Vendredi 22 Novembre 2024
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02.06.2014
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Grande figure du vignoble bourguignon, Olivier Leflaive s’est allongé « sur le divin » à l’occasion du n°29 de « Terre de Vins », actuellement dans les kiosques. Morceaux choisis d’un entretien très intime avec un amoureux de la vie.
Né en 1945, Olivier Leflaive fait partie de ces vignerons qui ont eu d’autres vies. Issu d’une très longue lignée en Bourgogne (dix-sept générations), il a vécu à Paris dans le monde du show-biz avant de retrouver ses racines familiales et diriger le domaine qui porte aujourd’hui son nom. Fils de Joseph-Régis Leflaive et d’Anne de Courson, marié en secondes noces à Cathy Eloi, il est aujourd’hui père de quatre enfants, Olivia, Julie, Margot et Valentin. Formé à l’Ecole Supérieure de Commerce de Reims, il est vite « monté » à Paris pour mener une vie de bohême et jouir de sa passion : la musique. Suite au décès de son père il a retrouvé ses terres bourguignonnes en 1981. Olivier Leflaive produit et vinifie l’équivalent de 120 hectares donnant en majorité de vins blancs issus des trois villages prestigieux de la Côte de Beaune (Puligny-Montrachet, Chassagne-Montrachet, Meursault) mais aussi Chablis et la Côte chalonnaise. Entre 700 000 et 800 000 bouteilles sont ainsi commercialisées chaque année dans une gamme de prix de 5 à 240 €.
Officiellement en retraite depuis 2010, il ne travaille plus aujourd’hui « que 8 à 10 heures par jour ». Connu pour son franc-parler, sa liberté de ton qui l’a toujours éloigné des institutions bourguignonnes, Olivier Leflaive joue encore dans son groupe de musique « Affaire de famille ». Il s’est allongé sur le divan d’un restaurant parisien (Petrus, Paris 75017) pour livrer ses convictions et nous offrir son regard amoureux de la vie, amoureux de l’Homme, amoureux des femmes…
En 1981 tu es revenu en Bourgogne et tu évoques 1981 comme l’année des désillusions…
Il s’agissait en effet des désillusions du monde du spectacle et de ma vie sentimentale. Ce retour en Bourgogne était sombre mais j’ai été pris en main par mon oncle, qui était mon frère, mon copain… Ce fut une énorme vie de fusion. J’ai respecté son leadership et lui m’a énormément appris, notamment à ne pas avoir de chapelles. Dieu sait s’il y a des chapelles dans le vin…
Dès 1984, tu as créé ta société d’élevage et de vinification. En clair, une maison de négoce. Tu ne commercialiserais plus uniquement ton vin mais aussi celui des autres, sous ton nom et ta marque. Quel était l’objectif ? Produire plus, gagner plus ?
Ce n’était pas tout à fait une maison de négoce. Je mets des nuances. Pendant 12 ans j’ai co-géré le domaine Leflaive. Et très vite, je me suis ennuyé. Dès fin 1984 j’ai donc voulu faire autre chose. Je voulais faire du chassagne, des petits vins aligotés, des grands vins aussi… sans avoir de limite dans la petite gamme comme dans le haut de gamme. Je n’avais pas de ronds donc j’ai lancé une affaire en partant de zéro. Quand la maison Louis Latour, à Beaune, a arrêté de vendre ses vins aux Etats Unis, l’importateur m’a appelé en me proposant de prendre le marché. La première année, j’ai fait 120 000 bouteilles ! Rien que pour les Etats Unis. L’année suivante, 600 000 bouteilles dans 84 appellations différentes ! En cinq ans, j’ai atteint mon rêve : travailler au domaine Leflaive et créer ma propre boîte. Je voulais acheter le raisin pour une question de style. Si vous achetez le vin après la fermentation, ce n’est plus votre style. Des gens ne bâtonnent pas, bâtonnent beaucoup, chaptalisent ou non…
Si tu devais définir la Bourgogne à un étranger, comment la décrirais-tu ?
On est des petits paysans pas très futés mais avec un gros amour de notre terroir et de nos vignes. Nous sommes des affectifs. Si on veut être plus sérieux, la Bourgogne c’est la diversité des goûts, des appellations, diversité de qualité (il y a le meilleur et le pire). Cela va bien avec le siècle d’aujourd’hui. Cette diversité est le grand atout de la Bourgogne. Ne buvez que mes vins : il y a 82 appellations ! Chaque producteur fait entre 12 et 100 appellations différentes. Si j’étais à Bordeaux, avec un premier et un deuxième vin je m’emmerderais ! Dans ma cave j’ai 82 goûts différents.
N’est-elle pas trop compliquée cette Bourgogne aujourd’hui ?
Elle réagit par rapport à la simplification de tout. Tout est standardisé. Nous, nous sommes des défenseurs de la diversité. Les bagnoles se ressemblent toutes. La musique, il n y’a rien de nouveau, sauf Stromae qui est ma seule nouveauté de l’année. La Bourgogne se pose face à cette uniformité.
Qui sont selon toi les talents qui montent aujourd’hui en Bourgogne ?
Il y en a pas mal ! A Puligny, il y a Philippe Chavy. Il y a aussi un jeune « négociant » donc acheteur de raisin, Benjamin Leroux. Des styles très différents du mien mais j’aime bien ces jeunes là.
Bourgogne-Bordeaux, ennemis irréconciliables ?
Bordeaux me permet de faire beaucoup d’humour. Cela m’inspire quand je parle avec mes visiteurs. Je dis par exemple, « à Bordeaux ils font du vin pour mettre dans leur cave, moi je vais du vin pour boire ». Les Bordelais, les années super cotées, ils y vont plein pot mais peuvent aussi baisser : pas autant que ça a augmenté, ils ne sont pas fous non plus…
En 2007, à 62 ans, tu as donné naissance à ton quatrième enfant, Valentin. Tu ne sais donc pas résister à la pression des femmes…
Je ne sais pas résister à leur pression mais j’ai quatre enfants qui ont tous sept à huit ans de différence. Donc au niveau de mes amours je suis assez lent… Mes enfants ont 39, 34, 16 et 6 ans. J’aurais rêvé d’avoir 14 ou 15 enfants, d’où mon obligation de changer de femme de temps en temps ! Mon fils de six ans, je l’ai emmené ce matin à l’école. C’est magnifique. J’aime la musique, j’aime l’amour, j’aime la bouffe, j’aime les enfants.
Bois-tu le vin avant ou après l’amour ?
Avant ! C’est un vecteur aphrodisiaque extraordinaire. Un chanteur, HK, a chanté « C’que t’es belle quand j’ai bu ». En réalité, on est deux fois plus amoureux si on a bu un ou deux verres de vin. Attention, trop de verres de vin tuent l’amour. Ça les fait fuir ! Selon moi, il faut boire du vin blanc mais je suis un peu intoxiqué par Puligny-Montrachet. On peut boire aussi des vins très aromatiques genre Alsace ou des chardonnays un peu ouverts. Le vin avec des arômes d’ouverture, voilà ! Il faut que le vin soit ouvert pour avoir une ouverture avec une femme. Mais ce que je raconte là montre un homme pas très sérieux alors que je sais aussi être sérieux…
Propos recueillis par Rodolphe Wartel. Photo Aleksandre Pinel.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Olivier Leflaive dans « Terre de Vins » n°29, actuellement dans les kiosques.
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