Dimanche 22 Décembre 2024
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26.02.2014
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Avec sa Master Class intitulée « L’expression des terroirs du Roussillon au travers des AOP Vins Doux Naturels Blancs et Ambrés », l’interprofession du Roussillon offrait hier un beau panorama des vins mutés qui ont forgé sa réputation.
Pas facile, en une heure, de faire toucher des papilles la diversité des terroirs du Roussillon, d’expliquer pourquoi cette région est le berceau idéal des Vins Doux Naturels, de retracer 28 siècles de savoir-faire viticole, de présenter les cépages emblématiques… C’est pourtant la tâche à laquelle s’est attelé Eric Aracil, œnologue et responsable export du CIVR, l’interprofession des vins du Roussillon, dans le cadre d’une Master Class intitulée « L’expression des terroirs du Roussillon au travers des AOP Vins Doux Naturels Blancs et Ambrés ».
En soulignant la situation géographique exceptionnelle du vignoble catalan, sa climatologie idéale (sept vents, de faibles pluies, l’ensoleillement le plus important de France avec 320 jours de soleil par an), et surtout ce savoir-faire unique qui est celui du mutage, découvert en 1285 par Arnau de Vilanova, recteur de l’Université de Montpellier et docteur à la Cour des Rois de France, Eric Aracil a préparé son auditoire à se familiariser avec les quatre AOP VDN (Vins Doux Naturels) Blancs et Ambrés de la région : Rivesaltes, Muscat de Rivesaltes, Maury et Banyuls. Huit vins étaient dégustés, une première série de Blancs et une deuxième série d’Ambrés. Sans oublier, au passage, de glisser quelques idées d’accords mets et vins, car comme nous aimons souvent le rappeler dans les pages de « Terre de Vins », les VDN sont aussi des vins qui se savourent à table ! Compte rendu de dégustation…
Cave de l’Abbé Rous – AOP Banyuls Blanc, Cornet & Cie 2012
70% grenache blanc, 30% grenache gris
Un premier nez qui exprime d’abord la nature du sol de Banyuls, un terroir de schistes gris. Poudre à canon, minéralité saline… C’est d’abord le grenache gris qui prend le dessus, avec ses notes d’agrumes, de pomelos, de feuille de citronnier froissée. Des notes d’anis, d’aneth, de cerfeuil se déploient, puis vient la délicatesse des fruits blancs, poire et pêche blanche. Au deuxième nez, le grenache blanc arrive en force, avec une touche miellée, la fleur blanche, et toujours un fruit blanc très frais. En bouche, l’attaque est franche, fraîche, saline. On sent le schiste. Beaucoup de fraîcheur et d’acidité, un bel équilibre.
Domaine Boudau – AOP Muscat de Rivesaltes 2013
100% muscat d’Alexandrie
Un muscat présentant assez peu de sucre résiduel, qui exprime toutes les caractéristiques du cépage : la délicatesse la fleur blanche, les épices légères – à l’opposé du caractère franchement exotique du muscat à petit grain. La complexité et la finesse du socle calcaire des Corbières se retrouve dans ce muscat à la robe étincelante. Premier nez sur la fleur blanche, le chèvrefeuille, la guimauve. Au deuxième nez le côté floral explose, avec du jasmin, de la rose sauvage, du gingembre. La bouche est très agréable, un bel équilibre entre sucre et acidité. Des notes d’abricot arrivent. C’est très long, très délicat, avec un peu de complexité.
Domaine Piquemal – AOP Muscat de Rivesaltes 2001
50% muscat d’Alexandrie, 50% muscat à petit grain
Ce muscat issu d’un terroir argilo-calcaire sur la commune d’Espira de l’Agly, a été élevé 24 mois en barriques ouillées, avec une oxydation très lente. La robe est prononcée, mais pas tuilée. On est clairement en présence d’un blanc évolué. Le premier nez pourrait faire penser à un Ambré. On retrouve le caractère infusé du muscat, verveine, tilleul… Puis le gingembre confit (typique du muscat d’Alexandrie), le melon, les fruits exotiques, la gelée de coin. L’élevage laisse des notes d’épices. Au deuxième nez, les agrumes, le cédrat, l’ananas confit. l’élevage s’estompe pour céder la place à une fraîcheur mentholée. On est en face d’un muscat évolué, qui passé dix ans, exprime sa vraie complexité. En bouche, de la matière, du confit, de la prune, de la mirabelle, des fruits exotiques, et même du champignon en finale. C’est très long, délicat, structuré.
Mas Amiel – AOP Maury, Vintage Blanc 2010
100% grenache gris
Un 100% grenache gris sur sol de schistes noirs. Un maury qui associe force, minéralité et finesse. La robe est limpide. Le premier nez est très « terroir », pierre chaude, il peut rappeler la minéralité d’un riesling. Le raisin s’exprime, avec du zeste. Au deuxième nez, se dévoile le cédrat, la feuille de citronnier. C’est un VDN plus « monocorde » que les précédents, mais doté d’une minéralité séduisante. En bouche, c’est très droit, de la franchise, un côté « compact », avec du mordant et de la fraîcheur.
Les Vignerons de Maury – AOP Maury, Ambré 2000
80% grenache blanc, 20% maccabeu
Un maury ambré issu d’un terroir de schistes et marnes schisteuses noirs, élevé en foudre de 60 hl. Le grenache blanc exprime ses notes habituelles de fruit confit, de cire d’abeille. Un premier nez sur la compote de coing, la pêche au sirop. Un deuxième nez sur la crème caramel, le spéculoos, le flanc aux œufs, le miel. Une gourmandise qui se confirme en bouche, avec des notes de chocolat blanc très plaisantes. A manger avec une oie aux poires !
Les Vignerons de Baixas – Dom Brial – AOP Rivesaltes Ambré, Château Les Pins 2006
Grenache blanc, malvoisie, maccabeu
Issu de sols caillouteux argilo-calcaires, élevé deux ans en barriques neuves. Un rivesaltes « nouvelle génération », muté à la barrique, où se combinent les notes typiques du grenache blanc, le côté aromatique du maccabeu et le « pep’s » du malvoisie. Robe ambre clair. Premier nez sur la fraîcheur, un peu infusé. Du tilleul, des agrumes, de l’orange douce cuite, de la datte fraîche, une touche de menthol. Un deuxième nez très raisin mur, avec des épices, des fruits acidulés. En bouche, de la puissance, une sucrosité prononcée, un peu collante, presque « confiture de figue ».
Clos Saint-Georges – AOP Rivesaltes Ambré, Château de Canterrane 1978
80% grenache blanc, 20% malvoisie
Un rivesaltes issu des terrasses argilo-silicieuses des Aspres, élevé quatre ans en cuves ciment. Premier nez résolument sur les épices : cardamome, cumin. On sent le raisin passerillé, la figue, des notes réglissées, l’écorce d’orange amère. Un deuxième nez plus torréfié, avec de la chicorée, de la rhubarbe cuite, du tabac, du cuir. En bouche, encore ce raisin passerillé, la prune cuite. C’est très gourmand. Pas extrêmement complexe pour un rivesaltes de près de 40 ans, mais la sucrosité s’est éloignée. Très élégant, et parfait pour un canard à l’orange, un foie gras poêlé aux figues ou un fromage affiné (salers, comté, vacherin).
Les Vignobles de Constance et du Terrassous – AOP Rivesaltes Ambré, 1974
50% grenache blanc, 50% grenache gris
L’illustration du Roussillon, terre de grenache. La couleur est très prononcée, avec des nuances mordorées, cuivrées : quelques baies de grenache noir seraient-elles passées dans la vendange ? Le premier nez est déjà riche, avec du pain d’épice, du vieux cuir, de l’orange confite, du safran, du toffee, de la confiture de lait. Au deuxième nez, c’est le rancio qui monte en force, la complexité du vieux rivesaltes qui se déploie. En bouche, c’est magnifique de complexité, giboyeux, on sent le sous-bois, le champignon, la noix, le rancio. Et toujours une belle fraîcheur ! A savourer tout seul, ou à table, sur de la biche ou un lapin en cocotte.
Mathieu Doumenge
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