Jeudi 21 Novembre 2024
Charles Lachaux, vigneron aussi audacieux que talentueux ©Aurélio Rodriguez
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28.10.2024
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À la tête de 14 hectares en Côte-de-Nuits, Charles Lachaux incarne la sixième génération de sa famille installée sur le domaine. Ce vigneron de 35 ans a amorcé une révolution en douceur, très anticonformiste, entre palissages hauts, arrêt du rognage, taille en gobelet et élevages en cuves de céramique.
Lorsque nous le rencontrons sur ses terres bourguignonnes, en ce début de mois de mars, Charles Lachaux est en train de terminer la taille des vignes avec son équipe, sous le ciel bleu et dans l’air frais. Il attire notre attention sur les sécateurs dont chacun est équipé : des modèles japonais, en acier robuste et ultra-affuté, de véritables outils de compétition. Les gestes se font rapides, précis, efficaces. Pour Charles Lachaux, lier le beau et l’utile ne relève pas du superflu, c’est même l’essentiel : une façon de rendre le plus bel hommage aux grands terroirs dont il a la responsabilité, d’en sublimer l’identité profonde et d’en tirer les plus beaux vins possibles.
Cette philosophie exigeante ne souffre aucun répit. Ainsi, depuis qu’il est arrivé sur l’exploitation familiale, Charles a changé deux fois de type de taille : de Guyot simple, il est passé au Guyot poussard en 2014 (« plus respectueux, avec une meilleure circulation de sève ») puis à la taille en gobelet en 2020, avec trois bourgeons par branche, « pour maîtriser le rendement naturel, stabiliser autour de 20 à 25 hl/ha, qui donne pour moi la meilleure expression du pinot noir ». Tout est à l’avenant, chaque détail de la vigne au chai étant soumis à une extrême réflexion. Et Charles embarque ses cinq collaborateurs avec lui : « Ce sont tous des mordus, des passionnés de musique, de philosophie, de vin, de bouffe… même les saisonniers sont à fond, il y a une énergie commune qui se retrouve, dans les vignes, entre nous. »
À 35 ans, Charles Lachaux perpétue une histoire familiale remontant à 1858 et en incarne la sixième génération. C’est du côté de sa mère, née Arnoux, que viennent les vignes. Ses parents, Florence et Pascal Lachaux, ont été aux commandes à partir de 1985, faisant croître le domaine dans les années 1990-2000. Aîné d’une fratrie de trois, Charles a rejoint l’exploitation en 2011, se forgeant un joli parcours initiatique : BTS viticulture-œnologie à Beaune, bachelor en commerce à Bordeaux, trois ans d’expériences en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, aux États-Unis…
Désormais, il est à la tête de 14 hectares en Côte-de-Nuits, déployés sur 16 appellations et 52 parcelles. Les vignes se répartissent entre Vosne-Romanée, Chambolle-Musigny, Nuits-Saint-Georges, avec cinq Premiers Crus et quatre Grands Crus : Clos-de-Vougeot, Echezeaux, Romanée-Saint-Vivant, Latricières-Chambertin – une parcelle achetée en 2007, à l’époque où le prix du foncier n’avait pas encore traversé la stratosphère : « Aujourd’hui, un Grand Cru en Bourgogne, cela peut valoir plus de 50 millions d’euros l’hectare. » À cet égard, Charles Lachaux insiste sur le fait que tout le domaine « reste exclusivement familial ».
Depuis son arrivée il y a treize ans, Charles a impulsé, par petites touches, des évolutions qui sont autant de révolutions. Cela a commencé, avant la taille, par le choix d’introduire des palissages hauts et de commencer à vinifier de la vendange entière, dès 2012. Puis l’arrêt progressif du rognage, à partir de 2014-2015. Vient ensuite le passage au bio, en 2016, puis à la biodynamie l’année suivante. En 2019, il arrête les labours, privilégiant un enherbement naturel, sans semis : « Je considère mon travail à la vigne davantage comme du jardinage que comme une viticulture interventionniste traditionnelle. C’est une démarche holistique qui remet l’équilibre de la vigne au centre de tout. »
C’est en 2019 également que Charles acte l’arrêt du rognage sur l’intégralité du domaine, une inspiration venue d’une dégustation des vins de Lalou Bize-Leroy : « Le fait de ne plus rogner semble rendre la vigne moins sensible aux maladies et lui permet de continuer harmonieusement sa croissance racinaire. La plante s’exprime mieux, il y a davantage d’ombre sur le sol, on conserve de la fraîcheur, c’est pour cela que l’on a aussi décidé de tout faire passer en palissage haut. »
Dans certaines parcelles, le jeune vigneron conduit la vigne en paisseaux – des échalas croisés en bois d’acacia sur lesquels la vigne grimpe librement et est attachée. « Pour le moment, on ne conduit que 3 hectares de cette façon, car cela prend trois fois plus de temps et mobilise 24 personnes en été. Cela induit des coûts qui se répercutent sur la bouteille, et il faut savoir rester raisonnable. » En effet, ces deux dernières années, la demande autour des vins de Charles Lachaux a explosé, et les prix avec elle (voir encadré).
Sa grande exigence à la vigne, Charles Lachaux la convertit également en cave. Privilégiant des vinifications courtes, peu interventionnistes, il aborde aussi l’élevage de ses vins sur le temps long – jusqu’à quarante mois, plus deux ans en bouteille avant commercialisation – et révolutionne aussi son approche des contenants : il a progressivement arrêté d’utiliser des fûts pour les remplacer dès 2020 par des cuves ovales en céramique, de 650 litres. « Pour moi, la céramique est plus appropriée que l’amphore à l’élevage du pinot noir, elle est plus neutre en arômes et en structure, tout en permettant le bon apport d’oxygène. » Depuis cet été, ce sont 200 cuves de ce type qui s’alignent dans sa cave d’élevage, laquelle devrait faire l’objet d’une rénovation et d’une extension dans les trois ans. On ne doute pas qu’une nouvelle fois, ce projet associera judicieusement le beau et l’utile.
Vous pouvez retrouver cet article dans le magazine de septembre 2024 de Terre de vins à consulter ici.
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