Vendredi 22 Novembre 2024
Auteur
Date
01.01.2014
Partager
La plus septentrionale des appellations communales du Médoc sort de sa réserve et s’affiche sur le millésime 2011. Le verdict est sans surprise : les grands ont tenu leur rang. Quelques outsiders se glissent dans notre palmarès.
CE PALMARÈS A ÉTÉ PUBLIÉ DANS « TERRE DE VINS » N°27 (JANVIER-FÉVRIER 2014)
C’est le Nord. Le grand, celui du Médoc. Plus loin encore que Margaux, Saint-Julien et Pauillac. Le bout du bout, là où les plus belles expressions de cabernet affleurent lorsque la conjonction entre climat, terroir, sol et main de l’homme est totale, là aussi où la proportion de merlot est la plus forte, là encore où le calcaire, sur l’ouest de l’appellation, est plus ancien qu’ailleurs, datant de l’Eocène (ère tertiaire). Ce calcaire de Saint-Estèphe nappe certaines croupes graveleuses comme celles de Cos d’Estournel, Marbuzet ou Calon-Ségur – on ne devient pas numéro un par hasard. Mais le vignoble d’un peu plus de 1200 hectares compte aussi beaucoup de graves et d’argiles, dans la continuité de Pauillac. Cette variété de sols et sous-sols forge des vins au caractère bien trempé, éloquents et droits, souvent austères dans leur jeunesse, promis à une longue garde.
Notre dégustation visait à faire la part entre les crus de l’ombre et les plus notoires ; forcément les géants l’ont emporté, plutôt haut la main puisque les cinq crus classés en 1855 figurent tous dans notre palmarès. Certes les bonnes surprises sont aussi là, mais quand on creuse un peu, on s’aperçoit vite qu’un terroir de compétition ou un conseiller de talent ont aidé pour beaucoup à hisser l’heureux promu sur le podium.
Saint-Estèphe reste une appellation sage, où chacun reste à sa place, poliment. Il faut la découvrir pour ses dessous chics, après quelques années de garde le nez dans le verre, ou sur place, à travers ses électrons libres qui puisent soit dans une architecture extravagante (Cos d’Estournel) soit dans un tempérament iconoclaste et sympathique (Les Tesseron de Lafon-Rochet) soit dans un château en démesure propulsé au photo-voltaïque (Montrose), un air de fantaisie.
Saint-Estèphe se conquiert par deux routes : lorsqu’on laisse Pauillac derrière soi, on peut emprunter la route des châteaux ou bien les bords de l’estuaire. Entre terre et mer, le bourg d’une vingtaine de hameaux se concentre sur ses joyaux passés, ses maisons de pierre, son église baroque du XVIIIe siècle. Ouvert sur le fleuve, dont le quartier du port rappelle les activités d’antan, lieu de prospérité, de passage des pèlerins en route vers Saint-Jacques de Compostelle, mais aussi sujet aux assauts et aux invasions, Saint-Estèphe demeure une terre d’échanges, et plus que jamais, une terre viticole de tradition paysanne. Il faut s’y rendre et prendre le pouls de ce terroir complexe.
Articles liés