Samedi 23 Novembre 2024
Ci-dessus : Jack Ma au château Lynch-Moussas lors de la Fête de la Fleur 2019.
Auteur
Date
18.01.2021
Partager
Absent de la scène publique depuis un discours retentissant contre les autorités de son pays, en octobre dernier, le milliardaire chinois est un amoureux des vins de Bordeaux, région où il a acheté plusieurs châteaux.
C’est un domaine au projet vitivinicole hors du commun, avec des investissements démesurés. A Saint-Quentin-de-Baron, dans l’Entre-deux-Mers, le Château de Sours est la propriété du milliardaire chinois Jack Ma, dont la disparition publique alimente toutes les rumeurs. Géant de l’e-commerce avec son entreprise Alibaba, l’empereur de la tech chinoise était le deuxième homme le plus riche du pays (56,7 milliards de dollars de fortune en 2020) jusqu’à sa disgrâce brutale, après un discours jugé très critique envers les banques chinoises, le 24 octobre dernier à Shanghaï. Depuis, Jack Ma n’a plus donné signe de vie. L’entrée en bourse de sa société Ant (filiale d’Alibaba dédiée au paiement en ligne) a été bloquée par Pékin, et Alibaba fait l’objet d’une enquête des autorités chinoises de la concurrence pour « suspicion de pratiques monopolistiques ».
Investissements sans compter
A des milliers de kilomètres de Pékin, si loin et pourtant en seconde ligne dans cette affaire, le Château de Sours préfère ne pas communiquer pour l’instant : « nous n’avons pas d’informations précises et vérifiées sur le sujet », explique-t-on en toute honnêteté au domaine. Racheté en 2015 par Jack Ma, la propriété de 200 hectares mène depuis sa reprise une spectaculaire transition agroécologique, avec des moyens qui semblent illimités. Jack Ma a investi sans compter dans ce domaine travaillé en permaculture. Restructuration de 80 hectares de vignoble depuis 2018, nouveau palissage, nouveau drainage, un nouveau chai prévu pour 2022… En plus d’un jardin de rosiers et de vergers, le château possède sa propre ferme avec poules, cochons, vaches des Highlands, chèvres, ânes et chevaux, selon Vitisphère, qui a pu visiter le domaine en décembre dernier. Au total, l’enveloppe des investissements friserait les 30 millions d’euros, pour des premières cuvées qui ne seront commercialisées qu’en 2023.
Loin d’être un cas isolé dans le Bordelais (depuis longtemps prisé par les investisseurs chinois), le Château de Sours affiche cependant des ambitions hors du commun, dans une appellation, l’Entre-deux-Mers, moins cotée que ses prestigieuses voisines du Médoc ou de Saint-Emilion. Génie visionnaire du terroir ou coup de poker commercial pour le marché chinois ? Jack Ma avait également racheté en 2016, pour quelque 12 millions d’euros, deux châteaux à Bernard Magrez : le Château Perenne (en appellation premières Côtes de Blaye) et le château Guerry (appellation Côtes de Bourg). Le milliardaire a revendu ces deux domaines en 2018.
« Jack Ma est un type hors du commun », se rappelle Bernard Magrez au Château Le Sartre, à Léognan, transformé en incubateur pour start-ups du secteur du vin. Pour l’homme d’affaires français, que le milliardaire a déjà invité en Chine, Jack Ma fait partie des personnalités inspirantes « qui voit où les autres ne voient pas ». « Mais il ne sortira pas indemne » de cette mise au pas, constate Bernard Magrez.
« De culture plutôt anglo-saxonne »
« C’est un homme sympathique, souriant, de culture plutôt anglo-saxonne et qui considère que Bordeaux a de très belles qualités », confie Philippe Castéja. Le grand négociant bordelais a eu l’occasion de recevoir le milliardaire à Pauillac, dans son château Lynch-Moussas. Jack Ma y avait fait une apparition publique particulièrement remarquée en 2019, en invité surprise à la Fête de la fleur. Organisée par la Commanderie du Bontemps de Médoc, Graves, Sauternes et Barsac, l’évènement réunit chaque année le gotha du monde du vin. Jack Ma avait pris la parole lors du dîner servi à Pauillac. Devant plus de 1600 invités, « il a eu sur Bordeaux cette phrase magnifique », se souvient Frédéric, un des fils de Philippe Castéja, marqué par l’aura du magnat chinois. « Vous ne produisez pas du vin, vous produisez du bonheur », avait déclaré Jack Ma, en soulevant cette fois-ci un tonnerre d’applaudissements.
Alibaba touche près d’un milliard de consommateurs
Avec sa plateforme de vente en ligne business to business, réservée aux professionnels, le groupe Alibaba a atteint des records historiques sur l’exercice 2020 (clos en mars 2021). Le volume brut de marchandises du groupe a dépassé les 1000 milliards de dollars et Alibaba atteint, à travers toutes ses filiales, 960 millions de consommateurs actifs, dont 780 millions en Chine et 180 millions à travers le monde, selon les chiffres vertigineux d’Alizia, le site d’information du groupe chinois. Pour 2021, les prévisions du groupe sont largement à la hausse, profitant d’un effet Covid qui booste la vente en ligne.
Tmall est la plateforme d’Alibaba dédiée aux particuliers. Pour renforcer la vente de vin en ligne, Vinexpo, organisateur mondial d’évènements dédiés aux vins et spiritueux, avait déjà signé un partenariat en 2017 avec Tmall. La Chine représente notamment le premier marché d’export pour les vins de Bordeaux, avec 56 millions de bouteilles en 2019, soit 10% des volumes.
Articles liés