Dimanche 17 Novembre 2024
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18.10.2020
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La grande salle de dégustation de la maison Boizel est vide ce jour-là. Avec la pandémie, les touristes, d’ordinaire nombreux sur la célèbre Avenue de Champagne à Epernay, ont déserté la capitale historique française de l’effervescence viticole.
La consommation de champagne est touchée de plein fouet par la crise sanitaire, comme celle du foie gras et d’autres produits gastronomiques festifs. Mais les viticulteurs champenois espèrent encore sauver l’année si la deuxième vague de l’épidémie n’interdit pas les réunions des fêtes de fin d’année.
De janvier à juillet, les ventes ont reculé de 23% en grande distribution par rapport à l’an passé, après un trou d’air dans la consommation dû au confinement et aux fermetures de restaurants partout dans le monde. Sur le seul mois d’avril, les expéditions ont chuté de 68%, selon le syndicat général des vignerons champenois (SGV). Pour l’année, le secteur prévoit un recul de 20 à 30% de ses ventes. Un « choc économique colossal qui n’a pas eu d’équivalent depuis la deuxième guerre mondiale » selon le SGV.
Et le couvre-feu de 21H00 à 06H00 décidé dans plusieurs grandes villes françaises ne devrait pas arranger la situation, la plupart des restaurants ne pouvant assurer de service le soir et les dîners privés étant de fait limités.
Baromètre des crises
Les ventes de champagne agissent depuis longtemps comme un baromètre des crises du globe: guerre du Golfe, crise financière, crise sanitaire, la consommation de bulles chute immédiatement. « En général, si la clientèle internationale est affectée, on se rattrape sur les clients français » se rassure un négociant. Sauf que cette fois-ci, la crise a frappé partout en même temps.
Dans sa vigne de Dizy (est), située en face de Hautvillers, le village du moine Dom Perignon crédité d’être l’inventeur du champagne, Antoine Chiquet profite du temps libre laissé par la crise commerciale pour soigner son terroir. Il entretient ses parcelles, tout en essayant de rester optimiste. Dans l’immédiat, « on va avoir une diminution de nos ventes, c’est inévitable » admet-il. « Il y a des ventes qu’on a perdu, qu’on ne refera pas en fin d’année. Tout va dépendre de la fin d’année, savoir si les gens vont re-consommer. On n’en doute pas pour les Français, le champagne est la boisson incontournable des fêtes de fin d’année. Pour nos amis anglais, pour l’Italie, c’est pareil, la question, ça sera de savoir dans quelle proportion ».
Pour pallier la baisse de consommation en France, qui avait débuté avant la crise du Covid-19, le champagne a essayé de casser ses habituels codes de communication autour du luxe et de la fête. Une récente campagne pour encourager une consommation plus quotidienne montrait une tranche de pain de campagne à la sardine ou un oeuf mayonnaise: « il n’y a rien à fêter, juste à savourer ».
Florent Roques-Boizel, PDG des champagnes Boizel (groupe Lanson) l’une des plus anciennes maisons d’Épernay, se félicite, lui, d’une « excellente fréquentation de visiteurs » durant l’été. « Belges, Scandinaves, Britanniques », l’affluence était « forte et presque inattendue » dit-il à l’AFP en descendant le majestueux escalier qui mène aux caves où vieillissent les millésimes.
N’empêche, le stock global a beaucoup enflé. Avant les vendanges, il avait atteint l’ampleur démesurée de 1,2 milliard de cols (ou bouteilles), dont un excédent de 400 millions de bouteilles. Les pertes financières liées au coronavirus étaient alors estimées à 1,7 milliard d’euros par la profession.
Bras de fer
« Tant qu’un producteur a du stock en bouteilles, les banques lui prêtent de l’argent, ça lui sert d’assurances, alors que dans le négoce, le stock pèse lourd financièrement, c’est un passif » décrypte M. Chiquet, huitième génération de vigneron de sa famille, qui dirige la maison Gaston Chiquet avec son frère Nicolas.
Cet antagonisme a créé un bras de fer inédit cette année entre vignerons et négociants pour trouver un accord sur une limitation du volume de raisin récolté, à 8.000 kilos/hectare. Dans le but d’éviter un krach sur les prix.
Car la hantise de la Champagne, région de France où l’hectare de terre agricole coûte le plus cher avec la Bourgogne, est de voir trop baisser les prix. La bouteille à 10 euros en supermarché est très mal vue, des vignerons comme des négociants. Il est vrai que la deuxième fermentation en bouteille – la célèbre « méthode champenoise » – demande beaucoup plus de soin et de manipulation que celle d’un Prosecco qui s’effectue la plupart du temps en cuve.
Le champagne, en retard sur les autres vignobles, parie aussi sur un verdissement pour augmenter sa qualité. Plusieurs maisons ont annoncé l’arrêt prochain de l’utilisation d’herbicides chimiques pour les vignes.
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