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15ᵉ Forum des vins de Bordeaux : la biodiversité comme alliée

Forum des vins bordeaux

©M. Sarrazin

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

22.01.2025

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La semaine dernière, le CIVB organisait son 15ᵉ forum. Très suivi, l’événement a mis l’accent sur la biodiversité, aussi bien celle de la vigne elle-même que celle de ses alliés. Chacun a pu observer une recherche utile, appliquée aux pratiques culturales et aux techniques de vinification, pour lesquelles Bordeaux a su se montrer « futuriste ».

Face aux conséquences du changement climatique (réchauffement, sécheresse, attaques de maladies), Bordeaux, comme beaucoup de régions, s’interroge sur son encépagement. Si les VIFA (Variétés d’intérêt à fin d’adaptation) apparaissent comme une des solutions, il convient de faire un travail d’inventaire sur les cépages existants dans le Sud-Ouest. C’est ce qu’ont entrepris Olivier Yobrégat et Ronan Jehanno de la Chambre d’agriculture de la Gironde. Ce catalogue est une vraie mine d’or pour préparer l’avenir, car cet existant présente des caractéristiques exploitables.

Les deux intervenants ont souligné l’importance de la conservation des cépages historiques, la richesse de la diversité génétique de Vitis vinifera et son potentiel pour l’adaptation au changement climatique : résistance aux maladies, mais aussi dates tardives de débourrement et de maturité, qui sont de plus en plus recherchées. Le castets justement, cépage ancien du Bordelais, est ainsi redécouvert et fait partie de la liste des VIFA : son débourrement tardif permet d’éviter la période des gelées. « Dans la diversité génétique de la vigne, il y a de la marge et des possibilités que les généticiens exploitent. » S’adapter grâce à la diversité des cépages est un des leviers incontournables.

Quid de l’avenir des cépages bordelais ?

Kees van Leeuwen (Bordeaux Sciences Agro) a ensuite pris la parole. La notoriété de certains cépages et la nécessité de vendre ont conduit à planter des cépages dans des régions moins adaptées, rendant la maturation parfois difficile, leur faisant perdre leur typicité, et obligeant le viticulteur à compenser des faiblesses (par la création d’une irrigation, par exemple). Quant à l’avenir des cépages bordelais, une projection à 2030 montre justement que « le cabernet franc et le cabernet sauvignon sont encore bien dans la fenêtre idéale de maturation, mais que le merlot commence à être un petit peu limite et à en sortir ». Or, le merlot représente 65 % de l’encépagement à Bordeaux. « Quant au sauvignon blanc, il a quitté la fenêtre idéale de maturation, il est devenu trop précoce ».

De quoi alerter les viticulteurs et les inviter à anticiper le futur encépagement. Trois leviers sont proposés : les clones, faire varier les proportions dans l’encépagement (le merlot n’est pas abandonné, mais réduit), et enfin les VIFA. Dans sa conclusion, Kees van Leeuwen établit le portrait du cépage idéal pour Bordeaux, « mais qui n’existe pas » : « Ce cépage doit accumuler relativement peu de sucre, maintenir une bonne acidité, avoir une typicité aromatique pas trop éloignée des typicités bordelaises, être tolérant à la sécheresse, peu sensible aux maladies et avec un rendement régulier. »

Ecosystème à construire

Puis, Coralie Petitqueux (Vitinnov) a présenté les services écosystémiques rendus par la biodiversité (régulation des ravageurs, formation des sols, etc.) et les principes pour la restaurer. Son credo est de privilégier les essences locales plutôt que des espèces exotiques qui ne sont pas adaptées et qui affaiblissent souvent l’écosystème existant. Elle a également insisté sur la nécessité de diversifier les habitats et de les connecter : haies, arbres isolés, fauche tardive… Autant d’atouts au service de la vigne. Elle a ensuite développé les conditions d’une installation favorable aux chauves-souris, qui jouent un rôle bénéfique dans la régulation des ravageurs.

Des sols à bichonner

Une autre manière de mieux considérer notre vignoble est de porter un regard bienveillant sur l’invisible qui se cache dans les sols. Brice Giffard (Bordeaux Sciences Agro) a mis en lumière l’importance de la biodiversité des sols, indispensable à la dégradation de la matière organique, dont le taux s’est affaibli considérablement depuis quelques décennies, mais qui participe à la fertilité. Si le changement climatique est inéluctable, les pratiques viticoles (travail du sol, utilisation de pesticides et de cuivre) ont un impact sur cette biodiversité. Le conférencier a insisté sur l’importance des apports de matière organique et des couverts végétaux pour préserver la biodiversité et les fonctions du sol.

Sol pour illustrer le forum des vins de bordeaux
©Claude Clin ADI

Vins nature et diversité des levures et bactéries

Anne-Cécile Delavallade (CIVB) a fait un exposé notamment sur les vins nature. Même s’ils ne représentent que 1 % de la production française, ils suscitent un grand intérêt auprès d’un certain public. Il n’y a pourtant pas consensus sur leur définition, mais il existe malgré tout un label « Vin méthode nature » (2020), seul label validé par l’INAO et reconnu par la DGCCRF (raisins bio, vendanges manuelles, utilisation de levures indigènes et absence d’intrants œnologiques ajoutés avant ou pendant la fermentation). La production de vins nature soulève des défis techniques, notamment la maîtrise des fermentations avec des levures indigènes et la gestion des risques d’altération en l’absence de sulfites. Sans cette grande maîtrise technique, les vins sont sujets à des défauts, surtout pour les vins nature.

Enfin, Isabelle Masneuf-Pomarède (Université de Bordeaux, ISVV) a évoqué le sujet des levures et des bactéries dans les chais et à la vigne, et de leur voyage de l’un à l’autre. La biodiversité microbienne est essentielle à la santé des sols, à la croissance de la vigne et à la transformation du raisin en vin, influençant son profil sensoriel. Les micro-organismes circulent entre le vignoble et le chai, créant un système interconnecté et complexe. « Par exemple, Saccharomyces cerevisiae, présent dans le chai, peut se disséminer dans l’environnement sur un rayon de 300 à 400 mètres, permettant ainsi des échanges microbiens entre chais voisins ».