Samedi 21 Décembre 2024
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14.06.2024
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Une pression mildiou qui rappelle fortement celle connue en Champagne en 2021, une fleur gênée par un climat froid, peu ensoleillé et humide. La campagne viticole n’a pas très bien commencé au pays des bulles. Alice Tétienne, cheffe de caves et du vignoble de la Maison Henriot, nous partage le combat quotidien des vignerons, et nous rassure en même temps, les années les plus difficiles sont parfois celles qui donnent le plus de caractère au vin !
En quelques mots, comment se déroule la campagne viticole ?
Les températures sont très basses et retardent la fleur. Il y a trois jours, nous avons atteint 4 degrés dans certains endroits et il a même gelé non loin du vignoble à Mourmelon. On craint d’avoir de la coulure, et donc un impact sur le potentiel des grappes. Il y a aussi la pression du mildiou. Il faut dire que les œufs étaient mûrs dès le mois d’avril, soit un mois avant 2021 qui avait déjà été une année record. Derrière, on a eu des conditions idéales pour son développement avec cette humidité très forte qui résulte des pluies que l’on cumule depuis plusieurs mois et qui persistent. Cela réduit d’ailleurs les fenêtres de tir pour aller traiter, tout en lessivant à chaque fois les traitements. Aujourd’hui, sur notre domaine, on estime que le potentiel de rendement n’est déjà plus que de 9000 kilos. Dans certains secteurs, il y a du mildiou sur inflorescence, avec jusqu’à 50 % des inflorescences touchées, du jamais vu ! D’habitude, cela arrive plus tardivement, cela commence par le feuillage pour contaminer ensuite le reste, mais pas avec cette intensité. Je trouve la situation pire encore qu’en 2021 ! Même les chardonnays, bien qu’ils résistent mieux, n’échappent pas à la pression.
Le fait d’être en cours de conversion bio sur vos 37 hectares constitue-t-il un obstacle supplémentaire face à cette pression sanitaire ?
La couverture est plus difficile en bio où on ne dispose pas de produit pénétrant ou systémique, ce ne sont que des produits de contact. On va dire que 2024 est peut-être la fameuse année sur quatre qu’il faut accepter de perdre lorsqu’on est en bio. Mais en 2021, alors que nous avions seulement la moitié de nos vignes en conversion, nous avions eu autant de dégâts sur les deux modes de culture. Parfois il existe une différence entre le ressenti humain et le réel. Et il ne faut pas oublier que l’étau se resserre entre les bios et les non bios, parce que même pour les non bios, la liste des produits phytos autorisés ne cesse de se réduire. Certes, ils ont encore un ou deux jokers qui peuvent être utilisés une ou deux fois pendant la campagne. Mais, pour le reste, cela dépend davantage de l’attention du vigneron. Vous pouvez être bio ou non bio, si vous n’êtes pas allé sur votre secteur le jour clef où il fallait y être, les dégâts sont là… L’influence du terroir est un paramètre tout aussi important. Sur nos parcelles de Chouilly qui sont en face de chez Nicolas Feuillatte, il n’y a pas de mildiou. Vous passez de l’autre côté de la butte en direction d’Epernay, une zone plus humide, avec du brouillard le matin, les vignes sont touchées alors qu’il s’agit du même itinéraire de traitement…
Il y a la quantité et il y a la qualité. Qu’augure ce début de campagne viticole pour la qualité des futurs champagnes ? On sait désormais qu’il faut s’attendre à une vendange de septembre, où les nuits plus froides permettent souvent de conserver une belle fraîcheur pour les vins…
Je ne sais pas, il est vrai qu'en théorie, les vendanges de septembre sont plus confortables. Nous avons toujours trouvé que sur une vendange d’août, il y avait plus de challenge, ce qui ne signifie pas que les vins soient moins jolis, mais c’est plus difficile, les maturités sont davantage décorrélées. Pour autant, l’année dernière, alors que nous avons démarré le 7 septembre chez nos partenaires vignerons et le 11 sur notre domaine, il n’y avait plus d’acidité, l’aromatique tardait à venir, et on avait beau être en septembre, nous avons eu de très fortes chaleurs en début de vendanges. Il devient désormais compliqué de se projeter. On va voir ce que nous réserve l’été. On aurait pu penser qu’un changement de climat s’annonçait, or nous héritons d’un anticyclone qui nous vient de Scandinavie, qui aurait dû normalement rester au Nord, et qui demeurera présent jusqu’au 25 juin. Basculera-t-on après sur un excès inverse, avec une canicule, de la sécheresse, ce qui pourrait accélérer les choses, ou au contraire cela va-t-il stresser la vigne qui ne comprendra rien parce que jusque-là elle avait de l’eau et de la fraîcheur ?
Vous sortez la cuvée Héméra 2013, une année elle aussi un peu capricieuse…
J’aime les années un peu compliquées, parce qu’elles ont souvent du caractère. Nous sommes ainsi très contents des vins clairs de 2023 ! Comme si ce combat de la vigne avec la nature générait des précurseurs aromatiques plus forts, plus singuliers. Lorsqu’on déguste Héméra 2013, le vin a énormément d’expression, il est presqu’un peu entêtant, alors que la fin de course de la campagne viticole était catastrophique. Tout était réuni pour que le raisin ne mûrisse pas. Rappelez-vous cette vendange d’octobre, avec ces températures basses qui ralentissaient la maturation, les sucres avaient du mal à grimper et l’acidité restait accrochée au plafond. Mais la vigne luttait, voulait aller jusqu’au bout… Cela a donné ce vin avec beaucoup de fougue, qui avait besoin d’être un peu canalisé, c’est pourquoi il fallait savoir l’attendre. 2013, c’est la preuve qu’il ne faut pas délaisser les années difficiles sur le papier, qui peuvent en réalité donner des vins extraordinaires. Nous avons dégusté il y a deux jours de millésimes volontairement compliqués : 1971, 1981, 2013… Nous avons été bluffés, ce sont des vins qui ont des choses à raconter, des écorchés vifs, des combattants avec plein d’anecdotes et d’émotion.
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