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Alsace : le Crémant a 40 ans

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

12.11.2016

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Le crémant d’Alsace, en progression constante depuis quatre décennies, est le leader des crémants avec près de la moitié de la production nationale. Une alternative séduisante pour les fêtes de fin d’année.

En d’autres temps, quand l’Alsace était allemande, on y produisait du champagne. Les maisons rémoises étaient venues s’installer dans la région pour échapper aux fortes taxes d’importation du deuxième Reich et y avaient apporté leur tradition de mousseux. Mais il y avait aussi ce Julien Dopff qui s’était lancé dans son élaboration au retour de l’Exposition universelle de 1900 à Paris, conquis par la démonstration d’un atelier de dégorgement. « Il importait alors des moûts de chardonnay champenois et entre les deux guerres, quand l’Alsace est redevenue française, il a commencé à faire des essais avec les cépages locaux comme les pinots, le riesling, le gewurztraminer… » raconte son petit-fils Pierre-Etienne Dopff. Finalement, il a misé sur le pinot blanc, produisant dans les années 30, 150 000 bouteilles et sur ce qui est devenu « l’identité de la maison, un style sec et neutre, toujours dosé à 6-7g, pour être servi en toutes circonstances », complète son fils Etienne-Arnaud Dopff.

Renaissance de l’appellation crémant

Dans les années 60, les mousseux ont quasiment disparu en Alsace. Seul Dopff (devenu Dopff au Moulin après la séparation des deux frères) a perpétué cette tradition. Mais au début des années 70, une poignée de vignerons, face à la surproduction de pinot blanc mal valorisé dans l’edelzwicker, remettent les bouchons sur le tapis. La cave d’Eguisheim (devenue Wolfberger) se lance dans des essais de champagnisation suite à une visite à la cave de Saint Pourçain où le directeur Louis Husser déguste un vin mousseux. « On leur a envoyé dans le plus grand secret 12 bouteilles d’edelzwicker ‘pour voir’, raconte Louis Husser. Quand ils nous ont renvoyé les bouteilles un an plus tard, le résultat nous semblait intéressant mais le produit était difficile à commercialiser et à faire connaître. On prenait quelques bouteilles dans une glacière quand on faisait la tournée de nos clients pour le faire goûter et voir leurs réactions ». Mais face aux marché des cuves closes qui prospèrent à l’époque, les coûts de revient de ce nouveau « mousseux d’Alsace » ne sont guère concurrentiels et le nom peu vendeur.

Entre champagne et cuves closes

Quelques caves dynamiques comme Westhalten puis Sparr emboitent néanmoins le pas et ces pionniers créent un syndicat alsacien puis national regroupant les mousseux de France pour sensibiliser l’Inao à la valorisation de cette nouvelle catégorie. Bourgogne et Loire, avec une tradition mieux ancrée d’effervescents, obtiennent l’utilisation du mot crémant auprès des Champenois qui l’utilisait pour des effervescents de moindre pression… en échange de la reconnaissance du champagne en haut de la pyramide. Cette nouvelle hiérarchisation permet de concurrencer les sekts allemands et de se différencier des cuves closes. Autre atout et non des moindres : Les Alsaciens ont vite joué le jeu de la consommation locale voire militante. « Aujourd’hui il n’est pas rare de voir plusieurs cuvées de crémant élaborées par une entreprise et proposées sur une carte de restaurants » insiste le président Jackie Cattin.

35 millions de bouteilles

L’Alsace obtient l’appellation le 24 août 1976. Depuis, la production n‘a cessé de progresser (sauf en 2000 à cause du surstockage d’avant le millénaire). L’AOC alsacienne comptait une dizaine de producteurs en 76, une centaine au début des années 80 et 530 metteurs en marché aujourd’hui. « 95% des viticulteurs alsaciens produisent du raisin pour le crémant (sur 3500 ha) et la plupart des commandes au grand export comprennent aujourd’hui des crémants » rappelle fièrement le directeur du syndicat Olivier Sohler.

En 1988 il se vendait déjà 8 millions de bouteilles de crémant, en 1994, 14 millions, en 2000 20 millions et en 2015, 35 millions de bouteilles représentant 27% de la production de vin AOC en Alsace et 30% des effervescents français hors Champagne. Dernières modifications en date du décret : en 2011, le vieillissement sur lattes est passé de 9 mois à 12 mois et en août 2016, les conditions de réception dans les centres de pressurage ont été précisées pour préserver les baies « car pour faire un bon crémant, le vin de base doit être nickel sinon les bulles décuplent les défauts » souligne Pierre-Etienne Dopff. Le crémant d’Alsace (élaboré surtout à base de pinot blanc, mais également de pinot noir pour le crémant rosé, de pinot gris, auxerrois, chardonnay, et riesling) est aujourd’hui le leader des crémants avec près de la moitié de la production nationale. Il trône également depuis 2009 sur les podiums des rallyes internationaux avec un ambassadeur de renom, Sébastien Loeb.