Dimanche 17 Novembre 2024
©A. Viller
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11.12.2022
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Les châteaux Carmes Haut-Brion, Pichon Baron et Troplong Mondot ont joué le jeu de la dégustation verticale lors d’une master class dispensée lors du 11e Bordeaux Tasting, samedi 10 décembre au Palais de la Bourse. L’occasion de mettre en lumière l’évolution des pratiques dans ces propriétés de renom.
Grands vins, mais ambiance complice et détendue ce samedi 10 décembre, lors de la master class « Trois Bordeaux de légende » à Bordeaux Tasting. Trois grands châteaux, représentants de terroirs différents du Bordelais, ont démontré à quelle point les pratiques évoluent à tous les étages dans ce vignoble.
1 Château Troplong Mondot (GCC Saint-Émilion)
2012 : « Le haut de notre colline n’a pas été érodé. On y trouve un type d’argiles très denses et uniques. Je fais en sorte que cette particularité se retrouve dans les vins », introduit Aymeric de Gironde, président du château depuis 2017. « Chez nous, la puissance, la structure du vin, c’est gratuit », sourit-il. « Je n’ai pas besoin de chercher les extractions. Une année froide comme 2012, ça a ses avantages ». Ce qu’approuve Sylvie Tonnaire, rédactrice en chef de Terre de Vins. « C’est un vin très plein, nerveux, expressif. Rien n’accroche, c’est extrêmement velouté. Le fruit fait penser à un concentré de figues noires, juteux, avec du cuir ciré, du cassis aussi. L’évolution est à peine perceptible ». Sa proposition d’accords : « un faisan truffé sous la peau ».
2019 : « La complexité du vin vient de l’assemblage. On cherche à être de moins en moins interventionnistes en vinifications, on se limite à quelques remontages », confie Aymeric de Gironde. Sylvie Tonnaire confirme. « On goûte la différence, malgré l’air de famille. Avec 2019, on est plus près du fruit frais, d’une confiture de raisin. Les tanins apportent du tonus, on sent beaucoup d’énergie dans ce vin-là. En accord, il faudrait quelques chose de juteux aussi. Pourquoi pas un pigeon cocotte. »
2 Château Les Carmes Haut-Brion
2012 « Nous avons entamé un travail autour de la grappe entière cette année. On arrive à 45 % sur ce millésime. Et quasiment à parité entre merlot et cabernet franc », dévoile Guillaume Pouthier, qui pointe la diversité des sols, « avec des graves, mais aussi des argiles et du calcaire, ce qui est plutôt rare à Pessac. Cela amène naturellement de la densité dans les vins. » Et de souligner que le château travaille de plus en plus sur la buvabilité. « On essaie de faire les vins avec plus d’éclat, plus de pureté. On aime donner plaisir au bout de 7 à 8 ans. » Mathieu Doumenge, grand reporter à Terre de Vins, remarque à la dégustation « une aromatique complexe, avec quelques touches végétales nobles, et une grande fraîcheur ». D’où sa recommandation d’accord maritime : un tataki de thon au sésame et algues wakamé.
2015 : Désormais « le cabernet franc est majoritaire et on travaille avec encore plus de vendange entière », confie Guillaume Pouthier. En vinification aussi la philosophie évolue. « C’est la première fois qu’on parle d’infusion : on les plonge au fond de la cuve, et on les infuse comme du thé. L’idée est d’avoir beaucoup de densité, mais analytique : à la dégustation, il faut ressentir l’élégance ». Les élevages ont aussi été allongés. À la clef : « on trouve de la profondeur, de la pureté, et un grand volume en bouche malgré une couleur plus clair que le 2012. »
3 Château Pichon Baron
2012 Pierre Montégut, qui vient de prendre la suite de Jean-René Matignon, présente cette cuvée qui naît « essentiellement sur de la grave, avec une situation aussi intéressante pour sa hauteur, regardant l’estuaire, qui apporte de la tempérance en cas d’extrêmes climatiques. » Ce qui n’enlève en rien à « la structure et la puissance des Pauillac ». Mathieu Doumenge apprécie « son architecture tannique bien présente mais civilisée ». Pierre Montégut y voit « un millésime plutôt ferme en début de vie, mais qui sera fabuleux dans 20 ans. Je pense qu’il faut une belle pièce de viande ou un agneau de Pauillac pour l’accompagner. »
2019 : Avec les années, le château travaille « davantage sur le velouté de tanins, avec l’idée de faire des grands vins qui vont se tenir, mais qui peuvent se boire assez rapidement », témoigne Pierre Montégut. Dans ce millésime, « on mesure toutes les évolutions techniques. On est allés vers plus de soyeux, plus de velouté. 2019 incarne parfaitement ce vers quoi on veut aller ». Sylvie Tonnaire évoque avec engouement ce « festival de petits fruits rouges et figue, qu’on sent très mûr, avec la structure de la jeunesse par la suite ». Accord suggéré : « une cote de bœuf bien maturée. »
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