Mardi 24 Décembre 2024
Auteur
Date
23.04.2018
Partager
Sur la Côte Vermeille, Banyuls et Collioure jouent les alpinistes à la verticale de la mer. Sur les pentes abruptes de schistes, des vignerons aux mollets d’acier mènent un tango magistral entre deux AOC, les banyuls (vins doux naturels) et les collioures (vins secs). Un tango où les collioures donnent désormais le tempo.
« C’est la Côte Rôtie du Roussillon », aime comparer Vincent Parcé, vigneron au domaine Augustin créé en 2015, pour aborder les problématiques de production de Banyuls-Collioure, situé à l’extrémité orientale des Pyrénées, sur les dernières communes du littoral avant l’Espagne. Entièrement en coteaux, ce vignoble où la pente culmine à plus de 50% a été gagné sur la roche-mère formée par des schistes, donnant un patchwork de parcelles organisées en terrasses étroites. La mécanisation y est impossible (comme le vignoble de Savoie, la Côte Rôtie, etc.), les rendements faibles (entre 25 et 30 hl) dans cette région touchée par la sécheresse, mais ce n’est pas la seule singularité de ces terroirs qui bénéficient d’une pratique ancestrale réglementée depuis 2011 par l’INAO : la double affectation parcellaire. Elle permet aux vignerons de produire, sur une même parcelle, des vins doux naturels (AOP Banyuls obtenue en 1936) et des vins secs (AOP Collioure rouges, blancs, rosés) autour du cépage roi, le grenache.
Les VDN en net recul
34 producteurs et trois caves coopératives occupent ce royaume micro-parcellaire de 589 hectares pour une production de 17 402 hl largement tirée par les coopératives. Depuis une décennie pourtant, ces caves doivent composer avec la baisse inexorable des volumes de banyuls traditionnels, des vins dont le principe d’élaboration est le mutage à l’alcool vinique en cours de fermentation. Si les vins oxydatifs restent l’âme de Banyuls, les volumes sont passés de 50 000 hl en 1970 à 29 000 hl en 2016, les collioures occupant désormais 60% de la production du cru. « La production s’oriente petit à petit vers les vins secs, les caves particulières produisant aujourd’hui majoritairement des AOP Collioure rouges, blancs et rosés et à la marge, des vins doux Rimage (des Banyuls élevés en milieu réducteur, NDLR) privilégiant le croquant du fruit, plus en phase avec les attentes des jeunes consommateurs », observe Georges Roques, président du cru et président de Terres des Templiers, puissante structure coopérative qui assure la production des trois quarts de l’appellation.
Un capital de fraîcheur
Au-delà des problématiques économiques, la montée en force des collioures s’explique par la redécouverte du potentiel fraîcheur des vins blancs secs dont la réputation avait traversé l’Atlantique, déjà au XIXe siècle. Ceux-ci bénéficient d’une AOC depuis 2003, après les rouges (AOC obtenue en 1971) et les rosés (1991). « On avait ces terroirs sous la main mais on n’avait pas l’expérience de ce qu’ils pouvaient donner, relate Georges Roque. Notre travail a été de démontrer qu’on pouvait faire des vins blancs de haute tenue avec nos vieilles vignes de Grenache gris. »
Nouvelle génération
Depuis, le terroir Banyuls-Collioure a vu naître une nouvelle garde de jeunes vignerons souhaitant revendiquer une autre image : celle de terroirs frais aptes à produire des vins secs élégants, sur la finesse. Une génération qui veut faire bouger les lignes en réhabilitant l’image des Collioure, longtemps réputés être des vins solaires. « Si on fait le choix de faire autant de collioures, c’est parce qu’on veut dire : regardez, nos terroirs sont frais, on peut faire des vins élégants dans le sud de la France et on va le prouver ! », insiste Vincent Parcé. À 36 ans, ce vigneron est à la tête avec ses frères Augustin et Martin, de trois domaines créés entre Collioure et Maury à partir de 2015. Le domaine Augustin réunit 7,5 ha sur l’appellation, majoritairement des vieilles vignes de grenache complantées héritées de père de cette fratrie dynamique, Marc Parcé. La production est exclusivement dédiée aux AOP Collioure.
Aux côtés des Parcé, une nébuleuse de jeunes vignerons s’organise : Romuald Perrone, repreneur du Clos Saint-Sébastien et vice-président du cru ; Élise Gaillard dont le domaine de Madeloc a été reconstruit en 2002 par son père Pierre Gaillard (spécialiste des vignobles de pentes et pionnier de la rive droite du Rhône), ou Florian Questeloot, installé depuis 2016 au domaine Mas Siempre Mas. « Ce n’est pas l’appellation qui va nous porter, ce n’est pas le foncier, nous seuls sommes aptes à créer de la valeur en a jouant collectif », insiste Romuald Perrone. Un appel qui porte ses fruits : parmi les 180 médailles d’or décernées lors du dernier concours Grenaches du Monde, 45 médailles ont été attribuées à des vins du Roussillon… et quatre médailles d’or attribuées à l’AOP Collioure pour les cuvées Adeodat rouge 2015 et blanc 2016 du domaine Augustin, et les rouges Clos 2016 et Céleste 2016 du domaine Saint-Sébastien.
Articles liés