Samedi 23 Novembre 2024
(Photo Roxanne Gauthier Photographe)
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14.06.2018
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Coup d’envoi aujourd’hui de la 21ème Coupe du Monde FIFA en Russie. Pour accompagner cet événement sportif planétaire, nous avons rencontré l’ancien international français Éric Carrière. Désormais consultant pour la chaîne Canal+, il a surtout amorcé une reconversion réussie dans le vin. Entretien.
Né en 1973 en Ariège, Éric Carrière a suivi une carrière de footballeur singulière, avec des débuts professionnels « sur le tard » à 22 ans avant de s’illustrer dans des clubs tels que le FC Nantes, l’Olympique Lyonnais, le RC Lens et le Dijon FCO. Dix fois sélectionné en Équipe de France (5 buts), ce milieu de terrain a raccroché les crampons en 2010. Depuis, les abonnés à la chaîne Canal+ ont pu le voir déployer ses talents de consultant. Quant aux œnophiles, ils seraient bien avisés de jeter un œil du côté des Caves Carrière, l’activité de négoce et de vente de vin lancée il y a huit ans par le jeune retraité. A l’heure où le monde entier va avoir les yeux braqués vers la Russie où commence aujourd’hui la 21ème édition de la Coupe du Monde FIFA, Éric Carrière a accepté de nous parler de sa passion du vin… où le ballon n’est jamais loin.
Éric, comment votre passion pour le vin est-elle née ?
Mes grands-parents étaient paysans, je suis né en Ariège et j’ai grandi dans le Gers, j’en ai gardé un fort attachement à la terre, au terroir, aux bons produits. Mon père achetait un peu de vin mais ses moyens ne lui permettaient pas d’ouvrir de « grandes bouteilles ». C’est plutôt durant ma carrière de sportif que j’ai vraiment découvert le vin. Lors de mes années nantaises, et surtout à Lyon. En 2002, nous avons fait une excursion dans le vignoble de Côte Rôtie, chez Stéphane Ogier. Il nous a fait déguster sur fût, goûter de vieux millésimes. J’ai été séduit par la personne, par ses qualités humaines, auxquelles j’attache beaucoup d’importance. La rencontre avec Stéphane a été un déclic. Nous sommes devenus amis et quelques années plus tard, lorsque je jouais à Lens, il m’a proposé que l’on achète des vignes ensemble, 1,2 hectare en Condrieu et 40 ares en Côte Rôtie. C’était important pour moi de « m’ancrer » ainsi sur une terre viticole.
Comment vos goûts ont-ils évolué au fil du temps ?
La passion s’est rapidement développée, j’ai commencé à acheter de plus en plus de vin. Un peu de bordeaux, mais surtout des bourgognes. J’ai fait là-bas de superbes rencontres. Le premier domaine dont j’ai acheté et bu les vins est le domaine Méo-Camuzet, c’était plutôt un bon début ! J’ai fait également la connaissance de François Tessonneau, un excellent caviste basé à Saint-Yrieix la Perche près de Limoges, qui m’a fait découvrir beaucoup de grands vins. Enfin j’ai eu la chance de terminer ma carrière à Dijon. J’ai eu un coup de cœur pour la région et pour le monde du vin bourguignon.
Puis vous décidez de franchir le pas en faisant du vin un métier…
Naturellement j’ai eu envie d’en faire ma « deuxième vie » professionnelle, et j’ai créé les Caves Carrière en 2010, après avoir quitté les terrains. Je suis allé voir des dizaines de domaines en Bourgogne pour leur acheter du vin, et beaucoup ont répondu positivement. Au départ il m’était impossible d’avoir une boutique physique, on a donc tout misé sur le réseau. Puis j’ai été rejoint par un associé en 2013, ce qui a accéléré nos développements. Il était important pour nos vignerons partenaires de savoir que l’on aurait un véritable lieu de stockage et de vente, c’est ainsi que nous avons construit il y a deux ans un espace de 700 m2 à Dijon. Cela nous donne une meilleure visibilité mais aussi plus de légitimité. Nous avons aussi des sites de stockage en Ariège, à Lyon et près de Limoges.
Quelle est l’activité des Caves Carrière aujourd’hui ?
De la vente de vin aux particuliers et aux professionnels, à peu près à parité. Nous comptons plus de 3000 références, avec une forte représentation en Bourgogne : bien sûr les grandes maisons comme Louis Jadot, Joseph Drouhin, Bouchard Père & Fils, mais aussi des domaines rares comme Ramonet, Mugnier, Comtes Lafon, Etienne Sauzet, Hubert Lignier, Trapet (voir le détail ici). Nous nous diversifions de plus en plus avec des ouvertures vers Bordeaux, le Rhône, la Champagne, l’Italie et l’Espagne. J’ai la chance d’être extrêmement bien entouré, et nous avons vocation à devenir la cave référence en Côte d’Or et au-delà, avec une offre riche et des prix attractifs pour nos clients.
Quels sont vos plus beaux souvenirs de dégustation ?
C’est toujours délicat, il y en a beaucoup. Je vais vous faire partager un souvenir. Lorsque j’ai démarré mon activité, l’un des premiers à m’avoir répondu est Jean-Charles Cuvelier, le bras droit d’Aubert de Villaine à la Romanée Conti. Il est pourtant plus fan de rugby que de football ! J’ai eu le privilège d’être reçu – avec mon ami Stéphane Ogier – et de déguster sur fût. Jean-Charles nous a ouvert un Montrachet 1974, c’était exceptionnel. Par la suite, en dégustant de plus en plus, j’ai réalisé que la Bourgogne, ce sont bien sûr de grands rouges, mais surtout des blancs fabuleux. Aujourd’hui j’ai beaucoup de mal à boire des blancs d’autres régions, je l’avoue. Hier encore, un bâtard-montrachet 2013 de Vicent Girardin… Pour autant, je n’ouvre pas que des grandes bouteilles, cela dépend des moments, j’adore aussi me régaler d’une simple syrah d’Ogier. Tout est affaire de circonstance. Le vin ce n’est pas qu’une question de prix, et en cela on peut dresser un parallèle avec le foot. Parfois on paie très cher pour un joueur surcoté, et parfois il y a de vraies pépites recrutées à des prix très raisonnables. Et comme pour le marché des transferts, il y a le jeu de l’offre et la demande, la rareté, l’image, le rêve…
Justement, que vous apporte votre expérience de footballeur dans votre nouvelle vie ?
Le football, c’est d’abord la science du collectif. L’être humain est naturellement tourné vers lui-même, et le management consiste justement à amener les gens à « se faire des passes ». Mettre l’équipe au-dessus de l’individu, savoir orienter pour que chacun aille dans le même sens, c’est une dimension du football qui peut servir dans le monde de l’entreprise. Le monde du sport a beaucoup évolué à ce niveau, par rapport à mes débuts. Un entraîneur aussi renommé que Jean-Claude Suaudeau (le grand FC Nantes des années 1980 et 1990, NDLR) explique lui-même qu’à son époque il concentrait tout sur la partie « jeu ». Or il faut prendre le temps d’expliquer, de s’adapter aux joueurs comme aux collaborateurs. Certains ont besoin qu’on verbalise beaucoup, d’autres qu’on leur laisse le champ libre. Il faut parfois travailler à l’affect, comme le font des grands entraîneurs comme Guardiola ou Zidane. Et quand ça tangue, il faut rester ensemble…
La notion de compétition, c’est aussi une dimension qui reste chevillée au corps ?
Le fait d’avoir connu une carrière de sportif de haut niveau, cela implique des épreuves psychologiques et athlétiques. C’est parfois éprouvant mais ça renforce, ça donne beaucoup d’assise. Pour ma part, j’ai commencé ma carrière pro sur le tard, à 22 ans, je peux vous dire qu’il faut faire ses preuves et cela forge le caractère. On apprend à tirer le meilleur de soi et des autres.
Et l’hygiène de vie d’un sportif est-elle compatible avec l’amour du vin ?
Chacun doit trouver le juste équilibre. Encore pour mon cas, le fait d’avoir accédé au très haut niveau sur le tard par rapport à d’autres joueurs a mis mon corps à rude épreuve. J’ai été suivi par un thérapeute, j’ai dû beaucoup me discipliner pour éviter les problèmes musculaires. Il est évident qu’il faut éviter les extras, mais plus on apprend à se connaître, plus on s’autorise parfois quelques écarts. Il n’était pas rare que le dimanche, je m’autorise à ouvrir une bonne bouteille (pas trop de blanc, c’est très déconseillé pour les sportifs). Et puis le sport est tellement exigeant qu’il faut savoir parfois relâcher la pression, cela passe par bien manger, bien boire. A Lyon, on était quelques-uns à partager ça, avec Greg Coupet, Christophe Delmotte, Pierre Laigle. On a partagé aussi de bons moments à table avec Olivier Monterrubio et Nicolas Gillet à Lens. Je sais que Christophe Jallet, aussi, est un passionné de vin et de cognac, c’est d’ailleurs sa région.
Aujourd’hui c’est le coup d’envoi de la Coupe du Monde. Vous avez un pronostic ? Jusqu’où voyez-vous aller les Bleus ?
L’Equipe de France a le potentiel pour gagner la compétition. Le talent est là. Le talent est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut que chacun se mobilise à 100%, ne pas juste se concentrer sur le beau geste ou sur l’exploit, mais travailler la solidarité, le jeu sans ballon. Il faut aussi savoir gérer ses émotions, garder la tête froide, encaisser l’importance de l’enjeu. Quand on arrive à ce niveau, tout se joue dans les détails. Mais le sélectionneur Didier Deschamps est un compétiteur et il sait tout ça. Parmi les autres prétendants au titre, je vois surtout l’Espagne et l’Allemagne, ce sont deux formations expérimentées qui ont un fort collectif. Des équipes comme le Brésil ou l’Argentine reposent davantage sur leurs individualités, et je ne crois pas à une grosse surprise comme la Belgique ou l’Angleterre. Il faut de l’homogénéité, il faut du banc, et des équipes comme la France, l’Espagne et l’Allemagne ont tout ça. On ne dira jamais assez à quel point la victoire de l’Allemagne en 2014 a impacté en bien le foot moderne, ça se retrouvait même dans le Real de Zidane. Cette verticalité, ce jeu spectaculaire, direct, c’est ça qu’on veut voir sur un terrain. En tout cas on espère tous que les Bleus vont nous faire vibrer. On célèbre en ce moment les 20 ans de France 1998, cela nous rappelle à quel point une telle victoire peut avoir un effet sur le moral d’un pays, et sur sa mémoire collective.
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