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Champagne Ayala : que penser des vins clairs 2024 ?

Auteur

Yves
Tesson

Date

08.04.2025

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Julian Goût, chef de caves de la Maison Ayala, avait été l'un des tout premiers chefs de caves peu de temps avant la vendange, à nous annoncer l'arrivée d'un grand millésime, malgré une campagne viticole 2024 très compliquée. Aujourd'hui, la dégustation des vins clairs permet de se faire une idée beaucoup plus précise de la qualité de ces futurs champagnes. Il nous livre ses impressions.

Au moment des vendanges, vous évoquiez un potentiel grand millésime, la dégustation des vins clairs confirme-t-elle cette analyse ?

Le résultat est à la hauteur de ce que l’on attendait. Il s’agit bien d’un millésime historique, avec du fruit et en même temps une belle fraîcheur, parfois presque austère et c’est justement ce que l’on aime. Sans être agressive, elle m’a rappelé des sensations que l’on avait autrefois, avant le réchauffement, dans les sessions de vins de clair, où à la fin on avait un peu mal aux dents. La seule déception, c’est que certains de nos vignerons partenaires aient perdu autant de raisin. Pour le moment, nous n’avons fait que l’assemblage du Brut Majeur et nous en sommes très satisfaits. Pour toutes les autres cuvées, nous allons commencer à y travailler au printemps.

Dans cet assemblage du Brut Majeur, compte tenu du faible rendement à la vendange, avez-vous dû renforcer la quantité de vins de réserve ?

Sur cette nouvelle édition, nous atteignons 46 % de vins de réserve, pour une cuvée où on est toujours entre 40 et 45. Il est certain que cette proportion est supérieure aux autres années, mais sans exagération. La nature est bien faite et il y a deux versions. Soit je peux vous dire qu’on a été contraint par les faibles volumes de vendanges à ajouter beaucoup de vins de réserve. Soit, et c'est une explication tout aussi valable, je peux mettre en avant que d’un point de vue équilibre sur le Brut Majeur, il fallait absolument mettre ces vins de réserve, compte tenu de la fraîcheur de la base, plus affirmée que d’habitude. Nous avons qui plus est des vins de réserve qui sont justement plutôt charnus, structurés, et concentrés comme les 2022, année très solaire, et qui se marient très bien avec 2024. C'est en grande partie les vins de réserve de 2022 qui permettent à cette base 2024 d'être au top.

Peut-être en revanche que 2023 n’était pas le millésime de vin de réserve idéal à marier avec les 2024, compte tenu notamment de sa dilution liée à la charge très importante des vignes cette année-là ?

Il est vrai que nous n’attendions pas grand-chose des réserves 2023, notamment parce qu’on avait des PH assez élevés à la vendange et ce caractère peut-être un peu dilué. Mais finalement, cela ne se tient pas si mal. Je ne dirais pas qu’on les emmènera sur dix ans. Ils ne sont certes pas tranchants et ils n’ont pas non plus beaucoup de minéralité. Mais nous sommes plutôt agréablement surpris. Nous avons la chance d’être une maison très centrée sur le chardonnay, et en 2023, ce cépage représentait 70 % de ce que nous avons rentré. Or, on sait qu’il supporte mieux les rendements importants que le pinot. Donc on était dans un schéma assez confortable. Dans l’assemblage, 2023 permet d'équilibrer un peu la complexité en ramenant de l’élégance.

Quelle est la part dans les vins de réserve entre les millésimes ?

Le plus ancien est 2016. Après, la proportion augmente de manière quasi exponentielle, sauf sur 2021 qui était une petite récolte. On finit sur un gros socle de 2022 et 2023 qui représentent la majorité des vins de réserve.

Pensez-vous réaliser une cuvée "Perle" cette année ?

Je ne vois pas comment on ne pourrait pas trouver un assemblage de Perle extraordinaire vu ce qu’il nous reste à date en cuverie. Après, nous aurons dans cet assemblage sans doute un peu moins de pinot noir que d'habitude, plutôt 20 % que 30 %. En effet, alors que les chardonnays ressemblent bien aux chardonnays d’un grand millésime, les pinots noirs en 2024 ne sont pas si structurés que cela et un peu décevants, en tout cas en ce qui nous concerne. Or, ce que je recherche pour Perle, c'est justement une petite proportion de pinot noir qui doit amener un soupçon de structure autour d’une colonne vertébrale très minérale et très agrumes, afin de mieux traverser le temps. Après, il est encore trop tôt pour se prononcer sur la manière dont on composera ce futur assemblage, car lorsque l’on déguste les vins clairs, d’un mois sur l’autre, ils s’expriment encore très différemment. Il faut donc vraiment prendre le temps de le construire en sachant que nous ne tirerons pas avant le mois de juin.

Parmi les crus cette année, avez-vous eu des coups de cœur à la dégustation des vins clairs ?

J’en ai trois en tête. Le premier est une sélection de parcelles au Mesnil-sur-Oger que Pauline Mazeau a effectuée dans le cadre de notre projet Ateliers du vignoble initié depuis quelques années. Nous avons fait tout le suivi de maturation avec le vigneron et nous avons essayé de trouver un très bel équilibre en essayant de structurer un peu l’austérité du Mesnil avec une vinification dans nos œufs en inox. On avait jusqu’ici un peu de mal à maîtriser cet outil où le mouvement constant de convection a tendance à fatiguer les vins. Mais cette année nous y sommes parvenus. On a pu bénéficier de l’échange très important avec les lies qui a ramené ce gras et cette structure dont on avait besoin, tout en sortant suffisamment tôt le vin pour ne pas l'abîmer. Je suis presque certain que ce sera une colonne vertébrale pour Perle. J’ai eu aussi un gros coup de cœur sur des chardonnays de Taissy, qui sont implantés sur une petite butte de craie au pied de la Montagne de Reims. C’était quelque chose que je ne connaissais pas du tout oenologiquement parlant et c’est l’un des plus beaux vins de la campagne. Il y a aussi certains meuniers qui sont très intéressants cette année. Notamment à Champvoisy, où ils sont sur le fruit, mais en gardant un côté acidulé et une grande finesse. Enfin, même si comme je l'ai dit, je reste sceptique sur les pinots noirs, il y en a quand même de très beaux cette année, à Aÿ par exemple, Tours-sur-Marne, mais aussi dans l’Aube où compte tenu des très faibles rendements ils ont une très belle concentration.

Compte tenu de l’acidité plus importante en 2024, pensez-vous que vous serez amené à réaugmenter votre dosage ?

Non, parce que notre objectif est de continuer à allonger le temps de vieillissement qui permet justement d’arrondir naturellement les vins. Aujourd’hui, nous sommes sur trois ans, avec une base 2021 que l’on vient de commencer, mais j’ai bon espoir que pour la base 2024 ce soit quatre ans. D’autant que malgré le retournement du marché, notre maison continue à croire en l’avenir et à tirer environ 200.000 cols de plus que ce qu’elle commercialise.

Vous sortez aujourd’hui Perle 2015, comment avez-vous géré le caractère solaire de l'année pour réussir à avoir ainsi autant de fraîcheur et de finesse, sans trop d'épaule ?

Perle ne représente que 2 % de nos volumes. Donc on va extraire le top des vins. C’est facile, on trouve toujours. La plus grosse répercussion qui pourrait être visible pour ce type d'année serait davantage sur le Brut Majeur, même si grâce aux vins de réserve alimentées par une succession d’années qui ne se ressemblent pas on parvient à un certain équilibre.