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Ao Yun : la fraîcheur d’un grand cru de l’Himalaya

Auteur

Yves
Tesson

Date

22.07.2021

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Lors d’une visioconférence à la Grande Épicerie de Paris, Maxence Dulou, directeur du domaine Ao Yun, a présenté le dernier millésime de ce fameux vignoble créé par LVMH en Chine. Un vin d’une étonnante fraîcheur dont l’histoire nous emmène aux confins du Yunnan. Là-bas, perdue à 2600 mètres d’altitude, une poignée de vignerons pionniers se livre à une viticulture de l’extrême.

LVMH caressait un rêve, celui d’élaborer un grand vin fin en Chine. Pour identifier le terroir le plus à même de réaliser son projet, le groupe a dépêché sur place en 2008 un winemaker australien, Tony Jordan. Les premières recherches ont été difficiles. Les deux grands climats qui existent en Chine sont peu adaptés. Le sud est trop humide, quant à la Chine du nord et du centre, elle subit des hivers rigoureux qui obligent à enterrer les vignes. Les étés très chauds ne permettent pas non plus d’avoir l’acidité nécessaire à l’élaboration de grands vins. Tony Jordan s’est donc concentré sur la recherche de microclimats. Il a découvert au nord du Yunnan, à la frontière du Tibet, une région très intéressante. Protégée des moussons par des montagnes qui s’élèvent jusqu’à 6800 mètres, elle offre des conditions rares. Il n’est d’ailleurs pas le premier à avoir repéré le potentiel viticole de l’endroit. Déjà à la fin du XIXe siècle, des missionnaires ont planté là-bas quelques vignes hybrides dont on retrouve des pieds centenaires autour des églises. Dans les années 2000, les autorités chinoises ont aussi encouragé la plantation de cabernet franc et de cabernet sauvignon qui forment aujourd’hui une partie du domaine Ao Yun.

Les conditions idéales d’un terroir atypique

Pour rafraîchir le climat, les vignes ont été plantées entre 2200 et 2600 mètres. Les vendanges s’étalent ainsi entre septembre et fin novembre selon l’altitude des quatre villages qui composent le domaine. L’ombre portée des montagnes réduit de 60% l’ensoleillement et garantit une maturation lente. Si la durée journalière pendant laquelle les vignes sont exposées au soleil est courte, la puissance des UV à cette altitude est très forte. « Pour se protéger du soleil, le raisin va se créer une peau plus épaisse. Il va développer davantage de couleur. Les UV vont aussi aller plus profondément dans la baie ce qui va permettre aux tanins des pépins de mûrir davantage. Tout cela va donner une texture très intéressante », explique le directeur d’Ao Yun, Maxence Dulou.

Les hivers et les étés sont légèrement plus frais qu’à Bordeaux mais les printemps sont plus secs et ensoleillés, de même que l’arrière-saison. Aussi, la pression du mildiou reste limitée, même quand il a plu, grâce à l’air qui sèche vite à cette altitude. Revers de la médaille, la faible pluviométrie (entre 200 et 300 mm par an) contraint à recourir à l’irrigation. « On recharge les réserves l’hiver avec l’eau de source qui vient des glaciers. Une année comme celle-ci c’est la guerre de l’eau. Les habitants des villages les plus élevés sont les premiers servis, au détriment parfois de ceux qui sont plus bas. A Xidang on a dû irriguer la nuit, parce que nous sommes en bas du village et qu’il ne restait plus d’eau dans la journée. Nous sommes en train d’optimiser l’irrigation en installant un système de goutte à goutte, même si nous préférons l’irrigation par inondation qui permet à l’eau de pénétrer plus profondément et d’inciter les racines à descendre elles aussi davantage ».

Enfin, dernière contrainte : le plus faible taux d’oxygène lié à l’altitude. « Le vin évolue différemment. Par moment nous devons rajouter de l’oxygène, en bouteille en revanche, cela favorise un vieillissement plus long et harmonieux. » La sècheresse de l’air altère aussi les capacités gustatives au moment de la composition des cuvées. « La bouche et le nez sont secs. Vous saturez beaucoup plus vite, des tanins fins vont vous sembler rugueux ». Afin de corriger cette déformation, les dégustations d’assemblage se font à partir d’échantillons à Hong Kong.

Pour s’établir, LVMH a dû négocier un bail de location de 30 ans avec le gouvernement et avec les 120 familles qui composent les quatre villages. Pour chaque hectare (il y en a trente au total, divisé en 314 parcelles), Ao Yun a conclu un accord de 3500 heures de travail que les villageois réalisent entièrement à la main. Une telle disponibilité de main-d’œuvre ouvre le champ des possibles : « On peut vraiment faire de la manucure. On pratique des vendanges en vert. On ne va pas parler par hectare, mais par pied, voire même par rameau : 1kg par pied, 100 g par rameau ». Comme la zone est très reculée (6 heures de route avant la première ville), les villages doivent fonctionner de manière autonome, d’où le maintien d’un système de polyculture dans lequel Ao Yun s’est efforcé de s’inscrire. « C’est un cercle vertueux, les plantes nourrissent les animaux, les animaux nourrissent les plantes. Nous-mêmes, nous utilisons le compost des villageois, et eux récupèrent les rameaux de vignes rognées pour les donner à leurs animaux. » Cette coupure avec le monde extérieur implique aussi un matériel adapté. « Nous avons des machines faciles à régler et robustes. » Compte tenu de la proximité des habitations, dès le départ, Ao Yun a respecté les pratiques culturales bios, même si le domaine n’entame qu’aujourd’hui les démarches administratives pour obtenir sa certification. Les autorités chinoises ont exigé à cet effet l’installation de caméras dans le vignoble.

Évidemment, depuis ses premières cuvées, le domaine a fait des progrès considérables, apprenant chaque année à mieux connaître les différents terroirs. Le millésime 2017 que la maison présente aujourd’hui offre un profil très séduisant. Pour la première fois, il intègre une portion de merlot plantée en 2013. « Ce qui est frappant, c’est la fraîcheur, ce n’est pas l’image que l’on a des vins du Nouveau Monde », confie le sommelier du Shangri La, Maxime Verdier. « Quand on fait les analyses, on voit effectivement des acidités supérieures aux grands vins de Bordeaux de la rive gauche, balancées par une concentration, une maturité là-aussi uniques. » confirme Maxence. La complexité aromatique est remarquable : « Nous avons souvent le côté cèdre, certains pensent que cela provient de la barrique, en réalité, c’est le terroir. Nous cherchons toujours à privilégier son expression notamment en privilégiant l’utilisation de fûts anciens (62%). »

https://www.lvmh.fr/les-maisons/vins-spiritueux/ao-yun/
Prix recommandé : 300 €