Lundi 31 Mars 2025
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05.02.2020
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Exclure les prestigieux chablis mais accepter les beaujolais moins cotés: les viticulteurs de Bourgogne crient au sacrilège face à un projet de révision de l’appellation officielle, examiné jeudi en France, qui “menace très gravement” les vins de la région.
La nouvelle délimitation proposée par l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), qui gère en France les appellations agricoles, conduirait à “sortir 64 communes de Bourgogne de l’aire de production” de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Bourgogne, s’alarment les organisations professionnelles bourguignonnes.
Particulièrement concerné : les vins de Chablis. Ces blancs, qui font la réputation de la région, sont exportés aux deux-tiers, selon des chiffres de la profession datant de 2018. Le projet de l’Inao maintiendrait en revanche dans l’AOC Bourgogne la moitié des communes du Beaujolais.
Les beaujolais peuvent déjà prétendre à l’appellation aujourd’hui, soit une quarantaine sur 386 qui composent la Bourgogne viticole, ce qui a achevé de mettre le feu aux poudres.
“Faute contre l’histoire”
“La Bourgogne c’est la Bourgogne. Et le Beaujolais, c’est le Beaujolais”, martèlent en cœur vignerons et élus, craignant une délocalisation de la production, une surproduction et à terme une baisse de l’image et du cours du bourgogne.
Les vins de Bourgogne sont “très gravement menacés”, abondent douze députés et sénateurs régionaux de tous bords, qui en appellent au ministre français de l’Agriculture et aux dirigeants de l’Inao face à ce qu’ils estiment être “une faute contre l’histoire, la géographie, l’économie”.
Les vignerons sont pourtant à l’origine de cette demande de révision, un dossier ouvert en 2000 : “La Bourgogne n’a jamais achevé son travail de délimitation initié en 1937”, une situation “devenue aujourd’hui problématique”, expliquent leurs représentants. Mais ils craignent que cette démarche se retourne aujourd’hui contre eux, dénonçant “l’absence d’écoute et de travail en concertation avec les producteurs”.
“Une phase d’étude”
“Aujourd’hui on est dans la phase d’étude”, tempère Gilles Flutet, responsable du service Territoires et Délimitation de l’Inao, qui se veut rassurant: s’il était validé jeudi, le projet ne serait pas immédiatement “inscrit dans le marbre” et “toutes les réclamations seraient étudiées” lors d’une consultation publique.
Les zones qui sortiraient de l’aire d’appellation ne choisissent d’utiliser que “très peu” l’AOC Bourgogne, souligne M. Flutet, qui prend en exemple la préférence souvent donnée à l’AOC Chablis par les vins éponymes.
Des arguments qui passent mal chez les viticulteurs. “On a du mal à comprendre comment on peut proposer d’exclure de la Bourgogne des producteurs qui y sont depuis des siècles”, lance Thiébault Huber, président de la Confédération des Appellations et Vignerons de Bourgogne. Il faut “enterrer” cette proposition dont les critères sont “proprement inacceptables”, assène-t-il.
Le dossier a connu plusieurs rebondissements en France depuis 2000, dont le rejet, en 2014, d’une précédente délimitation par le Conseil d’État, plus haute instance juridique administrative française. A l’époque, ce sont les producteurs de Bourgogne en Beaujolais qui s’estimaient discriminés. “Notre cible n’est pas les vignerons du Beaujolais”, assure aujourd’hui M. Huber.
Dominique Piron, président d’InterBeaujolais, dit d’ailleurs “comprendre tout à fait” la colère des Bourguignons face à l’exclusion de communes historiques: “le nom ‘Bourgogne’ a de la valeur aujourd’hui dans le monde entier”.
Mais il compte aussi “protéger” ceux qui produisent du Bourgogne dans le Beaujolais, ce qui ne concerne “qu’une petite partie” de cette région viticole. Le Beaujolais figure “historiquement comme un vignoble de la Bourgogne”, insiste de son côté l’Association des producteurs de Bourgogne en Beaujolais, appelant à “ne pas confondre Bourgogne viticole et Bourgogne administrative”.
“Les viticulteurs en Beaujolais produisent à la fois des vins du Beaujolais, du Crémant de Bourgogne et du Bourgogne, c’est une réalité de la production qui doit être reconnue” et qui “ne s’oppose pas au fait de revendiquer fièrement notre identité beaujolaise”, selon l’association.
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