Jeudi 21 Novembre 2024
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28.03.2022
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Lors de la dernière assemblée générale de l’association des viticulteurs d’Alsace (AVA) une majorité s’est prononcée pour que les vins d’Alsace étiquetés riesling soient obligatoirement secs. Une décision que n’approuvent pas ceux dont la vie est ancrée dans la variété des terroirs alsaciens.
Le débat sur la sucrosité des vins en Alsace est un serpent de mer qui revient régulièrement sur le devant de l’actualité. Le fait que le consommateur ne sait pas clairement si tel vin sera sec ou pas, s’il ira avec les huitres ou pas, serait le principal obstacle à la bonne santé économique du vignoble.
Pour la lisibilité
On pensait que les Alsaciens avaient finalement trouvé la solution, tout simplement en appliquant strictement la réglementation européenne sur l’étiquetage. Celle-ci est justement applicable à partir du millésime 2021, dont les premiers flacons commencent à sortir sur le marché. Un décret oblige désormais les étiquettes à afficher clairement les termes « sec », « demi-sec », « moelleux » ou « doux » en toutes lettres ou les désigner au moyen d’un curseur sur une échelle. Cette mesure était souhaitée par les professionnels afin que le consommateur s’y retrouve mieux entre les différents types de vins, en particulier pour ceux produits à partir du même cépage.
Le cépage riesling réservé aux vins secs ?
Avant même qu’on puisse juger de l’utilité de cette nouvelle mesure et de ses répercussions sur les ventes de vin d’Alsace, il est étonnant de voir que l’AVA, association des viticulteurs d’Alsace ait mis à l’ordre du jour de son assemblée générale le projet de légiférer sur le taux de sucre du seul cépage riesling. Pour les amateurs de vins d’Alsace qui se régalent de la variété des terroirs, il est encore plus étonnant de constater que 2/3 des participants ont voté afin que tous les vins issus de riesling soient désormais secs (moins de 4g de sucre résiduel par litre) ; non seulement les rieslings « génériques », mais aussi tous les lieux-dits, villages et les 51 grands crus.
Variété géologique et climatique
L’AVA regroupe tous les producteurs de raisins alsaciens, qu’ils vinifient leurs raisins ou les livrent à une coopérative, qu’ils commercialisent leurs vins ou qu’ils les vendent à un négociant-éleveur. L’ambition de cette nouveauté est de simplifier le choix du consommateur et de donner une meilleure lisibilité à l’offre alsacienne, même si ce choix semble en total désaccord avec l’exceptionnelle variété géologique et climatologie qui caractérise l’Alsace et que l’interprofession (CIVA) mettait précisément en images depuis quelques années.
Négation des terroirs
Le Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace (Synvira) avait préparé ce rendez-vous et avait décidé (à l’unanimité pour une fois) que leurs représentants voteraient contre ce projet de riesling obligatoirement sec. Son directeur Alain Renou rappelle que le Synvira compte les deux tiers des metteurs en marché : « Ils savent ce qu’est un client, ils sont concernés par la typicité et aussi le commerce ». Certes ils font des rieslings secs, mais pas seulement. Pierre Gassmann, du domaine Rolly-Gassmann, grand connaisseur de l’histoire de l’Alsace, qui vinifie terroir par terroir, explique pourquoi obliger tous les rieslings à être secs est une négation des terroirs et une aberration en période de réchauffement climatique et d’ambition « nature » : « Bien sûr il y a des sites fermés et froids, des sols de granit ou de grès (qui font volontiers des vins secs), mais dans tous les secteurs qui avancent vers la plaine comme Rorschwihr ou Bergheim, quand on est sur des calcaires ou des marno-calcaires, c’est une autre affaire. Faire des vins secs dans certaines millésimes, ce n’est pas possible. On est dans le respect du produit, on n’ajoute pas, on ne retire pas. Si on a deux années comme 2003, que fait-on ? »
Appellation, chance ou contrainte
Depuis l’AG du 15 mars, les discussions vont bon train. Des sommeliers s’affolent, des clients enjoignent les vignerons à se rebeller. Pour être effective, la nouvelle loi doit être avalisée par l’INAO, Institut national de l’origine et de la qualité. Nombre d’Alsaciens ne sont pas d’accord avec ce qu’ils considèrent comme une négation de l’appellation, puisqu’elle existe pour maintenir les « usages loyaux et constants » et garder le côté pluriel. Certains cherchent la meilleure solution collective. D’autres parlent de sortir de l’appellation contrôlée ou …. d’en créer une nouvelle.
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