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Bientôt un bourgueil blanc ?

grappe de chenin bourgeuil blanc

Le chenin pourrait bientôt intégrer le cahier des charges des bourgueils blancs. ©DR

Auteur

Lucie
de Azcarate

Date

03.01.2025

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Dans quelques années, si l’INAO donne une issue favorable au dossier, il sera possible de déguster un bourgueil blanc. Aux côtés de l’incontournable cabernet franc et du complémentaire cabernet sauvignon, le chenin pourrait se faire une place grâce à la ténacité des vignerons, dont Philippe Boucard, ancien président de l’appellation, se fait le porte-voix. 

Le chenin ne représente que 2 % de l’encépagement de Bourgueil et pourtant, vous souhaitez que l’appellation s’ouvre au blanc. Pourquoi ? 

Le bourgueil est associé au vin rouge depuis le début, c’est indéniable. Pourtant, il y a toujours eu quelques ceps de blancs dans l’encépagement, au moins pour assurer la consommation locale autrefois, lorsqu’on faisait moins appel au transport. Aujourd’hui, c’est frustrant pour les vignerons de faire du bourgueil rouge, un peu de rosé et de ne pas vinifier en blanc sous ce même nom. Lorsqu’on est passionné par son métier, c’est la suite logique de s’ouvrir à cette couleur. Enfin, il est peu probable qu’une fois intégré à l’appellation, les surfaces en chenin bouleversent l’encépagement. À Chinon, grâce au succès commercial du blanc, les surfaces plantées en chenin ont triplé, passant de 2 % de l’appellation à presque 6 %... 

Quelles seraient les qualités d’un bourgueil blanc ? 

En 2016, lorsque j’étais président de l’appellation, nous avons voté le type de blanc que nous souhaitions produire. L’INAO avait en effet précisé que nous ne pourrions pas intégrer tous les types de blanc, il nous fallait donc opter pour un type de chenin. Nous avons donc voté à une large majorité pour le chenin sec. 

Entre Vouvray, Montlouis et Chinon, nous sommes entourés d’appellations qui produisent des blancs secs issus de chenin. Nous produirons donc des vins blancs qui seront comparables. Notre objectif est de faire des vins blancs de qualité, c’est pourquoi nous avons placé la barre haute pour définir notre cahier des charges… 

Justement, pouvez-vous revenir sur ce cahier des charges ? 

Notre cahier des charges doit remplir un objectif : produire de beaux bourgueils blancs. À cet égard, ce qui nous semble déterminant c’est la qualité de la vendange. L’exigence de la vendange manuelle permet de trier les raisins, en particulier lors des années humides, de conserver les rafles et s’accompagne d’un transport en caisse afin de garder les baies intactes. Pour le pressurage, il aura obligatoirement lieu en pressoir pneumatique. Avec ces dispositions, nous pourrons avoir des qualités optimales pour les vins blancs. 

Avec l’assemblée extraordinaire au cours de laquelle le cahier des charges a été défini, nous arrivons au bout d’un processus qui dure depuis plusieurs décennies. Quelles en ont été les principales étapes ? 

Dans le milieu viticole, la notion de temps est incontournable. Si vous voulez faire une nouvelle bière, en un mois vous pouvez tester votre recette, tandis qu’avec la vigne, il faut la planter puis attendre 4-5 ans pour en goûter les fruits. Avec le système des appellations, le principe est le même. En 1937, les vignerons qui nous ont précédé n’avaient pas mesuré l’importance qu’allaient prendre les AOC dans la valorisation des vins. Ainsi ont-ils négligé d’intégrer le chenin dans le cahier des charges de l’appellation. Lorsque j’en ai été le président en 2003, plusieurs vignerons demandaient à faire du chenin en appellation bourgueil. Mais l’INAO ne peut pas « créer » un produit, elle reconnaît un produit déjà existant.

Donc il faut justifier d’une production suffisamment importante sous un autre signe de qualité. En 2016, alors que je suis de nouveau président de l’appellation, le projet est relancé afin d’accumuler plusieurs millésimes de chenin sec commercialisés en IGP Val de Loire. Aujourd’hui, nous avons rassemblé suffisamment d’éléments à l’échelle de l’appellation. Au premier semestre de 2025, nous allons travailler avec le comité régional de l’INAO. Puis, si ce dossier passe cette première étape, il sera instruit au niveau national. 

Si le chenin est intégré à l’appellation Bourgueil, pensez-vous faire des émules ? Notamment auprès de Saint-Nicolas-de-Bourgueil ? 

Nous leur avons posé la question et c’est peu probable. Ils ont la chance par leur nom et la particule qu’on leur prête (« de-Bourgueil ») de mieux valoriser leur vin rouge, en particulier auprès du négoce. Mais, si d’aventure ils veulent aussi faire du chenin, nous aurons créé un précédent !