Bordeaux exporte sa Fête du Vin

Alors que « Bordeaux Fête le Vin » s’apprête à démarrer demain sur les bords de la Garonne, la capitale girondine décline son événement au quatre coins du monde, en particulier en Asie. S’inspirant de l’événement qui ouvre demain, trois fêtes auront lieu cette année à Dalian, Québec et Hong Kong.

C’est le plus important événement viticole de l’année qui s’ouvre demain à Bordeaux. Pendant quatre jours, jusqu’à dimanche, des centaines de milliers de personnes sont attendues sur les bords de Garonne, au cœur de la ville classée à l’Unesco, pour la Fête du vin. Des dizaines de stands s’étireront le long du fleuve pour former une grande route de dégustation sur une surface de 7 hectares.

Au-delà du vin, c’est sa culture qui est ici fêtée : le contact direct avec le producteur, la convivialité, la modération et l’alliance avec la gastronomie ; sans oublier les visites dans les châteaux, des expositions d’art et même des concerts et autres feux d’artifice ! Autant dire un pan de la culture et du savoir-faire festif à la française. « Des arguments qui portent dès que nous sommes à l’étranger. Derrière la bouteille, le client voit souvent nos propriétés, nos vignes et tout l’art de vivre attaché à la civilisation du vin. D’autant que Bordeaux est vu dans le monde comme la capitale mondiale du secteur », constate un négociant qui fait plusieurs fois par an le tour du globe pour vendre ses caisses.

Hong Kong en éclaireur

Rien d’étonnant donc à ce que la Fête du vin à la bordelaise ait fait des bébés bien loin de son nid. La ville de Hongkong a tiré la première. C’était en octobre 2009, le long de la magnifique baie de la mégalopole asiatique : une route des vins avec nombre de viticulteurs et négociants aquitains, et le même système de pass ouvrant droit à gambader entre les stands pour déguster, gastronomie et musique étant aussi de la partie.

Au fil du temps, ce bébé a grandi, pour accueillir 160 000 visiteurs l’an passé (la prochaine édition du Wine & Dine Festival de Hongkong se tiendra du 1er au 4 novembre 2012). Des producteurs d’autres vignobles s’y sont aussi greffés. Sur place, il faut se pincer pour y croire : dans une région du monde qui ignorait presque tout du vin il n’y a pas si longtemps, des jeunes branchés s’encanaillent le soir venu avec des verres de rouge et de blanc, comme s’ils touchaient la Tour Eiffel des doigts. Bien sûr, les affaires ne sont jamais loin. Faire connaître Bordeaux sur la fête permet d’y vendre plus tard des caisses. La Chine, avec Hong Kong en porte d’entrée, est d’ailleurs devenue, à vitesse grand V, le premier client à l’exportation (en volume et en valeur) des producteurs girondins.

L’ancienne colonie britannique, qui a aboli toutes les taxes à l’importation sur le vin, est même l’invitée d’honneur de la fête qui débute demain. Autant dire que les fiançailles tournent allègrement au mariage de raison.

Dalian à la mi-juillet

Toujours suivant le tropisme chinois qui a gagné une bonne partie du Bordelais, une deuxième fête aura lieu à Dalian, ville côtière à une heure de Pékin. Rendez-vous dans quinze jours, du 12 au 15 juillet, pour une première édition.

Une forte délégation du Sud-Ouest sera du voyage, avec des vignerons des Côtes de Bordeaux, des liquoreux… Elle fera même un passage par Canton et Shanghai. La Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux est à la manœuvre suite à un accord de coopération signé avec cette ville qui accueille 36 millions de touristes par an. Mais aussi grâce à la présence sur place du groupe industriel Haichang, dont le mystérieux propriétaire – M. Qu – a déjà acheté cinq châteaux en Gironde et, semble-t-il, autant d’autres à venir. Il est le Chinois avec le plus gros patrimoine viticole en Bordelais (une trentaine de propriétés y sont passées sous pavillon de ce pays).

Dans sa ville, le milliardaire veut développer un parc à thème lié au vin, des écoles de dégustation et de cuisine, un musée, des magasins de vente… Une stratégie globale pour laquelle il a recruté plusieurs consultants girondins.

Bordeaux, qui depuis toujours exporte ses vins, son savoir-faire technique et ses œnologues, enverra aussi en cette année 2012 sa Fête du vin à Québec. Ce sera également une première, du 6 au 9 septembre. Il faut dire que les deux cités sont jumelées depuis un demi-siècle et que la visite chez nous, en 2010, du maire de Québec l’a convaincu d’y cloner le concept.

Le long du Saint-Laurent

C’est donc la passe de trois à l’international pour l’événement né en Gironde en 1998. En attendant peut-être d’autres ramifications futures, au gré de l’importance des marchés viticoles et des ententes politiques et économiques.

« Plus de 70 viticulteurs et négociants seront à Québec, avec environ 20 000 bouteilles expédiées pour l’occasion », explique-t-on au CIVB. Six pavillons (Médoc, Graves, Saint-Émilion, Fronsac…) formeront une route des vins le long du fleuve Saint-Laurent, comparable à celle visible dès demain en bord de Garonne. Avec toujours le système de pass pour déguster (l’objectif est d’en vendre 30 000) et des sessions d’initiation, verre en main. Cerise – sportive – sur le gâteau : le Grand Prix cycliste de la ville se tiendra le même week-end. Il attire tous les ans 50 000 visiteurs et les médias. De bon augure.

Le business sera tout près de cette fête populaire. La Société des alcools du Québec (SAQ) sera ainsi de la partie. Ce monopole, un des plus gros acheteurs de vin sur la planète, mettra les bordeaux à l’honneur lors des foires aux vins organisées dans ses magasins fin septembre. Une façon de jouer les synergies. Même des soirées sont prévues, une autre des spécialités « exportables » de notre viticulture.

César Compadre