Vendredi 22 Novembre 2024
Photo CIVB / Yann Lacombe
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Date
25.03.2020
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Les ventes en France chutaient déjà et les exportations plongeaient : la pandémie du coronavirus, avec ses restaurants fermés et ses consommateurs confinés, accentue la crise du monde viticole bordelais, tandis que se profile un manque de main d’œuvre pour les travaux de printemps.
Pour la filière, qui regroupe en Gironde quelque 6.000 exploitations, « à ce jour, la crainte est plus économique et financière que technique », constate Laurent Vaché, directeur de la Cave des vignerons d’Uni-Médoc regroupant 140 viticulteurs et 25 salariés, dont une partie placée au chômage technique. Il rappelle les difficultés qui s’amoncellent sur la région depuis 2017 : « Les conditions climatiques très délicates de ces dernières années », avec le gel, la grêle puis le mildiou, « la baisse des ventes » aux Etats-Unis avec la guerre tarifaire lancée par Donald Trump et en Chine, où les vins australiens et chiliens se taillent des parts de marché, « la baisse de la consommation en France », où le Bordeaux doit renouveler son image, « et les mauvais résultats des foires aux vins notamment ».
A cela s’ajoute, depuis le 14 mars, la fermeture des bars et restaurants en France, mais aussi dans d’autres pays, un débouché important. « On n’avait aucun voyant au vert en termes de commerce. Ça va peut-être faire beaucoup s’il est arrêté pendant trois mois », souligne-t-il tout en voulant relativiser face à « la crise sanitaire à régler ».
« La crise économique, elle était déjà là avant et pour ceux qui seront encore là après, prédit le vice-président des Crus bourgeois du Médoc, un classement de près de 250 vins. Ils la retrouveront et ça va être encore plus difficile ».
Dans l’immédiat, des vignerons du Bordelais terminent la taille des vignes, en tentant de respecter les consignes sanitaires.
« Un rang sur deux »
« On ne peut pas laisser la vigne, autrement c’est la jungle ! Elle va prendre le dessus. C’est beaucoup de travail manuel. Chaque personne travaille à distance, un rang sur deux par exemple », explique le directeur général du château Beauregard (appellation Pomerol), Vincent Priou. « Dans les chais, on finit la surveillance des lots, les dernières analyses, le remplissage des barriques… Comme toute l’activité commerciale est à l’arrêt, on va fermer les chais », poursuit-il.
Sur les 11 salariés de cette propriété en agriculture biologique près de Saint-Emilion, deux employés gardent leurs enfants et deux autres sont au chômage partiel, le château ayant fermé ses portes aux touristes. Les autres font du télétravail pour la partie administrative ou travaillent dans les vignes qui a cette année 15 jours à trois semaines d’avance.
Désinfection du matériel comme les tracteurs s’ils passent d’une personne à une autre, distance dans les vignes, repas en solo, gels hydroalcooliques à disposition… les propriétés avec des employés mettent en place des mesures de précaution qui pèsent aussi sur le transport. « On a des véhicules à neuf places, là c’est réduit à un par banquette. On a réduit nos équipes à six personnes alors qu’elle peuvent atteindre jusqu’à 20 personnes », explique Benjamin Banton, gérant de la société Banton & Lauret, prestataire de services en viticulture.
Sur 230 personnes en CDI, seules celles nécessaires dans les vignes et pour les travaux les plus urgents aux chais continuaient leur activité avec cependant un taux d’absentéisme de 30%. « On est un peu dépourvu de main d’œuvre aujourd’hui mais on continue d’assurer nos activités. On se pose des questions pour dans trois semaines avec le début des travaux d’épamprages (enlever des rameaux d’un cep de vigne, ndlr) puis de levage (guider la liane) qui demandent beaucoup de main d’œuvre », s’inquiète M. Banton.
Sa société fait appel à une main d’œuvre locale et il espère que « dans trois semaines, le pic sera passé pour que nos équipes soit rassurées, qu’elle ne soit pas tétanisée par le coronavirus. » Pour celles qui emploient des étrangers – Espagnols, Roumains ou Bulgares-, « il risque d’y avoir une pénurie de main d’oeuvre et il va falloir prioriser les chantiers », prédit Edouard Descamps, gérant de la société Viti Morley qui emploie jusqu’à 150 saisonniers.
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