Dimanche 22 Décembre 2024
(photo Isabelle Dohin)
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Date
19.06.2020
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Rarement un artiste aura su retranscrire la magie du monde du vin comme le fait ici Souleymane Diamanka. Inspiré, inspirant, ce texte né d’une carte blanche du château Fleur Cardinale, Grand Cru Classé de Saint-Émilion, est une invitation au voyage.
Fin 2019 naît une envie chez Caroline Decoster, co-propriétaire de ce grand cru classé de Saint-Emilion. Celle de parler différemment du vin, d’élargir un univers linguistique trop souvent dénué d’émotion, désincarné. Un texte de Grand Corps Malade sur sa femme l’avait émue aux larmes. Quelle plus belle arme alors que le slam pour parler de Fleur Cardinale ? Sans le savoir, une connaissance commune relie Caroline et Souleymane. Voici les deux artistes mis en relation avec fluidité. L’une donne naissance au vin familial, l’autre articule et harmonise mots et sonorités. L’alchimie de la rencontre était déjà gravée. Souleymane puise dans ses racines peules, dans le travail d’un père autrefois berger et agriculteur au Sénégal, la force de sa « poésie paysanne ». Pourtant, c’est à distance, par le confinement éloignés, que Caroline va lui parler. Souleymane, qui « écoute les gens passionnés comme un livre » s’imprègne d’un univers fascinant, lui qui a grandi à Bordeaux mais n’a jamais eu l’occasion de découvrir ce monde finalement éloigné. « Dans le timbre de sa voix, dans son souffle, le poème a commencé à naître ». A l’image de tout le projet, l’évidence va s’imposer. En quelques semaines, les mots façonnent la pensée, la musique est créée. Et en point d’orgue, la mise en images qui permettra de tout déployer.
Le pont existe, il faut simplement oser l’emprunter
Dans un univers en noir et blanc, le temps est suspendu durant 3 minutes 05. La voix chaude et rassurante de Souleymane emporte l’âme. Elle cisèle le temps, celui de la nature, celui du vigneron, celui du poète. Et elle célèbre l’humanité et la transmission. Car ce slam exprime syllabe après syllabe, ce que peut être la passion. « Elle m’a parlé… », ainsi débute cette plongée poétique qui chasse toute affèterie pour ne conserver que le ressenti. Des femmes, des hommes, la culture, la transmission, l’humilité, la terre. Finalement, c’est l’universel qui se révèle. Le pont existe, il faut simplement oser l’emprunter. Il est celui qui relie les cultures, des mondes sur le papier emmurés. La poésie du vin est la poésie des mots, le vigneron qui passe est le griot qui transmet. Caroline Decoster a découvert un « œnologue des mots ». Souleymane Diamanka a ouvert en lui une page nouvelle, celle de la « dégustation linguistique ». A la manière des proverbes peuls, celui qui écrit depuis 30 ans rappelle que « dans notre vie, on n’écrit que 5 textes, les autres ne sont que des réinterprétations. ‘Millésime après millésime’ sera un de ceux-là ». Et à entendre Souleymane rappeler que « les mots doivent être à la hauteur des saveurs », on se dit que le pari est ici plus que gagné.
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