Vendredi 22 Novembre 2024
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08.06.2016
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A l’heure où le débat contre l’utilisation des pesticides dans nos cultures, fait rage, pourquoi ne pas se pencher sur des solutions positives rationnelles ? La phytothérapie est depuis longtemps une solution adoptée par de nombreux vignerons auprès de leurs vignes.
En maraîchage ou en viticulture, les utilisations de prêle, ortie, valériane, ou encore consoude, bardane, luzerne, origan, thym, reine des prés, en passant par la citronnelle de java, le clou de girofle ou la lavande (impossible de lister un herbier exhaustif en quelques lignes), se font depuis des millénaires.
Ces soins des plantes par les plantes retrouvent une légitimité en agriculture, y compris à la vigne, après avoir été effacées un temps par l’arrivée des remèdes chimiques ou de synthèse. De plus en plus de vignerons choisissent de faire confiance aux vertus de la phytothérapie pour accompagner les temps forts de la croissance de leurs vignes. Une tendance que confirment les producteurs de plantes et d’extraits végétaux : « Je vois bien que la demande explose, y compris chez les vignerons », confie Jean-Philippe Lyphout, producteur d’extraits végétaux en Dordogne et fournisseur pour tout type d’agriculture. « Ce qui est flagrant, c’est qu’après les accords de Grenelle, même si beaucoup de promesses n’ont pas été tenues, les gens se sont quand même mis à réfléchir. Le « moins de produits phytosanitaires pour notre agriculture » a réveillé une conscience, et là où les gens nous prenaient vraiment pour des fous avant, ils sont maintenant en demande de conseils. Parce qu’ils voient aussi que l’utilisation des purins ou des tisanes, ça marche » ajoute le producteur.
A chaque plante, son mode d’application
Devenir expert en botanique ne se fait pas du jour au lendemain. Eric Petiot est professionnel en biochimie végétale et formateur pour les agriculteurs souhaitant apprendre les accompagnements de leurs cultures par les plantes. Sa formation intitulée : « les plantes pour soigner la vigne » affiche souvent complet. Plantes fraîches juste ramassées, avec ou sans fleurs, fermentées en purin, séchées, réduites en poudre ou réhydratées, la phytothérapie devient un vaste sujet dès lors que l’on s’y intéresse. « Chaque plante s’utilise différemment en fonction des objectifs voulus et de la situation géographique, mais le mode de préparation est essentielle », explique Eric Petiot. Alors que la prêle se « décocte » et s’applique à la vigne en prévention du mildiou (action asséchante grâce à la présence de silice qui la rend anticryptogamique), on utilisera plutôt la valériane après un écimage des feuilles pour ses vertus cicatrisantes. L’ortie, elle, s’applique fraîche, directement au pied de la vigne, ou macérée en forme de purin pour une action plus puissante. Tandis que la reine des prés se sèche avant de s’infuser doucement, en tisane. « La racine de rhubarbe a des principes actifs fongicides très puissants, mais tout dépendra de la façon dont elle sera appliquée. », donne-t-il pour exemple.
L’utilisation de ces herbiers est très répandue chez nos vignerons de l’hexagone, tous types de structures confondues, même chez les « stars ». A Climens, 1er cru classé de Bordeaux à Barsac, un grenier a été aménagé pour recevoir les différentes plantes séchées qu’on utilisera toute l’année sur les précieux sémillons. « A Bordeaux, notre souci c’est l’humidité. Nous nous sommes rendus compte que l’écorce d’osier par exemple, sous forme de décoction, régule très bien la sève à certains moments », explique Frédéric Nivelle, le directeur technique de la propriété.
Des semis de plantes dans les vignes
Les plantes peuvent aussi être directement plantées au pied des vignes. « Le seigle, par exemple, grâce à ses racines profondes, décompacte à la fois les sols, tout en créant beaucoup de matière organique, qui me permet aussi de créer un paillage pour l’été, donc de favoriser la vie des sols et de diminuer l’évaporation. En plus c’est une plante antagoniste du chiendent », explique Romain Paire, vigneron au domaine des Pothiers, en Côtes roannaises.
Eric Mari, dans le Minervois (domaine Prade-Mari) a également fait ce choix après des observations très rationnelles. « J’ai commencé à planter des semis de légumineuses depuis sept ans, l’année de ma conversion en bio. C’est un peu comme l’image de la forêt, le sol doit toujours être couvert, avec branches et feuilles qui une fois tombées, se décomposent. La luzerne par exemple, fait plonger ses racines jusqu’à 80 cm, permettant de drainer en profondeur. » Elle s’ajoute à une longue liste d’anciennes variétés de céréales (avoine du Roussillon, anciennes variétés de blés, trèfle, etc… autant de moyens pour « lutter contre l’utilisation des insecticides et favoriser une biodiversité ».
Huiles essentielles
Plus concentrées que des simples tisanes, les huiles essentielles sont également intéressantes à la vigne permettant parfois de pallier à certaines molécules de synthèse, pendant une conversion bio. « Il y a au moins cinq ou six huiles intéressantes pour la vigne, mais attention, elles s’utilisent en joker quand la plante est encore fragile, le mieux est quand même d’agir par le sol » prévient Eric Petiot. Tandis que l’huile essentielle d’origan serait un « anti-mildiou exceptionnel », quelques gouttes d’huile essentielles de citronnelle de java suffisent à une « action insecticide », le clou de girofle, lui serait un « excellent fongicide et bactéricide ».
Une recherche expérimentale trop timide
Quelles que soient les plantes choisies, et leurs formes d’application, un seul constat pour tous les adeptes : le refus d’utiliser insecticides, ou herbicides et pouvoir réduire significativement les doses de produits phytosanitaires. La démarche est encore expérimentale pour beaucoup, mais en demande « exponentielle depuis vingt ans », selon Eric Petiot. Si elle est « d’abord éthique et environnementale », selon le formateur, « c’est un point de départ du vigneron qui refuse l’utilisation de phytosanitaires chez lui, des traitements qu’on fait par peur, parce qu’on ne sait pas faire autrement. C’est également un coût économique à l’hectare en termes de coûts des produits. Il faut que la recherche continue dans ce sens ».
Une recherche que ces acteurs agricoles aimeraient voir plus encouragée par l’État. Parmi tous les témoignages, un fil rouge : ce « lobby phytosanitaire puissant », perçu comme un « frein » aux expériences en phytothérapie et aromathérapie.
Eric Petiot développe : « J’ai été obligé de déposer un brevet pour une utilisation en perfusion de l’origan associé au pamplemousse, un remède redoutable contre les maladies du bois dans la vigne, j’étais attaqué par les fraudes en permanence. » Et d’ajouter : « L’agronomie est en ce moment ce que l’anatomie était au Moyen-Âge, nous sommes dans le bac à sable. Pourtant, avec l’utilisation massive des produits phytosanitaires, nous avons détruit 70 % des micro-organismes vivants dans le sol, les vers de terre, les cloportes. Les agriculteurs ne savent plus lire leurs sols, leur PH, etc. En formation chez moi, la première matinée est consacrée à désapprendre ce qu’on a appris. C’est ce que j’appelle le filtre de l’égo… c’est le plus difficile à passer. »
Une vision partagée par Jean-Philippe Lyphout, le producteur de Dordogne qui regrette le flou juridique sur l’utilisation de ces extraits végétaux en agriculture. « Il est possible d’utiliser des plantes dans son mode de culture, du moment qu’on ne le met dans ses cahiers de traitement. Sinon, il on le considère comme une alternative aux produits phytosanitaires et les fraudes peuvent sanctionner. En gros, on peut le faire, mais il ne faut pas le dire » ajoute le producteur également membre de l’Association Française de Protection des Plantes (AFPP).
Article à lire en intégralité dans « Terre de Vins » n°39 (janvier-février 2016). Suivre ce lien pour commander le numéro ou vous abonner.
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