Jeudi 19 Décembre 2024
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26.03.2021
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La Maison Perrier-Jouët a une façon bien à elle de mettre en lumière le chardonnay dans ses cuvées, avec un style floral, aérien mais qui reste précis. Séverine Frerson, la nouvelle chef de cave, nous a invité à une dégustation de vins clairs pour mieux comprendre l’esprit de ses assemblages.
Séverine Frerson, nouvelle chef de cave de la Maison Perrier-Jouët, nous a invité à déguster les vins clairs des vendanges 2020. L’occasion de se faire une première idée de la qualité du millésime mais aussi de plonger dans le style ciselé de cette pépite sparnacienne. « Le champagne Perrier-Jouët est construit autour de trois mots. Le premier c’est le chardonnay. Il y a tout un travail autour de ce cépage pour que son expression se retrouve à travers l’ensemble des cuvées. Le deuxième c’est floral, les vins nous font voyager de l’aubépine à la pivoine, la rose, jusqu’au chèvrefeuille, la fleur de cerisier… Cette dimension imprègne même la bouteille Belle Époque sur laquelle Émile Gallé a dessiné en 1902 une anémone du Japon ! Enfin, le troisième mot, c’est nature. Même si nous ne produisons pas à proprement parler des vins ‘natures’, il n’y a pas d’artifice et nos vinifications sont très peu interventionnistes ».
Pour nous éclairer sur sa sélection de chardonnays, Séverine commence par un vin clair de la parcelle historique les Bourrons Leroy, acquise par Charles Perrier en 1850. Nous sommes à Cramant, sur la partie plate, là où la craie est presque affleurante. Sur ces vieilles vignes plantées dans les années 1950, la charge de raisin est moins importante, favorisant une maturation plus rapide : elles ont été cueillies le 19 août, deux jours après les premiers coups de sécateur en Champagne ! Le nez est effectivement floral, on repère bien le chèvrefeuille mais aussi les agrumes, le pamplemousse, la mandarine. Le vin en se réchauffant laisse ensuite apparaître un côté poivré, le gingembre frais… La bouche est droite, avec une jolie longueur, la texture est satinée. La chef de cave a décidé de le mettre en réserve et imagine déjà son profil dans cinq ans : « nous serons sur des arômes d’abricot, gorgés de soleil avec une chair et une texture précises, un côté un peu suave. Il gardera ses aspects floraux, le chèvrefeuille ira vers la pivoine blanche. Le caractère épicé aura évolué vers des arômes de cumin et de gingembre confit, des notes vanillées, miellées ».
Séverine nous emmène ensuite sur une parcelle voisine. Le sol est similaire mais les vignes sont plus jeunes (années 1980) et ont été vendangées plus tard (24 août). Le contraste et la complémentarité sont saisissants. Le vin a moins de longueur et on ne retrouve pas la même expression florale. En revanche, il a davantage de concentration aromatique, avec beaucoup de chair, de la pêche blanche… Même si on parle moins de structure pour les chardonnays et que l’on attribue d’habitude cette qualité au Pinot noir, Séverine a besoin de vins avec une ossature comme celui-ci, pour que les pinots noirs ne l’emportent pas ensuite à l’assemblage. Avec le réchauffement climatique, un dernier enjeu dans ses compositions consiste à conserver la fraîcheur, surtout sur une année aussi chaude que 2020. Séverine nous présente un vin clair de Chouilly, sur lequel elle a décidé de bloquer la malolactique, pour conserver un peu d’acide malique. Une nouveauté pour cette maison qui pratiquait jusqu’ici des « malos » systématiques !
Des pinots noirs qui « chardonnisent… »
Pour les Pinots noirs, à l’inverse, on recherche des raisins « qui chardonnisent », avec un peu moins d’épaule, plus fins, toujours pour éviter d’écraser le chardonnay. D’où cette passion pour le flanc Nord de la Montagne. Séverine nous présente un vin de Mailly où la Maison possède 10 hectares. Les notes de fraise et de mûre sauvages sont magnifiques. Perrier-Jouët réserve ses pinots plus structurés (Aÿ notamment) pour le rosé : il faut pour la proportion de blanc de noirs une certaine ossature, c’est elle qui portera le vin rouge ajouté.
Enfin, viennent les meuniers. Sur cette année précoce, l’habitude des vignerons de les cueillir tardivement a pu parfois les laisser dériver vers des arômes compotés. Toujours attentive aux maturités, la maison a su les cueillir assez tôt. La parcelle de Dizzy que nous découvrons en témoigne : nous sommes encore sur les fruits du verger. La parcelle de Damery qui suit est un peu plus évoluée : on arrive sur la tarte tatin, la pomme un peu cuite, mais qui a conservé son acidité, sa fraîcheur et sa structure.
Pour terminer cette dégustation, Séverine nous propose une soléra débutée en 1995, utilisée pour ses liqueurs de dosage. On change ici de registre, avec des arômes de tabac, d’encens et même de Cognac. Un joli clin d’œil, lorsque l’on sait qu’il y a quelques années encore, les Maisons utilisaient justement cette eau de vie si délicatement parfumée dans leurs liqueurs de dosage.
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