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Larrivet Haut-Brion : trente ans à la verticale

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

08.11.2017

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Pour les 30 ans de ce pessac-léognan, les propriétaires du château Larrivet Haut-Brion ont soufflé quelques millésimes avec la complicité de deux chefs bordelais étoilés, Vivien Durand du Prince Noir et Nicolas Magie du Saint-James.

L’histoire s’écrit avec des voyelles, des consonnes, des hauts et des bas. C’est la loi du genre, qui plus est au regard de la trajectoire d’une propriété viticole, a fortiori suspendue à la qualité de son terroir, à la sensibilité de ses acteurs et aux caprices de la météo. Sans tricher, la famille Gervoson – qui a donc acheté cette propriété en 1987 – a fait débuter les hostilités par le millésime 2013 dans le cadre de cette belle dégustation. « On ne présente pas que les réussites mais aussi quelques vins d’années difficiles », souligne le directeur général Bruno Lemoine. Ce choix s’explique aussi par la qualité de ce vin, remarquable de finesse. Comme souvent en 2013, ce vin pinote, il respecte l’effet millésime, squelettique autant que délicat ; le bois n’est pas venu camoufler quoi que ce soit. En suivant, le 2012 affiche de la prestance au nez avec des arômes délicats de fruits noirs et de sarments braisés. En bouche s’invite de l’amplitude avec de la fraîcheur dans le fruit et une finale encore légèrement asséchante. L’architecture du 2014 est plus aboutie où l’on retrouve l’opulence du fruit fidèle à Pessac-Léognan. La forte proportion de merlot (58%) n’empêche pas ce vin de tenir en longueur. « C’est ce que nous recherchons désormais, nous sommes plus sur la longueur que sur la largeur », prévient Émilie Gervoson.

Ci-dessous : Emilie Gervoson encadrée par les chefs Vivien Durand et Nicolas Magie.

Dans cette optique, les propriétaires du Château Larrivet Haut-Brion ont opéré quelques changements entre les millésimes 2014 et 2015 avec l’arrivée du consultant Stéphane Derenoncourt (et son associé Frédéric Massie) mais aussi avec un nouveau maître de chai qui a notamment fait ses classes en Bourgogne, François Godichon. « La première idée fut de rechercher la dentelle que peut donner le terroir, un terroir peu argileux. On a fait des recherches parcellaires et on a aussi révolutionné la réception de vendanges pour ne plus traumatiser le fruit », explique Stéphane Derenoncourt. On retrouve ce respect dès le nez du millésime 2015 avec en bouche des tannins multiples à proportion qu’ils sont fins. « Il faut reconnaitre que je suis arrivé sur une très belle année, il a juste fallu se battre contre le soleil », ajoute le consultant. A l’évidence, le 2016 consacre les évolutions souhaitées par la famille Gervoson avec un nez qui affiche d’emblée une grande pureté du fruit. C’est la fraîcheur et l’équilibre qui priment. « Faire du vin c’est facile, la difficulté est de faire du bon raisin », résume Stéphane Derenoncourt.

Le travail sur les blancs est du même acabit où le Château Larrivet Haut-Brion délaisse la sur-mâturité pour la tension et le côté ciselé. 2015 et 2016 l’attestent même si le 2012, issu de l’ancienne école, affiche un charme certain. Le temps lui donne de l’amplitude et l’élevage a apporté des notes de noisettes ce qui lui donne un léger crémeux qui regarde vers la Bourgogne. D’ailleurs, l’intention de la famille Gervoson n’est pas de faire table du rase du passé. Après la nouvelle direction affichée, quelques millésimes plus anciens sont venus témoigner de l’histoire de ce domaine avec l’entrée en piste des chefs étoilés. Parmi les remarquables accords mets et vins concoctés par la famille et les artistes Vivien Durand (Le Prince Noir) comme Nicolas Magie (Le Saint-James), on peut retenir le Larrivet Haut-Brion blanc 1996 sur un carpaccio de mulet au beurre meunière, caviar d’Aquitaine, kasha soufflé et quelques pibales. Du grand art sur la fraîcheur ! Citons aussi le Larrivet Haut-Brion rouge 1990, toujours debout et délicat, sur un chevreuil nappé de yuzu, salsifis glacés, poudre de persil et pomme soufflée. Une question d’équilibre… et de formats car tous les vins servis sur les plats furent en magnums ou double-magnums. C’est l’occasion de rappeler combien les gros contenants sont meilleurs pour le contenu.