Mercredi 15 Janvier 2025
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01.08.2014
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Géré par la 3e génération familiale, le champagne Jacquinot & Fils fait partie de ces fidèles maisons qui font le cœur historique d’Epernay. Pas de clinquant ni de paillettes, mais le goût d’un champagne d’artisanat bien fait et d’une tradition de qualité. Portrait de famille.
Champagne Jacquinot & Fils. Un nom qui claque, sympathique et rassurant. Un nom qui évoque un savoir-faire transmis de génération en génération. Le nom d’un champagne que l’on déniche chez son caviste et qui devient ensuite compagnon de route fidèle.
Une petite visite au domaine le confirme. Situé en plein cœur d’Epernay sur une rue parallèle à la clinquante Avenue de Champagne, la maison Jacquinot est un de ces endroits où l’artisanat est roi et où le temps suspend son vol. Maison bourgeoise, cave aux poutres métalliques de style Eiffel, cuves carrelées de verre et pressoir ancien, le tout sur 400 m de galeries creusées à la main, dans la craie brute, à 19 m sous terre. 1873, pelle et pioche, et pas une seule maçonnerie. Respect ! Une vraie nef dans laquelle s’épanouissent, entreillées ou sur pupitre, les bouteilles dans un silence religieux, dégageant une impression de sérénité.
Musicien, commercial et homme du vin
Comme souvent à la naissance d’une maison de champagne, il y a un grand homme, ici Pierre Jacquinot. Lors de la grande guerre, affecté par les gaz de combat, il est démobilisé et devient courtier en raisin, jouant aussi un rôle important au sein de l’Association Viticole Champenoise pour la restructuration du vignoble après-guerre. En parallèle, il développe les vignes familiales (17 ha dans l’Aube) et construit en 1929 un pressoir.
Voilà pour l’homme du vin. L’homme de commerce à présent. En raison des séquelles de ses blessures de guerre, Pierre Jacquinot passait les hivers sur la Côte d’Azur où il développa un réseau de clientèle particulière amatrice de champagne. Les vignes, le pressoir, la clientèle : tous les ingrédients étaient réunis pour, en 1947, créer avec ses deux enfants la maison Jacquinot & Fils à Epernay.
Enfin, le portrait de l’homme ne serait pas complet sans parler de son talent reconnu de violoniste. Le nom de certaines des cuvées maisons et le logo (une flûte de champagne finissant en clé de sol) rendent hommage à cette passion.
« Cueillez les raisins que vous aimeriez manger à midi »
La 3e génération de la famille Jacquinot est aujourd’hui aux commandes. En 1998, Jean-Manuel Jacquinot entre au domaine comme responsable de la production, et en assure aujourd’hui la direction. Cet œnologue au fait des techniques les plus pointues s’était déjà constitué une solide expérience, en Champagne mais aussi dans des contrées très lointaines. Arrivé au domaine, il travaille – sans la révolutionner – l’identité visuelle de la maison et peaufine chaque étape du process d’élaboration, avec notamment un travail très conséquent à la vigne, pour obtenir des raisins d’une qualité intransigeante, au besoin jusqu’à servir au dessert des vendangeurs leurs raisins coupés le matin pour comprendre l’importance de la qualité du fruit !
La suite du travail en caves est traditionnelle et respectueuse du raisin : peu d’intrants, peu de manipulations, et de longues années dans l’obscurité et la fraîcheur des caves pour permettre la lente maturation des arômes.
Les champagnes qui en résultent sont savoureux et fruités, dans un classicisme assumé sur différents styles.
Private Cuvée (20 €), le brut de la maison, est un champagne joliment rond et charnu. Il rappelle au nez la mirabelle, la brioche et la noisette. En bouche, la tonicité citronnée du chardonnay (70 %) est équilibrée par les notes fruits blancs du pinot noir (30 %), terminant sur une note d’amande vanillée.
Le blanc de blancs (22 €) est un véritable exercice de style, rappelant la pureté des chardonnays de la côte des blancs : robe pâle aux reflets verts, nez délicat et rafraîchissant de zeste de citron, acacia et autres fleurs blanches, bouche fine, tonique, mentholée et citronnée.
Le blanc de noirs (22 €) est l’inverse du précédent : robe or rose, nez puissant et cerise. Les pinots noirs de l’Aube s’expriment là pleinement, dans des tonalités de fruits rouges et fines herbes (sauge, menthe poivrée) finissant par un joli peps fondu.
Enfin, la cuvée Symphonie 2006 (28 €) présente tout le profil d’un grand champagne mûr millésimé (60 % chardonnay, 40 % pinot noir) issus de vieilles vignes plantées en 1947. Festival d’arômes au nez : caramel au beurre salé, massepain, écorce d’agrume confit, noisette grillée. En bouche, la gamme aromatique est également très riche, mais sur une structure vive et citronnée. Finale de pain au froment. Superbe !
Joëlle W. Boisson
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