Jeudi 21 Novembre 2024
©Leif Carlsson
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Date
26.12.2022
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Le réaménagement dont vient de bénéficier le Clos Saint-Hilaire de la maison Billecart-Salmon, à Mareuil-sur-Aÿ, offre à cette cuvée déjà légendaire un écrin qui permet de mieux en comprendre l’histoire et la typicité
À l’emplacement du Clos Saint-Hilaire se trouvait jadis un parc confié à la libre initiative des enfants qui y cultivaient chacun leur lopin, multipliant avec la curiosité de leur jeunesse les expériences gustatives et esthétiques. Entre le grand noyer de Saint Gilles et le petit jardin à l’anglaise, il faisait bon vivre. La guerre vint troubler cette quiétude. Charles Roland-Billecart fit couper les arbres pour les remplacer par un vaste potager et un verger. Alors que la nourriture était désormais rationnée, il s’agissait de pourvoir aux besoins des familles des salariés. Les premiers pieds de pinot noir ne furent plantés qu’en 1964 par Jean Roland-Billecart. Il est vrai que Renée, l’épouse de Charles, en bonne grand-mère soucieuse des loisirs de ses petits-enfants, s’y opposa longtemps.
Situé au pied de la colline du Gruguet, dans la partie la plus basse, au point de pénétrer à l’intérieur même du village, le sol est ici d’une épaisseur rare pour le vignoble de Mareuil-sur-Aÿ. L’accumulation de limons et d’argile au-dessus de la craie atteint jusqu’à trois mètres. D’où la richesse du vin issu du Clos. L’exposition sud-est est également intéressante. « Le sud permet de garder de la maturité, l’est, une certaine fraîcheur » explique Denis Blée, directeur vignes et vins.
La naissance du Clos
Cette qualité a d’abord été valorisée pour élaborer le vin rouge nécessaire à la cuvée rosée Elisabeth Salmon lancée en 1988. Puis, en 1995, alors que les vignes avaient désormais plus de trente ans, François Roland-Billecart a décidé d’aller plus loin en transformant la parcelle en clos et en lui consacrant une cuvée. Denis a alors abandonné la taille classique en cordon de Royat, lui préférant le cordon permanent, presque introuvable en Champagne, qui renforce la concentration, surtout qu’elle est ici combinée à des vendanges en vert. Ceci explique les rendements très limités qui oscillent entre 3 000 et 6 000 bouteilles sur à peine un hectare.
La cuvée est d’autant plus rare, qu’à chaque étape de la vinification, elle peut être déclassée. « En 2001, l’examen visuel des grappes a suffi. Pour 2016, nous avons constaté au stade des vins clairs qu’ils étaient trop boisés, les pluies ne leur avaient pas donné la concentration nécessaire pour résister à la vinification sous bois. Enfin, nous n’avons pas hésité à remettre en cercle le millésime 2004, à l’issue d’un vieillissement sur latte de douze ans. »
Chaque année, pour cette vinification, Denis sélectionne au nez une douzaine de fûts parmi les 400 de la maison, qu’il marque d’un fil d’or. « Je retiens les plus élégants, ils ont en général une vingtaine d’années. On n’est pas sur un apport boisé mais dans ce rapport patine, oxydation ménagée où c’est le vin qui va se révéler et pas le bois qui va aider à supporter et agrandir le vin. »
Retour aux sources
François, puis son successeur Mathieu Roland-Billecart, ont aussi souhaité retrouver l’ancienne vocation du jardin. À commencer par son aspect expérimental. Toutes les nouvelles techniques agronomiques utilisées par la maison ont d’abord été testées ici. Que ce soit l’enherbement, les traitements avec des décoctions végétales… Le clos est même muni d’une station météorologique. L’idée est aussi de s’en servir de vitrine pour créer un effet d’entraînement. « Si vous montrez à vos vignerons partenaires que vous êtes prêt à prendre le risque d’adopter une nouvelle technique pour le plus cher de vos vins, cela a du poids », explique Mathieu.
L’année dernière, la maison a même réactualisé le rôle philanthropique qu’avait eu l’endroit pendant la guerre en créant une fondation qui reçoit cinq pourcents du chiffre d’affaires du Clos. Elle finance déjà une association d’aide alimentaire et le restaurant L’ExtrA, ouvert à Reims, où officient en salle et en cuisine des personnes handicapées mentales. À l’avenir, elle devrait également attribuer des bourses à des jeunes chercheurs en viticulture.
Les aménagements qui seront dévoilés au printemps multiplient eux aussi les clins d’œil à l’histoire. L’ancienne serre du jardinier a été rebâtie pour servir aux préparations de Denis. Sans recréer un potager, sur la partie basse, les vignes seront entreplantées de légumes, et sur la partie haute on a commencé à replanter des fruitiers. Des ruches placées dans des demi-muids ont été installées. Un mur au portail majestueux est venu remplacer les portions constituées de haies et de grillage. Une fontaine dominée par un lévrier en bronze fait référence aux armes de la maison, tandis qu’un préau surplombé d’une charpente impressionnante, permet de déguster la cuvée au milieu des vignes sous la lumière d’un vitrail commandé à l’atelier Simon-Marq, une famille qui entretient les vitraux de la cathédrale de Reims depuis le XVIIe siècle. Plus qu’une simple parcelle, le Clos est définitivement devenu un lieu unique !
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