Dimanche 24 Novembre 2024
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14.05.2021
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Réélu jeudi 6 mai 2021 à la tête de la viticulture bourguignonne (CAVB), le vigneron de Meursault devra traiter de lourds dossiers pendant les quatre prochaines années. Parmi eux : l’adaptation du vignoble au changement climatique, la transmission des exploitations familiales ou encore la lourdeur administrative. Entretien.
Vous achevez un premier mandat de trois ans en tant que représentant des viticulteurs bourguignons. Quels enseignements en tirer ?
J’ai été très surpris par l’activité au jour le jour. J’ai été sans cesse en train de répondre à des urgences. Il a fallu mobiliser les parlementaires à plusieurs reprises, dès qu’une nouvelle loi allait sortir. Et la densité des dossiers sur la table est énorme. Notre modèle de viticulture doit relever plusieurs défis, notamment techniques.
Vous faites référence au dérèglement climatique ?
Principalement. On paie aujourd’hui quarante années de non recherche agricole. Aujourd’hui, ça nous explose à la figure avec le réchauffement. Il faut réussir à maintenir de la fraîcheur dans les vins et à éviter les gelées au printemps. Nous connaissons les grandes lignes qui nous permettront de relever ces défis : des portes-greffes plus tardifs et sans dégénérescence, des variétés de pinot noir et de chardonnay plus adaptées. Malheureusement, cela prend du temps. Il faudra trente ans pour voir aboutir ces recherches. C’est une génération qui va pouvoir le faire.
Le poids de l’administratif pour les vignerons a fait partie des défis de votre premier mandat. Est-ce toujours le cas ?
Nous avons mis en place un certain nombre de guides et nous allons continuer ce travail d’accompagnement. Mais cela ne suffira pas. L’administratif pèse de plus en plus lourd : sur une année, les déclarations obligatoires se comptent par dizaines, et changent en permanence. En Bourgogne, l’exploitation moyenne atteint seulement 7,5 hectares ; elle n’est pas taillée pour cela. Le ras-le-bol est atteint. Du côté de l’administration, chaque service rajoute sa contrainte, sous prétexte de simplification. Nous sommes encore loin du document unique.
L’autre grand dossier pour les exploitations familiales, c’est celui de la transmission. Où en est-on ?
On ne peut que constater la spéculation foncière sur nos vignes. Et elle ne concerne plus que les grands crus : elle ruisselle sur les premier crus, les villages voire les appellations régionales. Aujourd’hui, des personnes qui ont travaillé toute leur vie et veulent transmettre à leurs enfants se font redresser par le fisc. Ce que l’on demande aujourd’hui, c’est de distinguer la transmission familiale de la vente pure, pour que notre modèle d’exploitation puisse survivre. Seule une volonté politique pourra changer les choses. Nous avons déjà rencontré Bruno Le Maire et Gérald Darmanin [quand il était à Bercy, Ndlr], sans succès.
À tous ces dossiers s’ajoute un contexte de crise, et notamment cette vague de gel dévastatrice. Un mois après, quel est le moral des viticulteurs bourguignons ?
C’est dur. On commençait à avoir de bonnes nouvelles, notamment le moratoire sur la taxe Trump, l’espoir de voir les restaurants rouvrir, quand les gelées sont arrivées. Ça a été le coup de grâce. On se dirige vers 30 à 50% de pertes en Bourgogne, même s’il faudra attendre juin pour avoir un chiffre précis.
L’interprofession bourguignonne en 2021
Thiébault Huber poursuit sa mission de représentant de la viticulture, peu après l’élection d’Albéric Bichot à la tête du négoce. Deux familles du vignoble réunies au sein de l’interprofession (BIVB), désormais présidée par Frédéric Drouhin, qui a succédé à Louis-Fabrice Latour à ce poste en mars.
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