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Bordeaux : un engagement fort sur le développement durable

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

26.01.2023

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Ce 24 janvier 2023, se tenait au palais des congrès de Bordeaux, le 13e forum « développement durable des vins de Bordeaux », organisé par le CIVB (Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux) et destiné aux professionnels de la filière viticole.

Si le diagnostic a été sans concession et a pu laisser flotter un certain pessimisme, des perspectives encourageantes ont redonné un peu d’optimisme aux auditeurs. Dans son discours, le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, a cité Boris Cyrulnik, ce natif bordelais et psychologue réputé : « La résilience est l’art de naviguer dans les torrents tumultueux ». Une manière de rappeler que si les effets du changement climatique peuvent être dévastateurs, les hommes sont capables de trouver des solutions et de réparer les dommages. Il faut « changer nos pratiques et nos modèles car les consommateurs nous demandent des comptes » a ajouté le Maire.

Sylvain Pellerin, directeur de recherche à l’INRAE, a ensuite fait un constat de ce qu’est le changement climatique dont la cause principale sont les émissions de gaz à effet de serre (GES) . « La marge de manœuvre pour rester dans les accords de Paris est étroite mais pas encore hors de portée » a-t-il dit. Le secteur agricole représente 15 % des émissions de GES produites avec beaucoup de méthane (CH4) et de protoxyde d’azote (N2O). Il a rappelé les 3 leviers d’atténuation.

– Bien maitriser le cycle de l’azote pour limiter la production de N2O.

– Accroitre le stockage carbone grâce aux prairies, aux plantations de haies, et l’agro foresterie.

– Valoriser les effluents d’élevage qui peuvent produire de l’énergie en pilotant le procédé de récupération du CH4 et faire des économies d’énergie.

Des recommandations qui ont appelé une question de la part d’un auditeur sur les difficultés financières que cela pourrait impliquer dans une filière déjà touchée par de mauvaises ventes. L’installation d’une politique incitative serait une réponse appropriée selon Sylvain Pellerin. Le CIVB travaille, quant à lui, sur un label bas carbone qui permettrait de récompenser les efforts du viticulteur qui séquestre du carbone. Les entreprises qui ne pourraient pas séquestrer du carbone achèteraient aux viticulteurs le carbone séquestré.

Une « stratégie carbone » qui a ensuite été exposée par Jeanne-Marie Voigt du CIVB. Celle-ci a rappelé que la filière a fait 3 bilans carbone (2007, 2012 et 2019) et que le secteur est passé de 962 000 t eq CO2 à 587 000 (-39 % en 12 ans). L’objectif est de réduire de 54 % en 2030 cette empreinte. Elle a rappelé que, dans la filière viticole, le principal producteur d’émission de GES est la production de bouteilles (34 %), suivie du fret (19 %) et du fioul agricole (18 %). Une occasion de préciser que le poids de la bouteille bordelaise est devenue inférieure à la moyenne nationale. Une auditrice a questionné sur la question de la consignation des bouteilles. Le CIVB répondant que c’est un sujet sérieux et que celui-ci est à l’étude actuellement. Les 5 actions de la filière porteront sur le verre et le conditionnement, le fret (avec, entre autres, une recherche d’accord avec les acteurs du transport maritime), les pratiques viticoles (réduction des consommations du fioul et des intrants), l’efficacité énergétique des bâtiments, et la séquestration du carbone.

Christophe Gaviglio (IFV) a pris le relai pour faire un point sur les économies d’énergies au vignoble en mettant l’accent sur « l’apprentissage d’une éco conduite et sur des réglages plus adaptées des machines ».

Marc-André Sélosse a ensuite fait une remarquable intervention pour faire un constat sur l’état désastreux des sols : en cause, les labours inadaptés au maintien d’une vie indispensable à une agriculture durable et les intrants. Il a insisté sur la nécessité de favoriser la mycorhization et la vie microbienne et bactérienne. À l’occasion de son intervention, chacun a pu avoir le sentiment que l’agriculture conventionnelle faisait fausse route, en totale contradiction avec l’idée de « durable ». Mais des solutions vertueuses et respectueuses ont été présentées.

Allan Sichel, le nouveau président du CIVB a conclu par un discours particulièrement soigné et duquel ressortaient de grandes ambitions pour la filière, évidentes. « À Bordeaux, il n’y a plus de climatosceptiques » tant la fréquence et l’intensité des aléas frappent la filière. « On peut avoir un sentiment d’impuissance mais on observe un éveil des consciences qui permet d’espérer un futur clément pour nos générations à venir. Nous savons ce qu’il faut faire et avons tous les outils. Nous y arriverons à condition de s’y engager tous » a-t-il rassuré. Et de préciser : « La diminution des GES et la séquestration du carbone sont deux engagements majeurs de notre politique de durabilité ».

Si la gravité se faisait ressentir dans les discours et l’auditoire, la nécessité d’agir et les solutions préconisées laissaient aussi la place à l’espoir. La question du changement de modèle économique et son coût pesait toutefois sur les consciences. Mais Allan Sichel concluait « Le CIVB aidera les entreprises engagées ».