Accueil Bordeaux : les Caves de Rauzan testent le « zéro chimie » dans les vignes

Bordeaux : les Caves de Rauzan testent le « zéro chimie » dans les vignes

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

26.09.2019

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A l’heure où les sécateurs sont de sortie dans le vignoble bordelais, la coopérative de l’Entre-deux-Mers a vendangé lundi dernier une parcelle expérimentale d’1,5 ha cultivée sans intrants, ni cuivre, ni soufre. Explications.

Lorsqu’il s’agit de protection de l’environnement, les caves de Rauzan, coopérative bordelaise qui fédère 340 adhérents et couvre 3700 ha de vigne, ne sont pas en reste. Des surfaces certifiées bio doublées depuis une décennie et un engagement dans plusieurs démarches durables (AgriConfiance, Label « Vignerons en Développement durable »), un parcours de biodiversité de 82 ha, un travail de sensibilisation avec les écoles locales… Dire qu’elles sont très avancées sur le sujet ne semble pas exagéré. Sur cette lancée, elles ont enclenché il y a trois ans une nouvelle expérimentation sur une parcelle du château Canet à Guillac, exploité par la coopérative, déjà en bio depuis les années 1980. Une parcelle-test de 3 ha, plantée à égalité en sémillon et cabernet sauvignon, est cultivée pour moitié sans traitements et moitié en bio, à titre comparatif.

Ce sevrage en intrants a été opéré progressivement au fil des millésimes, « afin d’éviter les chutes de récolte dues à un changement brutal de conduite », explique Philippe Hébrard, le directeur de la coopérative. L’expérimentation a donc débuté piano en 2017, avec une diminution par moitié des doses de soufre et cuivre, produits de traitements autorisés en agriculture biologique, encore divisées par deux l’année suivante, jusqu’à s’en passer totalement en 2019. Pour aider la vigne à se défendre face aux agressions, la coopérative a aussi dû réfléchir à un système alternatif. Mêlant des démarches « pour partie cartésiennes et pour d’autre plus empiriques », ce mode de culture emprunte largement aux méthodes du bio et de la biodynamie, avec notamment un travail axé autour du calendrier lunaire.

Trois grands axes de travail

Premier pilier fondamental : un travail du sol pensé pour favoriser une stimulation maximale de la vie de la terre. Dans cette perspective, le retournement des sols, « détruisant la vie superficielle » est banni, l’enherbement privilégié en avoine et féveroles pour stimuler le système racinaire bénéfique à l’aération et la rétention de l’eau, le roulage préféré à la tonte pour coucher l’herbe qui se dégrade progressivement et apporte de la matière organique. Pour optimiser la photosynthèse et la régénération, la vigne reçoit des traitements à base d’extraits de plantes, bouillies végétales et infusions, et des éléments minéraux, aux antipodes des produits chimiques. Enfin, une vigilance toute spéciale est portée à la qualité de l’eau dans laquelle sont diluées ces solutions. « On corrige le pH de l’eau du réseau, qui est basique, pour le ramener à un pH neutre, afin qu’il n’agresse pas la vigne. Cela rend le traitement plus efficace et permet de diminuer les doses de traitement » explique le directeur.

Des résultats encourageants

« A l’inverse du bio, on ne cherche pas ici à éviter l’apparition de symptômes de maladies, précise Philippe Hébrard. Plusieurs fois dans la campagne 2019, des symptômes sont apparus, mais la vigne réagit, lutte contre le début de maladie et la bloque. » Avec à l’issue de ce millésime, des rendements comparables en bio et en zéro chimie, là où en 2018 une très forte pression de mildiou avait amoindri la récolte de moitié. « Le pessimiste dirait que le zéro chimie ne permet pas de résister à des pressions de maladie importantes comme en 2018, l’optimiste dira que nous n’étions pas encore aguerris et n’avons pas su bien réagir en 2018 », conclut, plutôt optimiste, le directeur.

S’il est encore trop tôt pour mesure l’impact sur le vin, cette démarche est « plutôt perçue d’un oeil bienveillant » par les adhérents de la coopérative. De là à aller vers une culture à plus grande échelle ? C’est ce qu’espère Philippe Hébrad, qui ne manque pas d’arguments en faveur de l’extension de cette pratique culturale. « Nombreux sont les viticulteurs qui n’ont pas le temps de faire ce bouillies, constate-t-il. Si cette méthode venait à être étendue, on a la capacité d’approvisionner en bouillies toutes prêtes, de la marque Plocher » assure-t-il. Pour encourager encore et toujours les adhérents de la cave dans cette direction durable, trois semoirs à céréales sont également d’ores-et-déjà à disposition. A suivre.