Accueil Saint-Emilion : avec 80% du vignoble touché par le gel, « on a la gueule de bois »

Saint-Emilion : avec 80% du vignoble touché par le gel, « on a la gueule de bois »

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AFP

Date

07.05.2017

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« On a la gueule de bois. Partout, c’est la désolation. Chez nous, on a 80% du vignoble touché par le gel. C’est tout le travail qui est anéanti », constate Jean-François Galhaud, président du Conseil des vins de Saint-Emilion, devant des vignes aux feuilles grillées et toutes fripées.

Dans la nuit du 20 au 21 avril puis du 27 au 28 avril, les températures sont descendues parfois jusqu’à -5°C : plus de la moitié des vignes dans toutes les appellations du Bordelais ont été touchées. D’avis de vignerons, on n’avait pas connu un gel d’une telle ampleur depuis 1991 !

Dans le Médoc, Listrac a été très frappé à près de 90%, tandis que Pauillac, Saint-Julien et Saint-Estèphe s’en sortent grâce à l’estuaire qui a limité la baisse des températures. Pomerol, Blaye, les Côtes de Bourg, l’Entre-deux-mers ou encore Sauternes sont très impactés.

Certaines parcelles sont complètement « cramées », selon Jean-François Galhaud, représentant de 983 viticulteurs, qui ont tous connu le gel. « C’est l’hiver », se désole-t-il, en regardant ses rangs de merlots.

D’autres ont réussi à sauver une partie de leur vignoble grâce aux feux, aux éoliennes ou encore aux hélicoptères pour ceux qui en avaient les moyens.

Parfois, ça n’a pas suffi comme au Château Grand Corbin-Despagne, grand cru classé Saint-Emilion, où quelque 90% du vignoble a été « très impacté » par le gel, selon le propriétaire, François Despagne, qui n’a « jamais eu un seul pied gelé en 20 ans de carrière ».

Bien développées et vertes grâce à un mois de mars particulièrement clément, certaines vignes ont été épargnées, d’autres semblent seulement l’être de loin. « On a l’impression que la vigne est belle mais quand vous vous approchez, tout est mort, il n’y a plus de fruits », explique Jean-François Galhaud, également propriétaire du Château La Rose Brisson.

« Ce qui nous sauve, c’est qu’on a du stock »

Si les bourgeons ne repartent pas d’ici juin, la prochaine récolte sera imputée de plus de 50% en volume, soit une perte d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, selon l’interprofession. Autre certitude, les vendanges seront tardives.

Dans la vigne, les effets se font déjà sentir : il va falloir adapter la taille car certains bourgeons peuvent repartir, traiter contre les maladies comme le mildiou pour sauver ce qui peut encore l’être. Une réunion de crise a eu lieu vendredi afin d’aider les viticulteurs avec une série de mesures fiscales et financières, des reports ou prises en charge de cotisations sociales… car seuls 25% des viticulteurs sont assurés. Toute la filière est concernée : des ouvriers agricoles au chômage technique jusqu’aux tonneliers aux carnets de commandes moins garnis.

La bonne récolte de 2016 va permettre de combler une partie du manque à gagner avec notamment le Volume complémentaire individuel (VCI), stock du dernier millésime constitué par les viticulteurs et utilisé pour le suivant en cas de catastrophe naturelle. Entre la récolte et le VCI, Bordeaux ne compte disposer qu’environ 3 millions d’hectolitres contre 5,4 en moyenne les autres années.

« Ce qui nous sauve, c’est qu’on a du stock », positive Laëtitia Ouspointour du Château Vieux Mougnac à Lussac, dont les vignes ont été touchées entre 80 et 100% par le gel. « On va perdre des parts de marché et on va avoir des coûts de production qui vont augmenter. On ne pourra pas fournir le vin et il sera plus cher que les autres. Fatalement, c’est l’Australie, l’Afrique du Sud… qui vont s’en charger », prédit-elle.

Les plus touchés sont les viticulteurs qui font du vin en vrac, ont vendu leur récolte 2016 et n’ont pas de stock. Après la faible récolte de 2013, le coup est rude.

Dans ce marasme reste une lueur d’espoir: Jean-François Galhaud fait ainsi référence à une autre année de gel : « Croisons les doigts pour faire du 1961, année de petite récolte et de très bonne qualité, en 2017 ».

Alexandra LESIEUR pour AFP