Mardi 24 Décembre 2024
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14.12.2019
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La seconde master class de la journée à Bordeaux Tasting avait pour intitulé : « trois bordeaux de légende, deux grands millésimes ». L’occasion de déguster les millésimes 2005 et 2015 selon Château Canon La Gaffelière (1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion), Château Haut-Bailly (Cru Classé de Graves) et Château Durfort Vivens (2nd Grand Cru Classé 1855, Margaux).
Bordeaux en majesté, sur deux millésimes emblématiques : la deuxième master class (après Riedel) de cette première journée de Bordeaux Tasting mettait à l’honneur trois représentants de l’excellence bordelaise, sur trois appellations différentes. Château Canon La Gaffelière (1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion), Château Haut-Bailly (Cru Classé de Graves) et Château Durfort Vivens (2nd Grand Cru Classé 1855, Margaux) se donnaient à déguster en 2015 et 2005, l’occasion de juger, sur un millésime solaire et récent adoubé par la critique, et sur un millésime tout aussi réputé mais déjà plus évolué, ce que de grandes propriétés bordelaises peuvent signer de meilleur – ou presque.
Château Canon La Gaffelière, représenté par Magali Malet (directrice commerciale et marketing), est dans la famille Neipperg depuis les années 1970. Une famille Neipperg dont les racines remontent en Allemagne au 12ème siècle et fait du vin à Bordeaux depuis plus de 40 ans avec constance. Classé 1er Grand Cru Classé ‘B’ en 2012 tout comme La Mondotte, qui appartient aux mêmes propriétaires, Canon La Gaffelière est certifié bio depuis 2014.
Château Haut-Bailly est pour sa part la propriété de la famille Wilmers depuis 1998, lorsque le banquier américain Bob Wilmers a racheté ce cru remarquable à la famille Sanders. Véronique Sanders, qui a couru dans les vignes de Haut-Bailly depuis son plus jeune âge au côté de son grand-père, tient les rênes de ce Cru Classé de Graves, désormais présidé par Chris Wilmers depuis le décès de son père il y a deux ans.
Château Durfort Vivens est la propriété de Gonzague Lurton, issu d’une grande famille du vin à Bordeaux dont le nom n’est plus à présenter. Situé sur un terroir de graves profondes du quaternaire, le vignoble est piloté en biodynamie et partiellement vinifié en amphores.
Ces trois propriétés illustrent superbement ce qui se fait de meilleur à Bordeaux en termes de continuité, de tradition, de classe et de constance. Mais aussi de remises en question techniques, stylistiques et environnementales. Qu’il s’agisse de bio, de biodynamie ou de « troisième voie », le soin apporté à la vigne est réel, le désir de produire des vins digestes, purs, racés, aimables dans leur jeunesse et taillés pour la garde est à mettre à l’avantage de la culture des grands vins de Bordeaux. Le public présent à la master class ne s’y est pas trompé, à commencer par un amateur venu tout droit de l’île de la Réunion pour y assister (voir photos ci-dessus). La passion des grands vins ne connait pas de frontières.
Château Canon La Gaffelière 2015. Encore en pleine jeunesse, ce vin issu d’un millésime solaire mais cajolé par de bonnes réserves hydriques se signale par son nez très franc, où le fruit noir mûr et dense se nuance de touches racinaires et terriennes. La bouche est vive, croquante, à la fois ronde et tonique, salivante. Un profil juteux et sanguin, une concentration maitrisée, de la puissance et de la douceur. Bel équilibre ! Avec quoi ? Sylvie Tonnaire, rédactrice en chef de Terre de Vins, verrait bien ce vin associé à un pavé de cerf laqué.
Château Haut-Bailly 2015. Le nez, subtil, parfumé, feutré, à la fois floral (rose séchée) et complexe (notes de havane), est déjà une promesse. En bouche on retrouve le soyeux typique de Haut-Bailly, un toucher de bouche exceptionnel, une concentration parfaite, un profil à la fois charnu et élancé, porté par une structure élégantissime et une finale minérale, salivante, presque crayeuse. On lui trouve un côté ascendant, vertical, dans sa longueur et sa persistance. Avec quoi ? Un pigeon lardé en cocotte, avec des trompettes de la mort.
Château Durfort Vivens 2015. Avec sa dominante de cabernet sauvignon mûr à point, ce 2015 subjugue d’emblée par son nez profond, dense, très signé par l’adéquation entre son cépage majoritaire et son terroir. Cassis à plein nez, réglisse, touche anisée-mentholée, grande précision de fruit et appétance, c’est un vin dont la retenue apparente cache une vraie intensité. Bouche juteuse et fine, avec une qualité de tanins magistrale. Beaucoup d’élégance et de gourmandise. Avec quoi ? Une tourte au faisan.
Château Canon La Gaffelière 2005. Un grand millésime avec de nombreux curseurs au vert. Le nez de prune légèrement compotée et de cerise noire à l’eau de vie traduit le caractère solaire du millésime, avec des notes giboyeuses, terriennes et truffées. Notes d’orange sanguine. La bouche est pleine et onctueuse, imposante, les tanins encore présents, l’ensemble est désaltérant et équilibré. Avec quoi ? Des rognons de veau.
Château Haut-Bailly 2005. « Un millésime qui fait sourire », selon Véronique Sanders. On ne saurait lui donner tort. Le nez est aérien, désarmant de subtilité, où le floral cède au cèdre, à la pierre chaude, au pin maritime. Quelle fraîcheur et quelle allure dans ce vin à la bouche d’une fine densité, avec son aromatique de petit fruit noir, son profil serré mais tout en dentelle, ses tannins encore fermes mais suprêmes. Une finale sur un trait minéral et poudré. Quelle élégance. Avec quoi ? Un filet de biche en croûte.
Château Durfort Vivens 2005. Un premier nez sur la réserve, mûr, profond, vertical. « La première année du 21ème siècle », déclare Gonzague Lurton pour décrire ce 2005 signé par une belle densité de fruit, un côté sanguin, charnu, des tanins encore marqués qui demandent à se fondre, une belle trame acide et surtout, sur le plan aromatique, de toutes premières notes d’évolution, entre cuir ciré et tabac frais. Avec quoi ? Une souris d’agneau confite.
Photos Solène Guillaud
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