison.
(1) La chaire WinEsca a d’autres partenaires (l’Université de Bordeaux, Bordeaux INP, Bordeaux Sciences Agro, l’Inserm, l’Inrae et l’Université de Reims Champagne Ardenne) qui, ensemble, ont investi 558 000 euros.
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