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Maison Collery
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16.04.2021
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Le champagne Collery, jusqu’aux années 1990, figurait parmi les maisons les plus importantes d’Aÿ. Des personnages hauts en couleurs comme Geneviève Herbillon-Collery ou son fils, le sénateur Jean Collery, ont marqué son histoire. La holding Gueusquin a décidé d’écrire un nouveau chapitre de cette épopée.
La rumeur enflait depuis déjà quelques mois en Champagne. Désormais, c’est officiel : alors que la saga Collery semblait achevée depuis les années 2000, Nicolas Gueusquin a décidé de ressusciter cette vieille maison de vins créée en 1893 par Jules Anatole Collery. L’histoire est étonnante. D’abord boulanger, Jules Anatole hérite par son épouse née Ivernel de 10 hectares de vignes. Il figure parmi les tout premiers vignerons à se lancer dans l’élaboration de son propre champagne, bien avant la grande vague des années 1930. Un choix judicieux : le champagne à la Belle Époque connaît son âge d’or, mais son succès profite davantage aux maisons qu’aux vignerons qui vendent très mal leur raisin. Partant de rien ou presque, et alors qu’il faut souvent plusieurs générations pour constituer un réseau commercial, ce self made man décroche dès les années 1900 deux médailles d’or à Paris.
La Première Guerre mondiale passe par là et la marque est mise de côté. Pierre, le fils de Jules Anatole, est mobilisé, ce qui lui laisse peu de temps pour s’en occuper, avant que la hausse du prix du raisin pendant les années folles rendent cette entreprise moins nécessaire. Il est vrai aussi que le vétéran a d’abord la mentalité d’un agriculteur et préfère le travail des vignes au commerce. La crise des années 1930 place cependant la famille dos au mur. Relancer la marque apparaît comme le seul moyen d’écouler les stocks qui s’amassent. C’est Geneviève, l’épouse de Pierre, qui va se charger des ventes. La jeune mère de famille se rend chaque semaine avec son automobile à Paris pour faire la tournée des brasseries. Elle développe une stratégie originale en pariant sur la renaissance des vins tranquilles de la région (l’équivalent des Coteaux champenois). Grâce aux premiers bénéfices, elle pourra ensuite financer l’achat du matériel nécessaire à l’élaboration de champagne. Ces « vins natures » lui servent également de porte d’entrée. Une fois qu’ils lui ont permis de mettre un pied chez un restaurateur, elle peut proposer le reste de la gamme.
Femme de terrain, Geneviève a un sens des affaires très sûr. Son franc parler séduit comme le montre les correspondances savoureuses conservées à la Villa Bissinger. Elle devient l’amie des rédacteurs en chefs de l’Intransigeant (l’ancêtre de Paris-Match) et du Petit parisien. Elle courtise aussi les patrons des grands magasins. De fil en aiguille, Geneviève parvient à placer son vin sur des tables prestigieuses : l’hôtel Lutetia, le Florian, l’Acropole ou encore chez des traiteurs de renom come Potel et Chabot. Elle envisage même de s’attaquer au marché américain au lendemain de l’abolition de la Prohibition. Voulant asseoir sa réputation au pays de l’Oncle Sam, elle ne lésine pas sur la qualité : « Pour l’Amérique, étant donné la longueur du trajet, le ballotement continu du vin, il faut des vins corsés, d’une tenue garantie, que produisent seules les bonnes années ». Mais son bon sens paysan lui fait garder la tête froide, hors de question de faire confiance là-bas à des agents qu’elle ne pourrait contrôler. Elle exige un paiement de 75 % à la commande.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son fils Jean lui succède. Le jeune homme fait définitivement passer la maison du statut de récoltant-manipulant à celui de négociant. Collery devient une véritable Maison de champagne. Très investi politiquement, Jean est élu maire d’Aÿ, sénateur de la Marne et premier président du Parc naturel de la montagne de Reims, figurant parmi les pionniers de la défense de l’environnement. Son fils Alain reprend les rênes de la Maison dans les années 1970. Ancien élève d’HEC, il a voyagé aux Etats-Unis où il a découvert les vertus de l’œnotourisme. Inspiré par cette nouvelle approche, il crée à Aÿ en 1973 l’un des tout premiers musées du champagne.
Le renouveau de la Maison Collery
Aujourd’hui, après un vaste chantier de rénovation, la Maison Collery a installé son siège dans un magnifique hôtel particulier à Aÿ, autrefois propriété de la Maison Bollinger. Romain Lévêcque, son directeur général, a voulu conserver l’état d’esprit de la marque qui n’a « jamais été celui d’une maison secrète, enfermée derrière ses grands murs ». Un bar donnant sur le parc classé accueillera bientôt les Agéens et les touristes de passage pour leur servir les champagnes de la maison et la bière issue d’une brasserie artisanale voisine. L’endroit comprend également quatre chambres d’hôtes et des salles de séminaires.
Côté vins, la maison est pleinement indépendante, avec ses propres contrats d’approvisionnement, sa propre cuverie. Collery a notamment investi dans huit foudres dont deux achetés chez la prestigieuse tonnellerie autrichienne Stockinger. Ses assemblages sont constitués exclusivement à partir de grands crus : Ambonnay, Bouzy, Tours-sur-Marne, Verzenay pour les noirs, Avize et Cramant pour les blancs. Les noms des cuvées évoquent l’univers du whisky, avec la gamme « Blends » pour les BSA, celle des « Singles » pour les monocépages blanc de blancs et blanc de noirs, et les « Vintages » pour les millésimés. La référence n’est pas fortuite et se retrouve dans le verre : « les vins ont la puissance des spiritueux consommés dans les clubs anglais conjuguée à la finesse et l’élégance du champagne ». Le nom de la cuvée vintage EmpyreumatiC évoque quant à elle les arômes torréfiés et de tabac blond qui la caractérisent.
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