Samedi 23 Novembre 2024
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05.02.2021
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L’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) a récemment approuvé l’intégration dans le cahier des charges des appellations bordeaux et bordeaux supérieur de six nouveaux cépages d’intérêt à des fins d’adaptation. Ils pourront être cultivés et intégrés aux assemblages dans une perspective expérimentale, pour lutter contre le réchauffement climatique.
« L’adaptation des pratiques culturales permet seulement de temporiser face au changement climatique. Si on ne fait rien, nos vins ne correspondront bientôt plus à la typicité bordelaise que l’on connaît, notamment du fait de merlots de plus en plus alcooleux, affirme Bernard Farges, le président du Conseil Interprofessionel du Vin de Bordeaux. L’expérimentation de ces six cépages vise à tenter de préserver dans le futur le profil que nous connaissons, des vins d’assemblage avec de la matière et de l’élégance, sans lourdeur. » A partir de ce millésime 2021, pourront donc apparaître dans les vignes bordelaises les quatre cépages noirs arinarnoa, castets, marselan et touriga nacional. Ils viendront rejoindre les six cépages aujourd’hui autorisés, l’emblématique tryptique merlot-cabernet sauvignon-cabernet franc, et plus accessoirement les malbec, carmenère, petit verdot. Du côté des blancs, alvarinho et liliorila viendront enrichir la palette des huit cépages possibles, dont les plus usités sont les sémillon, sauvignons blanc et gris, et muscadelle, et plus secondairement les colombard, ugni blanc, merlot blanc, mauzac.
Six parmi 52
Sept cépages avaient été initialement proposés par le syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur à l’INAO en juin 2019, pour leur intérêt agronomique et gustatif dans un contexte de réchauffement climatique. De bonne résistance aux maladies, « ils avaient retenu notre attention car ils étaient un peu plus tardifs, avec une maturité plus longue permettant de ramasser un peu plus tard, pour peut-être retrouver des pH plus faibles, des acidités un plus hautes, et des degrés alcooliques en adéquation avec ce qu’on avait l’habitude de faire » explique Stéphane Gabard, le président du Syndicat des AOC bordeaux et bordeaux supérieur. Dans le casting final, grand soin a aussi été pris de ne pas choisir de cépages emblématiques d’autres régions. Pour cette raison, le petit manseng, cépage blanc phare du sud-ouest figurant dans la liste de départ, en a finalement été exclu.
Ces cépages ont été sélectionnés parmi 52 testés depuis 2009 sur une parcelle expérimentale de l’INRA à Villenave-d’Ornon, dans le cadre de l’expérience « Vitiadapt ». Ce projet vise à étudier le comportement et l’adaptation de différents cépages dans un contexte climatique changeant, ainsi que le potentiel d’éventuels candidats à une introduction dans l’encépagement bordelais. Vingt-et-un cépages blancs et trente-et-un cépages rouges bordelais, mais aussi venus d’autres vignobles français et étrangers (Languedoc, Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Bulgarie, Géorgie…) y sont cultivés.
Expérimentation encadrée
« Afin que puissent être menées des études sur ces cépages », tout vigneron qui se lancera dans cette expérimentation devra en accepter les règles du jeu, encadrées par une charte. L’exploitant devra signer, avant la plantation, une convention avec le Syndicat et l’INAO « précisant les références cadastrales, les densités de plantation, le cépage, la surface… » Au vignoble, afin de demeurer expérimentaux, ces cépages ne devront pas excéder 5% de la surface plantée déclarée dans l’AOC et la couleur considérées, et 10% de l’assemblage final « afin de ne pas trop imprimer les assemblages » précise Stéphane Gabard. Un suivi des parcelles et de la vinification, obligatoirement menée de façon séparée, devront être réalisés, et les résultats transmis au Syndicat, où un comité dédié procédera à une dégustation à des fins de suivi. Enfin, à l’heure de la commercialisation, le nom de ces cépages ne devra pas être mentionné sur l’étiquette, cette information n’étant d’ailleurs pas imposée par la réglementation en matière d’étiquetage en dessous d’une proportion de 15%. « Dans la charte, il est demandé au vigneron de ne pas communiquer sur ces cépages, car il s’agit en premier lieu de les tester en assemblage, et en aucun cas d’en faire un argument commercial », rappelle Stéphane Gabard.
Première échéance décennale
Cette expérimentation grandeur nature est mise en place pour dix ans, reconductibles une fois. « Au bout de ces dix ans ou de ces vingt ans, soit le cépage nous semble intéressant et on reconduit, voire on demande l’intégration définitive dans le cahier des charges de l’AOC en cépage principal ou accessoire, soit il ne nous semble pas intéressant car il modifie trop le profil bordelais, et on l’abandonnera purement et simplement » explique Stéphane Gabard. L’INAO autorisant l’expérimentation de dix cépages de chacune des couleurs, d’autres cépages pourraient bien rejoindre dans les prochaines années les six nouveaux élus. Les vignerons bordelais et le CIVB n’excluent pas « d’autres cépages traditionnels », et guettent d’un œil attentif les variétés résistantes. « Elles ne sont pas encore autorisées en AOC, car un décret européen impose des vignes de l’espèce Vitis vinifera pour bénéficier de l’appellation, mais je pense que c’est une règle qui sera levée prochainement », prédit le président du syndicat.
Et bientôt d’autres AOC ?
« Ce dispositif des cépages à des fins d’adaptation peut être utilisé par toutes les appellations de France », indique Bernard Farges. Il est déjà dans le viseur d’autres AOC bordelaises, telles que « les côtes de Bourg qui présenteront leur dossier à l’INAO la semaine prochaine pour les cépages carménère et petit verdot, ou les Graves qui sont actuellement en discussion interne. » Quant à lui, le Syndicat des vins de l’Entre-deux-Mers, qui avait sollicité l’intégration des trois cépages blancs alvarinho, liliorila, petit manseng dans son cahier des charges en juillet 2019, a pour l’instant mis ce projet en suspens. « L’INAO nous a demandé de mener les projets un par un, raconte le responsable du Syndicat de l’Entre-deux-mers, Frédéric Roger. Actuellement, on se concentre donc sur l’évolution de notre cahier des charges pour l’ouvrir très prochainement, on l’espère, à la production de vins rouges. » D’autres vignobles en France explorent eux aussi cette piste des cépages d’intérêt à des fins d’adaptation.
Les six cépages d’intérêt à des fins d’adaptation à la loupe (source: bordeaux.com)
Cépages noirs
Arinarnoa
Obtenu par l’INRA en 1956
Issue du croisement entre le Tannat et le Cabernet Sauvignon, cette variété a une production régulière. Elle résiste bien à la pourriture grise. Sa capacité d’adaptation aux changements climatiques permet une faible production de sucres et une bonne acidité. Elle donne des vins bien structurés, colorés et tanniques, avec des arômes complexes et persistants.
Castets
Origine : Sud Ouest, possiblement de la Gironde. Ce cépage historique et oublié de Bordeaux est peu sensible à la pourriture grise, à l’oïdium et surtout au mildiou, d’où son intérêt environnemental indéniable. Il permet d’élaborer des vins de garde très colorés.
Marselan
Origine : INRA 1961
Croisement entre le Cabernet Sauvignon et le Grenache, ce cépage tardif est moins exposé aux gelées précoces et répond à un schéma classique de date de récolte pour le vignoble bordelais. Il est adapté aux changements climatiques et se révèle peu sensible à la pourriture grise, à l’oïdium et aux acariens. Il permet d’élaborer des vins colorés, typés, de grande qualité et aptes au vieillissement.
Touriga Nacional
Origine : Portugal
Variété très tardive, elle est moins exposée au risque de gel printanier, permet une récolte plus tardive et s’adapte aux changements climatiques. Elle ne présente pas de sensibilité particulière aux maladies cryptogamiques, à l’exception de l’excoriose. Elle donne des vins d’excellente qualité, complexes et aromatiques, corsés et structurés, très colorés, aptes au vieillissement.
Cépages blancs
Alvarinho
Les qualités aromatiques prononcées de ce cépage permettent de compenser la perte d’arômes que provoque habituellement le réchauffement climatique. Son adaptabilité aux inconvénients climatiques le rend peu sensible à la pourriture grise. Son potentiel en sucres moyen permet d’élaborer des vins aromatiques, fins, avec une bonne acidité.
Liliorila
Comme l’Alvarhino, les qualités aromatiques prononcées de cette variété permettent de compenser la perte d’arômes que provoque habituellement le réchauffement climatique. Croisement entre le Baroque et le Chardonnay, ce cépage est peu sensible à la pourriture grise. Il donne des vins aromatiques, puissants et bouquetés.
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