Mardi 3 Décembre 2024
Laurent Fédou et Cynthia Fossier
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03.07.2024
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Le bruit circulait, c’est désormais officiel. Cynthia Fossier succèdera en tant que cheffe de caves du Champagne Canard-Duchêne à Laurent Fédou. Une passation préparée depuis plusieurs années, officialisée ce lundi lors d'un déjeuner au Saint-James, où nous avons pu rencontrer cette jeune oenologue au parcours inspirant.
La carrière et le travail accomplis par Laurent Fédou impressionnent. Il a accompagné Alain Thiénot depuis le début de l’aventure, lorsque celui-ci, alors premier courtier de la Champagne, a décidé de fonder sa propre maison en 1985, le champagne Thiénot. Laurent a ensuite été de tous les projets, que ce soit les châteaux bordelais du groupe, les essais dans le vignoble du Languedoc, au Chili… Mais son coup de maître a été indubitablement le redressement du champagne Canard-Duchêne. La tâche était ambitieuse. Quand la maison est rachetée en 2003 par Alain Thiénot et que l’équipe découvre les vins, leur qualité est nettement moins reluisante que la notoriété de la marque. Alain fixe d’emblée l’objectif : "Je veux que d’ici quelques années, je puisse être fier d’ouvrir une bouteille de Canard-Duchêne à ma table".
Tout est à reconstruire, brique par brique, ne serait-ce déjà que parce que le cédant est reparti avec le réseau d’approvisionnement. Il faut donc faire le tour des coopératives et des vignerons pour les convaincre de vendre du raisin à la maison. Au fil des ans, Canard-Duchêne remonte la pente. La création d’un certain nombre de pépites comme la cuvée Bio P 181, ou encore Léonie, lui permettent d’accéder à de nouveaux marchés dont elle était jusqu’ici totalement absente : les cafés hôtels restaurants, l’export, le monde des cavistes… 15ème maison de Champagne en termes de volume, elle tient désormais son rang, y compris dans ses engagements environnementaux, en s’impliquant beaucoup dans la reforestation. Alors qu’elle réalise en ce moment son bilan carbone, elle s’apprête à sortir une version allégée du flacon de sa cuvée spéciale Charles VII. Avec l'appui de Verallia, elle a en effet réussi le tour de force de conserver la même forme créée en 1968, tout en diminuant de 13 % son poids. La bouteille est même désormais plus légère que la champenoise classique. Plus fragile, elle nécessite cependant un soin particulier dans les manutentions des caves.
En chef de caves responsable, Laurent Fédou a préparé depuis plusieurs années la relève. Son choix s'est posé sur Cynthia Fossier qui lui succédera dans les prochains mois. Recrutée voici cinq ans en tant que responsable cuverie, cette jeune œnologue a un parcours très inspirant. Elle est issue d’une famille du Rethélois, dans les Ardennes, sans aucun lien avec le champagne. Enfant, chaque année elle accompagnait ses parents pour les vendanges. Est-ce l'origine de sa passion ? Aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours été attirée par le vin.
Mais lorsqu’elle explique son projet à ses professeurs, ceux-ci la dissuadent, c'est un univers d'hommes lui disent-ils, et qui plus est, étant ardennaise, elle n’a aucune connexion. « Je les ai écoutés, à 18 ans, c’est difficile de décider ce qui est bien pour soi. J’étais bonne élève, je me suis inscrite en médecine. Mais dès la première année, j’ai compris que ce n’était pas pour moi et je suis repartie en physique chimie. J’ai fait tout mon cursus à l’Université de Reims, y compris mon DNO. En licence, j’ai réalisé mon stage dans la vallée de la Marne, dans ce que l’on appelle le triangle des Bermudes, entre Romery, Cormoyeux et Fleury-la-Rivière, chez Joël Robert. Là-bas, je n’ai appris que le métier de la vigne. Mais j'ai su m'en servir d’argument lors de mon entretien pour le DNO où j’ai souligné que cela me rendait d’autant plus consciente de l’importance de la qualité du raisin lorsque l’on veut faire du bon vin. Les œnologues ne sont pas des magiciens ! Puis j’ai réalisé un stage auprès de Sandrine Logette, cheffe de caves chez Duval-Leroy. Je l’ai choisie elle, parce qu'elle a été la première femme cheffe de caves et que je voulais voir ce que que c’est qu’être une femme dans ce milieu d’hommes, la manière dont elle se faisait respecter. Grâce à elle, j’ai décroché ensuite mon premier poste dans une coopérative à Bouzy. C’était un peu vertigineux, on m’a tout de suite donné les clefs, en me disant il n’y a qu’en faisant qu’on apprend. Comme ce n’était pas très grand, je touchais un peu à tout, y compris à la comptabilité ! Et puis j’ai vu cette annonce chez Canard-Duchêne, où je ne pensais pas du tout être retenue. » Pourtant Laurent Fédou a très vite été bluffé. « J’ai découvert chez elle une grande dégustatrice, un acharnement professionnel, une passion pour le champagne et surtout ce qui est très rare, un sens inné de l’assemblage. »
Dans ces périodes de transition, la question que l'on se pose évidemment est celle de la pérennité du style de la Maison. Sera-t-il conservé? Laurent Fédou a mis en garde Cynthia. Il ne s’agit pas pour elle de chercher à imiter le style de son prédécesseur. Quand on imite, c’est toujours moins bien. Elle doit trouver sa propre voie, faire les vins qu’elle aime. « C’est pour cette raison, que je ne veux pas parler de transmission, mais de passation. Je ne transmets pas de connaissances. Il n’y a pas de recette chez Canard-Duchêne, nous travaillons à l’aveugle, en fonction de notre ressenti. » Les vins ne changeront cependant pas d’un coup, ne serait-ce qu’à cause de la réserve perpétuelle qui constitue 30 % de la cuvée Léonie, et qui constitue un joli fil conducteur entre les différentes éditions.
On soulignera enfin que même si Cynthia a évidemment été recrutée pour ses compétences, le fait qu’il s’agisse d’une femme constitue un joli clin d’œil de la maison à son histoire. Cette dernière, au XIXe siècle, en choisissant de prendre le nom de Canard-Duchêne, avait choisi de mettre en avant à parts égales Victor et son épouse Léonie, un choix paritaire très moderne pour l’époque.
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