Dimanche 24 Novembre 2024
(Photo F. Hermine)
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13.05.2016
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Cassis fête ses 80 ans d’AOC en débattant encore sur ses cépages, notamment pour ses blancs qui représentent 70% des vins produits sur l’appellation.
« Comment une appellation avec aussi peu de terres arables a-t-elle perduré ? » Pour le président de l’appellation Cassis, Jonathan Sack-Zafiropulo (Clos Sainte Magdeleine, photo ci-dessous), la réponse est dans « le terroir, association de bonne terres à vignes, d’un climat méditerranéen sous la brise marine et de la ténacité d’une poignée d’hommes. Il n’y avait pas de grand terroir prédestiné, juste des entêtements de civilisation ». Et il a fallu persévérer, même si la vigne est ici depuis près de 2600 ans, débarquée avec les colonies de peuplement grec et phocéens. Ce petit port de pêcheurs avec une topographie très encaissée, des pentes abruptes à flanc de falaise, des roches affleurantes et des étés chauds et secs n’avait guère d’atouts. Les évêques de Marseille au Moyen-Âge, le roi René au XVème siècle qui introduit les cépages blancs, le famille florentine Albizzi qui y développe le muscatel ont pourtant contribué à son expansion. C’est ce cépage qui a fait le succès de Cassis. Le vignoble avant le phylloxera fin 19ème a compté jusqu’à 250 ha ; il a fallu tout replanté et le vignoble en dénombre aujourd’hui 220 ha.
Changement de cépages
Mais les cépages ont bien changé. En 1901, Cassis doit sa renaissance à deux vignerons, Emile Bodin (Cassis-Bodin) et Jules Savon (Clos Sainte Magdeleine) qui replantent sur des porte-greffes américains pour produire des vins blancs. « Mon grand-père avait même fondé un journal uniquement pour empêcher l’installation d’une usine de ciment à Collongue dans les années 20, raconte Nicolas Bondoux-Bodin. Il avait réussi à mobiliser à l’époque tous les viticulteurs et fait fuir le projet. Il a été aussi l’un des premiers en Provence (avec Château Simone) à mettre en bouteille ses vins ». Le colonel britannique Charles Teed qui rachète Fontcreuse dans les années 20 participe aussi à développer les blancs puis Emile Imbert, l’un des rares ingénieurs agronomes d’avant-guerre contribue à l’obtention de l’AOC avec Châteauneuf-du-Pape où il possède également un domaine. A la fin du 20ème siècle, les vignerons ne sont qu’une poignée mais si ils produisent tous en majorité des blancs (toujours plus de 70%), les cépages sont très hétérogènes. Pour créer une identité, le président d’alors, Jean-François Brando (Fontcreuse) défend une base forte de marsanne. Un nouveau décret impose donc en 1998 un minimum de 60% de clairette et marsanne dont la moitié de marsanne.
Marsanne et pratiques en débat
Aujourd’hui, le cépage fait débat. Si Jean-François Brando la défend toujours avec ardeur même si elle semble peiner en année chaude (comme 2015), d’autres comme Olivier Santini du Domaine du Paternel ou Didier Simonini de Château Barbanau insistent sur le fait qu’avec le réchauffement climatique (on a gagné 3-4 semaines pour les vendanges en 40 ans), les risques sur ce cépage sont accrus, « pas seulement en termes de rendements moindres mais aussi d’intensité aromatique en retrait dans des années difficiles. De plus le cépage, sensible au mildiou, ne convient pas à toutes les zones ». « La clairette et l’ugni blanc, également historiques, supportent mieux le stress hydrique et le sauvignon peut apporter de l’aromatique, complète Oliver Santini. Ils aimeraient donc baisser la proportion de marsanne obligatoire à 25%. Pour Jonathan Sack, il s’agit d’un « débat global et pas seulement sur la marsanne, sur la manière de tailler, de garder des grapillons et de reculer la date de vendanges pour plus d’acidité, de faire des essais en rolle, d’étudier l’augmentation de sauvignon, de remettre en vigne les terrasses anciennes en grignotant sur les pins, de faire évoluer les pratiques culturales en réfléchissant à long terme ». Un chantier d’anniversaire ambitieux pour l’appellation à condition de mettre les 11 vignerons autour de la table pour discuter sereinement.
Fête des Vins de Cassis le dimanche 15 mai
Programme sur www.ot-cassis.com
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