Jeudi 20 Février 2025
Cuvée en AOP Cassis ©F.Hermine
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Date
14.02.2025
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La petite appellation des Bouches-du-Rhône doit sa notoriété à ses blancs en marsanne et clairette majeures dont la production dépasse désormais les 80 %. Cassis entend profiter de l'engouement pour la couleur et s'attache à aller se faire déguster plus loin que le littoral méditerranéen, sur les tables de Paris et dans tout l'Hexagone.
Cassis (comme Paris, on ne prononce pas le s) voudrait faire voyager ses vins plus loin que le port de Marseille. La petite appellation des Bouches-du-Rhône, à quelques encablures de la cité phocéenne, de l'autre côté des calanques, commercialise traditionnellement plus de 90 % de sa production dans la région, parfois jusqu'à la côte d'Azur. "On connaît plus le village que les vins du même nom", déplore Jean-Louis Genovesi (Domaine du Bagnol), président de l'AOC depuis 2022. A l'honneur sur toutes les cartes et chez les cavistes, ils font pourtant les beaux jours du petit port méditerranéen. 30 % des bouteilles sont même vendues en direct dans les caveaux des domaines. Le blanchiment de la consommation ces dernières années pourrait également l'aider à avoir le vent en poupe et à pousser un peu plus loin, vers la capitale par exemple. Car Cassis doit sa notoriété aux blancs qui accaparent désormais 82 % de la production. L'appellation avait donc organisé une dégustation fin janvier à Paris au Flora Danica de la Maison du Danemark où il sied évidement à merveille avec la cuisine scandinave.
Dans un océan provençal rosé, le blanc nage à Cassis comme un poisson dans l'eau. Il a trouvé son terroir de prédilection dans cet amphithéâtre face à la Méditerranée, sur ces sols argilo-calcaires à roche affleurante et à flanc de falaise dans un paysage morcelé bercé par la brise marine. La couleur n'a d'ailleurs cessé de progresser, autour de 60% à la fin du siècle dernier, 70% il y a dix ans et aujourd'hui 82 % complétés de 15 % de rosés et 3 % de rouges. Mais il n'en a pas toujours été ainsi puisque les blancs ne représentaient que quelques pour-cent à la création de l'une des premières AOC de France en 1936. "Car avant le phylloxera, dans les 270 hectares de vignoble, on cultivait surtout du rouge. Chacun avait quelques arpents de vigne en polyculture avec des champs de blé, un peu d'élevage et de pêche. Nous étions dans une économie d'autarcie. On dénombrait 400 vignerons pour 2000 habitants. D'où le morcellement des terres dont une grande partie a été rachetée peu à peu, au XXe siècle, par de riches négociants en vin marseillais ". Aujourd'hui, avec environ 1 million de bouteilles produites chaque année et moins de 5 % expédiées à l'international, l'enjeu est de gagner en visibilité dans l'Hexagone, au-delà des falaises du Cap Canaille. D'autant que les prix sont restés relativement raisonnables, autour de 20 €.
Les blancs de Cassis doivent néanmoins faire face au réchauffement climatique. L'encépagement a été fixé en 1998 dans le cahier des charges à au moins 60 % en marsanne-clairette dont 30% minimum de marsanne, le reste en ugni blanc, bourboulenc, un peu de pascal blanc au domaine de Bagnol, de sauvignon à la Ferme Blanche, au Paternel, chez Cassis Bodin, du terret blanc, pas encore en production, au Clos Sainte Magdeleine... "La marsanne, fil rouge de l'appellation en blanc depuis la fin du XXe, "souffre de plus en plus de la chaleur et de la sécheresse, reconnait Jean-Louis Genovesi. C'est un cépage fragile, sensible aux maladies, que l'on doit surveiller de près. On ne touchera pas à l'encépagement qui reste stable, autour de 42%, mais nous avons demandé à l'Inao un assouplissement de l'assemblage". Les vignerons pourront en année difficile disposer pour la marsanne d'une marge de manœuvre de 10 % par rapport aux rendements. "On était l'une des rares appellations en France à ne pas bénéficier de cette tolérance, souligne le président. Nous nous étions imposé tout seul ce handicap en 2008. Nous allons donc obtenir une décorrélation entre j'ai planté/j'ai produit". Une disposition qui devrait être validée en mars prochain.
"L'enjeu est de garder un bel équilibre et notre fraîcheur minérale et iodée, commente Jonathan Zack (Clos Sainte Magdeleine). Si l'on veut continuer à vendre du vin, il faut qu'il reste désaltérant. Le millésime 2024 l'est davantage que les trois récoltes précédentes. Mais il faut aussi jouer la carte du bourboulenc - le doucillon en provençal-, un cousin de la clairette, plus rustique et tardif, qui résiste bien aux coups de chaud et qui forme un beau tandem avec la clairette. Avec sept cépages dans le cahier des charges, nous avons les moyens de moduler pour s'adapter au réchauffement climatique".
L'appellation repose actuellement sur dix vignerons (12 domaines il y a dix ans). Le dernier à avoir changé de mains est le château Barbanau racheté en 2022 par Barbara et Romain Tchénio. Un domaine atypique qui produit 60% de rosés et seulement 20% de blancs qui devraient passer à 30% dans les prochaines années. A côté des cuvées tradition, les domaines développent également des cuvées parcellaires (Caganis au Bagnol, Bel Arme à Sainte-Magdeleine), et jouent sur les élevages en œufs ou en bois. Huit domaines sur dix sont certifiés en bio (sauf Cassis Bodin et Clos Sainte Magdeleine qui vient de renoncer à la certification pour le millésime 2024). Château Barbanau est même en biodynamie (Biodyvin). Sur une aire d'appellation de 230 hectares dans le parc régional des Calanques, 215 sont déjà plantés "mais il y a encore du potentiel" assure Jean-Louis Genovesi.
Domaine du Paternel - Esprit de famille 2023 (AB)
Les plus vieilles vignes de marsanne, sauvignon, clairette élevés en demi-muids et foudres. Une note beurrée sur des fleurs blanches, des fruits blancs, des zestes d'agrumes, vif et minéral, d'une belle amertume saline en finale. (29 €)
Château de Fontcreuse - Pure Intense 2023 (AB)
Marsanne, ugni blanc et clairette élevés en barriques. Des amandes et des noisettes grillées portées par une note d'eucalyptus, des fruits blancs (pêche), une note beurrée et miellée. (26,50 €)
Cassis Bodin Cuvée Émile 2023
Marsanne, ugni blanc et clairette fermentés et élevés sous bois. Une note briochée, des arômes d'amandes, de verveine se prolongeant sur de beaux amers. (27 €)
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