Jeudi 19 Décembre 2024
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15.04.2024
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Un peu comme le chanteur Calogéro, lorsque l’on déguste du champagne, il y a certains jours où l’envie nous prend d’attraper notre skate et de partir faire un tour dans les années 1980. Aujourd’hui, ce n’est cependant pas en 1987, une année médiocre au pays de la craie, mais en 1988, pour découvrir les commentaires de dégustation des sept cuvées retenues sur ce millésime dans le cadre de la première édition du Best Old Vintage Awards. Rappelons que ce challenge qui a eu lieu en février dernier au Royal Champagne portait sur la fameuse trilogie 1988, 1989, 1990.
Vous vous souvenez de 1988 ? Jacques Chirac affrontait François Mitterrand aux élections présidentielles et alors que le premier ministre rappelait lors du débat télévisé d’entre deux tours, que ce soir, il n’y avait plus ni premier ministre, ni président, le malheureux corrézien recevait cette réponse assassine : « Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre ». Cette année-là aussi, Citroën mettait un terme à la production de sa fameuse 2CV, les Parisiens inauguraient la pyramide du Louvre et les Français plongeaient dans les abysses aux côtés de Jacques Mayol dans le Grand Bleu de Luc Besson…
La nature, elle, suivait son cours, et donnait en Champagne une vendange exceptionnelle. Alexandre Ponnavoy, chef de caves de la Maison Taittinger, raconte : « En 1988 l'hiver est doux ce qui occasionne un débourrement précoce. La vigne est ainsi exposée aux gelées printanières qui frapperont effectivement, mais n’occasionneront des dégâts que dans des secteurs limités, tout comme la grêle. La floraison survient assez tôt et se déroule entre le 16 et le 21 juin. Le début de l'été est sec, puis une période orageuse passe avant le retour du beau temps à la fin de la saison. Il faut noter tous les maux auxquels la vigne a échappé, à commencer par la pourriture grise, souvent latente, qui ne s’est pas propagée contrairement aux craintes des vignerons. La récolte débute assez tardivement entre le 26 septembre et le 2 octobre. Le raisin aura ainsi bénéficié d’une très longue période de maturation. Le volume est légèrement supérieur à la moyenne décennale. Les moûts puis les vins sont parfaitement équilibrés et harmonieusement constitués. On les a souvent comparés à ceux de 1969. »
Avec 9,2 degrés d’alcool potentiel et 9,4 g d’acidité, il s’agissait de toute évidence d’un millésime sur la fraîcheur, promis à une longue garde. Dans ce concours, c’est le vin qui a obtenu les meilleurs résultats. 35 cuvées de la trilogie 1988, 1889 et 1990 ont en effet été présentées, parmi lesquelles figuraient dix 1988 dont sept ont été primés pour figurer dans le top 20. Voici leurs commentaires de dégustation, les cuvées étant classées par ordre alphabétique.
Collet Millésimé 1988 (bouteille)
Le nez est appétissant, mêlant des notes de sherry, de beurre, de nougat, d’abricot sec, avec en filigrane une légère odeur d’humus et de foin. En bouche, c’est sur une pointe de groseille à maquereau que se dévoile une acidité presque électrique, tandis que la complexité s’exprime pleinement en milieu de bouche sur des notes de cire, de cannelle, d’orange cuite et de caramel mou.
Dégorgement d'époque Dosage 10 g/l
Franck Bonville Millésime 1988 (bouteille)
Cette cuvée rappelle le profil de certains 1996 par le contraste qu’elle offre entre le nez et la bouche. Le nez semble plus évolué, plus complexe, avec des notes de moka, de résine de pin, de biscuit, de confiture d’abricot. La bouche très vive est au contraire encore sur la jeunesse, elle est marquée par des arômes de citron jaune, de coing, de noix de coco et de romarin avant de conclure sur une finale saline.
100 % Chardonnay, dégorgement d’époque.
Gonet Sulcova Brut Blanc de blancs 1988 (jéroboam)
Le nez dégage une certaine fraîcheur, mêlant fruits rouges et fruits noirs un peu cuits, gaufrette au caramel, cannelle, bois de chêne et une légère touche d’hydrocarbure. La bouche est mentholée, anisée, presque pimentée. On retrouve une touche de cassis avec l’amertume de la peau et son côté légèrement astringent, mais aussi des notes un peu boisées. Un vin tout en dentelles que l’on médite longtemps.
100% Chardonnay, Dégorgement 02/2024, Dosage 0g/l
Legras & Haas Blanc de Blancs Grand Cru Chouilly Millésime 1988 (bouteille)
Le nez nous régale des arômes typiques des vieux chardonnays : le miel, la noisette, le beurre cuit, les agrumes confits, l’amande. En bouche, le vin est juteux, avec de magnifiques notes d’abricot cuit, de figue, de beurre de citron, de brioche. La texture est douce comme le satin. Un profil à la fois gourmand et rafraîchissant qui trouvera sans peine ses amateurs.
100% Chardonnay, Dégorgement 1994, Dosage 11 g/l
Mailly Grand Cru Les Echansons 1988 (bouteille)
Le nez fleure bon la marmelade, la pâte d’amande et le café. La bouche a la droiture propre au millésime 1988, mais le temps est venu apporter à la colonne vertébrale de fraîcheur un enrobage plus gourmand. L’ensemble évoque un gâteau à l’orange, au kiwi, au nougat et à la vanille, nappé d’un jus caramélisé d’agrume. La minéralité ressort en fin de bouche sur des arômes de silex.
75% Pinot noir, 25 % Chardonnay, Dégorgement 1999, Dosage 6g/l
Perrier-Jouët Belle Époque 1988 (magnum)
Un champagne pimpant et printanier, qui s’ouvre au nez sur les fleurs blanches, la pomme rôtie et les fruits à noyau, tout cela agrémenté de quelques épices douces et de notes pâtissières. La bouche conserve cette veine florale, mais s’étoffe de notes de noisette grillée, de chocolat au lait, et de silex. Elle reflète parfaitement l’extraordinaire acidité du millésime 1988 qui lui donne une certaine brillance, à travers des arômes éclatants de kiwi, de citron meringué et d’ananas.
50% Chardonnay 50% Pinot noir, Dégorgement 04/2017, Dosage 9g/l
Taittinger Comtes de Champagne 1988 (bouteille)
Au nez, l’aromatique tourne autour du malte, des céréales un peu fermentées, de la cerise blanche avec une touche florale proche du géranium. En bouche, la vivacité et la fraîcheur sont au rendez-vous. Elles s’expriment sur des notes de menthol éclatantes et de citron meringué. C’est la cuvée qui a le plus divisé le jury, certains ont littéralement adoré son exubérance !
100 % Chardonnay, Dégorgement 07/2016, Dosage 9g/l
Rappelons que toutes ces cuvées seront vendues au profit de la Mission Unesco Champagne à la fin de l’année aux enchères par Hart Davis, la plus importante maison d’enchères spécialisée dans les vins aux Etats-Unis.
Le jury était présidé par Tyson Stelzer, auteur d’un Guide du champagne qui fait référence en Australie. Il était composé de Tom Hewson, membre de l’équipe de rédacteurs experts de Decanter, Yuri Shima spécialiste japonaise, le Suédois Andreas Larsson, Meilleur sommelier du monde 2007, Essi Avellan, Master of Wine finlandaise, auteur de l’Encyclopédie mondiale du champagne, Jeannie Cho-Lee, également Master of Wine, contributrice du Wine Spectator, l’Italien Alberto Lupetti, auteur du Guide Grande Champagne, Peter Liem, directeur pour la dégustation du magazine Wine & Spirits, David Morin, meilleur caviste de France, Sylvie Tonnaire, directrice de la rédaction de Terre de vins et Yves Tesson, rédacteur en chef adjoint. « Terre de vins » tient à remercier Xavier Mayran de Chamisso, qui a initié ce projet, Christian Holthausen, qui nous a ouvert son carnet d’adresses avec générosité et enthousiasme, ainsi que le Royal Champagne et l’équipe du sommelier Philippe Marques pour leur accueil chaleureux et extrêmement professionnel.
Une master class inédite aura lieu à Champagne Tasting le 25 mai à Paris
Les Best Old Vintage Awards : Ode au vieillissement - 17h45 à 18h30
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