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Les vendanges biodynamiques de Leclerc Briant

Auteur

Yves
Tesson

Date

07.09.2020

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On s’intéresse souvent en biodynamie aux pratiques culturales, on se penche moins sur les spécificités de la vinification, dont les méthodes ont d’ailleurs été développées plus tardivement. Nous sommes allés rencontrer Hervé Jestin, le chef de caves de la Maison de champagne Leclerc Briant, en pleines vendanges, qui nous a expliqué l’enjeu capital de cette étape dans la conduite de ses vins.

Hervé Jestin a jadis été un « scientiste », avec une formation universitaire solide en biologie et en chimie. Recruté en 1982 à l’âge de 25 ans à peine comme chef de caves de la Maison Duval-Leroy, sa conversion à la biodynamie remonte au début des années 1990. Il observe alors parmi ses 80 nouvelles cuves en inox de Vertus que l’une d’entre elles donne chaque année des vins avec des goûts de réduction. Après avoir « traité tout azimut » et ne trouvant aucune explication rationnelle, il fait venir un sourcier, lequel découvre que deux sources à fort débit se croisent juste en dessous, perturbant très localement le magnétisme terrestre. À partir de là, Hervé Jestin commence à se former. Mais autant en matière de viticulture, il existe de nombreux ouvrages reprenant l’enseignement de Steiner, autant le penseur de la biodynamie avait ignoré tout ce qui concernait le vin et la vinification, considérant sans doute, comme beaucoup à son époque, que l’alcool était un fléau pour la classe ouvrière : « C’était une nourriture du corps, pas une nourriture de l’âme ». C’est donc d’abord par ses recherches personnelles qu’Hervé Jestin va mettre au point ses méthodes avec un seul objectif : « transmettre par le vin le message de la nature non dévié par l’être humain. Dans une société où les gens vivent hors sol dans des grandes villes, grâce à ces vins, leur redonner des racines, les reconnecter ».

En 2012, avec Frédéric Zeimett et le soutien d’investisseurs américains, il décide de reprendre la Maison Leclerc Briant. Cette pépite champenoise est sans doute la première maison à avoir banni les traitements chimiques dans les années 1960, avant même l’existence d’un label bio. Au début des années 2010, la viticulture biologique est encore surtout le fait de viticulteurs et Frédéric Zeimett et Hervé Jestin ont l’ambition de faire de Leclerc Briant la première Maison locomotive auprès des vignerons dans ce domaine.

Dans le pressoir d’Hervé Jestin

C’est un autre univers que nous fait découvrir Hervé Jestin dans son pressoir. Ce raisin qu’il reçoit a déjà une longue histoire qu’il doit prendre en compte. Comme tout ce qui est vivant, il a été impacté par le stress ambiant : « On voit bien que dans la même caisse, on a des raisins qui sont de toute beauté, et puis des raisins qui sont encore verts ».

Le pressurage est pour le raisin un moment très délicat que chez Leclerc-Briant, l’on n’hésite pas à comparer à une naissance : comme l’enfant dans le sein de sa mère, le jus a jusqu’ici été relativement préservé des interactions avec l’extérieur, tandis que la rupture de la peau le confronte d’un seul coup à un nouveau milieu, l’inondant d’une multitude d’informations. Pour que cette transition se passe bien, il faut l’accompagner en l’aidant à faire le tri : « l’idée c’est de pouvoir créer d’emblée un canal par lequel le vin va pouvoir recevoir les bonnes informations de l’homme, dans la mesure où on considère que le vin est une entité douée d’une certaine conscience. Si on veut que l’être humain soit capable de se retirer par rapport à l’intelligence de la nature, il faut que la nature soit capable de raisonner, or le moût n’est plus un produit complètement naturel, c’est un produit transformé. Donc, l’idée, c’est de faire en sorte que durant cette transformation, on puisse solliciter l’intelligence de la nature. »

En général, pour les chefs de cave, le pressurage, c’est l’heure de multiplier les mesures pour vérifier notamment l’équilibre du moût entre l’acidité et le sucre. « On mesure cinq ou six paramètres et on a la prétention de savoir tout contrôler… Le problème de la chimie aujourd’hui, c’est qu’on travaille comme s’il s’agissait d’un milieu mort. Mais ça ne marche pas comme ça, on a plein de microorganismes dans un moût et des microorganismes c’est du vivant ! » Hervé Jestin lui, préfère utiliser son antenne de Lecher pour mesurer l’équilibre entre les énergies cosmiques et les énergies telluriques. Il cherche ensuite à optimiser ce ratio pour charger le vin d’énergies positives qui arriveront jusqu’au consommateur. Comment ? En additionnant certains produits dont il détermine la recette simplement en écoutant le vin. Ici, dans la manière de doser, les nombres symboliques ont leur importance. Lorsqu’Hervé Jestin ajoute sept gouttes de l’une de ces substances dans le moût, il n’y a pas de hasard : « le trois c’est la trinité qui vient sur le quatre, la matière, l’esprit qui descend dans la matière ».

Car le vin n’est pas seulement un produit matériel, il est aussi « un être spirituel ». Dans beaucoup de religions, il représente un moyen pour accéder à la connaissance divine. Selon Hervé Jestin, c’est une des raisons pour lesquelles toute cette législation restrictive autour de sa consommation existe. Celle-ci n’a pas seulement pour origine des motifs de santé publique : « Je pense qu’il y a des gens qui ont compris que le vin était un produit d’initiation qui permet d’accéder à des informations concernant l’être humain qu’il n’est peut-être pas bon de mettre à la portée de tout le monde. »

L’un des pères spirituels de la Champagne, Dom Pérignon, partageait ce secret. Si on relit le traité du frère Pierre, son élève, qui décrit les pratiques du cellérier de l’abbaye d’Hautvillers, certains passages relatifs aux vendanges en donnent la preuve. Il y a notamment cet étrange usage de Dom Pérignon de mettre le raisin sur le bord de sa fenêtre une nuit entière avant de le goûter. Beaucoup de gens ont tourné et retourné cette phrase sans la comprendre. En réalité, Hervé Jestin s’est « rendu compte qu’il faisait cela pour permettre au raisin de se charger de l’influence lunaire, et pour évaluer l’impact de cette influence lunaire sur la qualité du raisin ». Il était donc déjà parfaitement au fait des principes de la biodynamie et des mystères de la transmutation du raisin en vin qui a lieu à partir du pressurage. Celle-ci représente en effet la mort de « l’être solaire qui disparaît pour donner naissance à un être lunaire. C’est pour ça que les anciens moines ne fermentaient jamais hors sol. Toujours dans la cave. »

Un pressurage sans intervention chimique ?

Est-ce à dire qu’à l’heure des vendanges, Hervé Jestin refuse toute intervention chimique ? Dans la mesure où certains de ses raisins ont été produits dans des conditions qu’il ignore en partie, il y est un peu contraint, et il lui arrive d’ajouter des sulfites : « quand on regarde les analyses, on est inférieur à 20 mg/litre sur l’intégralité de nos vins après fermentation malolactique ». La méthode de dosage a de quoi dérouter, Hervé Jestin ne s’appuie encore une fois sur aucune analyse si ce n’est les informations que lui fournit son antenne de Lecher. À noter aussi qu’il prend toujours soin de neutraliser d’un point de vue énergétique (pas sur le plan chimique), les effets des sulfites sur le vin, en ajoutant certaines substances issues de plantes dans le produit qui formeront un trait d’union avec le moût.

On peut être sceptique mais l’important est le résultat final. Et s’il est une chose certaine, c’est que les vins de Lerclerc Briant ne manquent pas de vitalité.