Dimanche 24 Novembre 2024
David Bolzan, Vignobles Silvio Denz.
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Date
18.05.2020
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Le propriétaire de Lalique, Silvio Denz, a un pied sur les deux rives bordelaises. De Sauternes avec le château Lafaurie-Peyraguey, à la rive droite avec les châteaux Faugères, Péby Faugères, Cap de Faugères et Rocheyron, le millésime 2019 conté par le directeur général des vignobles Silvio Denz, David Bolzan.
En 2019 à Sauternes, le botrytis, condition sine qua non de la réussite des liquoreux, s’est fait attendre. Au final, a-t-il permis de signer un grand millésime sauternais ?
Ça a été globalement un millésime assez incroyable. A Sauternes, c’est l’un de ceux où on a bien perçu le changement climatique, et on a su prouver qu’on pouvait gérer les choses et s’adapter, en anticipant. En 2019, l’été a été chaud et sec. Or, le sauternes, c’est l’école de l’humidité, donc il a fallu attendre pour voir apparaître le botrytis, alors que les rouges avaient déjà vendangé. A Sauternes, on doit tout faire plus qu’avant, notamment être encore plus patients, et on ne sait jamais quand les vendanges vont se terminer. Ce qui caractérise le millésime, c’est qu’on a tous fait notre grand vin sur la semaine du 11-12-13 octobre. La sélection a été exemplaire pour arriver à faire un vin de très grand niveau. En termes de style, on a un super botrytis, de la concentration, de la fraîcheur, de la longueur, et de la vivacité. Il y a un éclat de fruit absolument extraordinaire. Début mars, on a fait une dégustation collégiale de tous les sauternes, y compris les non crus classés. Il y avait des différences de styles et de qualités, mais pas un seul défaut de manque de botrytis ou de végétal. Les sauternes sont une vraie bonne affaire pour le consommateur, les meilleurs rapports qualité-prix de Bordeaux.
Et en rouge, est-ce aussi un millésime de haut-vol sur les vignobles Silvio Denz ?
Oui, avec cet éclat de fruit lumineux aussi présent sur les rouges. Il y a eu la concentration mais elle n’a pas amoindri le fruit. Sur les rouges, l’été chaud et sec a été favorable, mais il a fallu gérer les périodes de canicule et de chaleur. Les terroirs de nos propriétés nous y ont aidé. Nos vignobles sont en amphithéâtre naturel, très drainant, et en même temps les sols argilo-calcaires sont des sols froids qui gardent l’humidité. On a eu une phase végétative, de développement et maturité qui s’est faite avec une extrême harmonie. Cette année, à la fois à cause du millésime et pour une question de style, on a choisi de vendanger un peu plus tôt, afin de préserver ce fruit et de ne pas tomber dans la sur-concentration. Le résultat est magnifique, chaque cru affirme cette année très nettement sa personnalité, plus que sur certains autres millésimes où c’est plus uniforme. Dans le verre, c’est une concentration sans excès, un équilibre hallucinant et de l’harmonie, on sent que le millésime s’est déroulé de façon fluide. Et surtout, ça a la texture du velours sur nos vignobles. 2018, c’est bon, un super millésime, presque à boire de suite, mais 2019 a un grain de tanin, une finesse, une précision extraordinaires. C’est le cas pour Faugères où on a la plus belle complexité, de la longueur, mais aussi Péby Faugères, 100% merlot qui a une concentration encore plus importante, plus démonstratif et puissant, mais avec de l’équilibre et un toucher de bouche très fin.
Beau millésime dans le verre donc, 2019 a aussi été plus largement une année d’accomplissements pour les vignobles Silvio Denz…
En 2019, le vignoble de Faugères, créé en 1619, a célébré ses 400 ans. Péby Faugères sera totalement bio à partir de 2020, et on a lancé des travaux de rénovation sur le chai. A Lafaurie-Peyraguey, 2019 est la grande année, celle où on a dévoilé tout ce qu’on avait fait depuis le rachat par Silvio Denz en 2014. On soufflait la première bougie de l’hôtel-restaurant ouvert en 2018, c’est l’année de l’étoile Michelin, et en 2020 on a eu le grand prix d’Or des Trophées de l’Œnotourisme de Terre de Vins, dans la catégorie « Restauration dans le vignoble “Prestige” », qui récompense 2019. C’est le style de Silvio Denz d’aller vite et fort. C’est l’avènement de l’œnotourisme, à Sauternes, où on a créé un style. On a eu 342 articles de presse dans l’année 2019 ! On est persuadés qu’une façon de conquérir ou reconquérir le cœur des gens et de créer la demande, c’est de s’ouvrir.
Vous le mentionnez, vous misez énormément sur la carte de l’œnotourisme, notamment dans sa version haut-de-gamme à Lafaurie-Peyraguey. Mais comment comptez-vous faire vivre l’œnotourisme à l’heure du Coronavirus ?
On s’adapte. A Lafaurie-Peyraguey, on a rouvert notre vinothèque lundi dernier. Elle est située au bord d’une route qui draine énormément de passage, et c’est un succès fou. On va aussi proposer une activité de traiteur en attendant la réouverture de l’hôtel-restaurant, et je pense qu’on la continuera après, car il y a une vraie demande pour ça. On a le profil certainement le plus adapté à une situation post-Covid, on a des grands espaces, que ce soit des grands jardins, de grandes pièces, parkings, un grand restaurant, et seulement treize chambres. On préfère accueillir peu mais bien. La distanciation sociale, ce format intimiste, c’est ce que l’on sait faire. Dans les mois à venir, je pense que les gens vont chercher à partir près de chez eux, et le Sud-Gironde leur offrira de l’espace et une proposition variée, pour répondre à toutes les problématiques de la situation actuelle si particulière.
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