Vendredi 22 Novembre 2024
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15.04.2020
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« Après consultation, nous avons pris la décision de ne pas attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes », explique Jacques Lurton, qui a pris la présidence des Vignobles André Lurton, s’inscrivant dans les pas de son père André disparu en mai 2019.
Quelle est l’ambiance au sein des vignobles Lurton en cette période de crise sanitaire ?
Il a fallu s’adapter. Dans les métiers de l’agriculture nous n’avons pas trop le choix. Nous ne sommes pas dans une production industrielle qu’il est possible d’arrêter puis de reprendre. Nous ne faisons pas que de la vigne, nous faisons aussi du vin, de l’emballage, de la commercialisation, de l’administratif. Chaque secteur a été traité en fonction de ses besoins, avec des mesures sanitaires imposées.
Avez-vous déjà une vision des conséquences économiques de cette crise sanitaire provoquée par le Covid-19 ?
Nous avons une particularité, aux Vignobles Lurton : nous contrôlons nos ventes, qui sont très peu liées au négoce bordelais. Nos vins sont vendus à 90% par nos soins. Nous avons un marché important en grande distribution, qui a la chance de tourner un peu encore, et un marché très fort en CHR [cafés, hôtels et restaurants, NDLR], qui s’est complètement arrêté. Nous restons présents à l’étranger, mais aux Etats-Unis et en Chine, qui sont deux marchés assez difficiles. Nous avons une bonne présence dans les pays nordiques et en Allemagne, des pays qui fonctionnent encore. Tout n’est pas à l’arrêt mais nous sommes entre 20 et 30% d’un chiffre d’affaires normal. Et ce n’est bien sûr pas suffisant. Les Vignobles Lurton rassemblent 200 salariés. Nos besoins mensuels se comptent en millions.
Quelle est votre stratégie pour faire face ?
Notre avantage est d’être en contact direct avec nos distributeurs et nos secteurs de marché. Notre équipe est très motivée. Nous cherchons de nouvelles idées, que ce soit à l’export ou sur le marché domestique. Nous sommes en train de renforcer toutes les possibilités de vente en ligne et d’approcher le consommateur en direct. Nous voyons avec nos importateurs la possibilité de travailler de la même façon dans différents pays. Cela demande beaucoup d’énergie avec très peu de résultats pour l’instant, car tous les pays vivent plus ou moins la même situation d’arrêt complet.
La vente en ligne est la solution ?
Elle n’absorbera pas la perte du marché des CHR, mais il faut faire feu de tout bois. Il ne faut négliger aucune possibilité de vendre la moindre caisse de vin. Néanmoins, je confesse que nous sommes en retard sur la vente en ligne, de façon générale en France.
Quelle est votre position face au report des primeurs ?
Nous sommes un acteur de la place de Bordeaux et de l’Union des Grands Crus de Bordeaux : le Château Couhins-Lurton et le Château la Louvière [en appellation Pessac-Léognan, NDLR] sont deux de nos propriétés offertes à la place de Bordeaux. Après consultation, nous avons pris la décision de ne pas attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes. La vente en primeur consiste d’abord à présenter un vin aux journalistes, clients ou intermédiaires qui se font une opinion de ce vin. Ensuite, ce vin est remis à un acteur commercial qui l’achète ou pas. C’est tout-à-fait gérable depuis les propriétés. On peut envoyer un échantillon à quelqu’un qui peut donner son avis et décider ou pas de l’acheter. La difficulté est que l’on présente un vin dans un état physiologique qui fait qu’il est appréciable à très court terme et peut être endommagé en bouteille. Il faut un circuit très court entre la production d’échantillon et la dégustation.
Vous avez donc déjà réalisé des dégustations privées pour ces primeurs ?
Nous les avons déjà lancées. Michel Rolland, qui est notre consultant, l’a initié avec les gens qui travaillent avec lui. Nous avons envoyé des échantillons à quelques journalistes ciblés et nous allons le faire pour d’autres. Avec l’Union des Grands Crus de Bordeaux, il y a le souhait de faire en sorte que l’action bordelaise soit organisée. Mais il y a une vraie nécessité de maintenir le marché et de ne pas attendre 2021 pour savoir si nous aurons vendu nos vins ou si le millésime 2019 présente un intérêt. Nos clients nous le demandent. Car eux-mêmes sont des importateurs qui ont besoin de maintenir en activité leur circuit et d’en vivre. Nous sommes en train de vivre une situation face à laquelle il faut réagir différemment. Il faut changer nos habitudes pour arriver à la même finalité de ce que nous faisions auparavant.
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