Samedi 21 Décembre 2024
De gauche à droite : Anne Malassagne (co-propriétaire Champagne A.R. Lenoble), Mélanie Tarlant, Charline Drappier, Chantal Gonet, Delphine Cazals, Vitalie Taittinger, Alice Paillard, Maggie Henriquez (Présidente de la Maison Krug). (photo Gildas Boclé)
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13.11.2020
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En Champagne, l’association « La Transmission – Femmes en Champagne » a organisé un webinaire pour présenter la philosophie et les ambitions de ce collectif créé en 2016. Une belle initiative qui pourrait bien dans les années à venir faire bouger les lignes dans le monde de la bulle.
Elles sont neuf femmes de Champagne et ont formé en 2016 une nouvelle association, « La Transmission -Femmes en Champagne ». Ce qui frappe d’abord c’est leurs différences : de générations, de régions (Urville, Damery, Épernay, Reims…), de type d’entreprises qu’elles dirigent : maison familiale comme Taittinger, au sein d’un groupe comme Krug, vigneron récoltant-manipulant comme Tarlant… Mais elles sont unies par une même ambition : celle de transmettre, de rendre le visage du champagne plus humain, d’aller vers ceux que ce grand vin intimide, quitte à casser un peu les codes en le sortant du cadre de la célébration pour en faire davantage un vin de partage. « N’attendons pas de grandes occasions. Ouvrons le champagne dans des moments simples, c’est souvent dans ces moments-là qu’il est le meilleur » explique Anne Malassagne (Champagne A.R. Lenoble). Pour cela, elles multiplient les ateliers, qu’elles n’hésitent pas à animer en personne, tout en invitant les participants à se faire leur propre idée par l’expérience.
Le groupe souhaite aussi pouvoir se retrouver « entre femmes » pour s’entraider et échanger sur les grandes problématiques qu’elles doivent affronter dans leur métier : le réchauffement climatique, la crise économique… Et profiter sur ces sujets de leur diversité pour élargir leurs horizons : « La Champagne, ce n’est pas que des petites cases où on fait les choses de manière compartimentées » souligne Charline Drappier. Ici, « chacune détient une partie de la vérité. Cela nous apprend à aller vers les autres ». Ainsi, quand elles travaillent ensemble, c’est un peu comme lorsqu’on improvise à plusieurs un morceau de jazz, elles suivent individuellement leurs intuitions tout en écoutant leurs consœurs, sans fausses notes, en harmonie, mais en toute liberté. Au fil de ces rencontres, elles souhaitent préparer la Champagne de demain, car c’est cela aussi transmettre : « Les femmes par nature portent les enfants, si bien qu’on est toutes très concernées par l’avenir du monde. L’idée c’est de faire naître une Champagne où on ait envie de les voir grandir » confie Vitalie Taittinger.
Affirmer la légitimité des femmes
Est-ce à dire que le champagne est d’abord un vin de femmes et qu’elles doivent en avoir le monopole ? Alice Paillard nous offre la réponse : « Je crois que l’élégance n’est pas réservée aux femmes ! » En revanche, il s’agit effectivement « d’inspirer d’autres femmes, de les inciter à nous rejoindre à des fonctions décisionnaires, d’affirmer leur légitimité ».
De fait, quand elles échangent sur leurs parcours, elles s’aperçoivent que rares sont celles pour qui le champagne était une première vocation. Chacune a dû batailler pour se faire une place. Pour Evelyne Boizel, ce sont les accidents de la vie qui l’ont mise devant un choix cornélien : « J’avais un frère aîné qui depuis très longtemps voulait rejoindre mon père, et moi j’étais passionnée par l’histoire et l’archéologie… Tout semblait facile. Mon père n’a jamais essayé de m’influencer en quoi que ce soit, il tenait à ce que je suive mes désirs, même quand mon frère est tombé très gravement malade pendant ma première année de fac. Trois ans après, c’est mon père qui est mort brutalement, et là, la question s’est vraiment posée. Je ne l’ai pas fait par devoir, je l’ai fait parce que je ressentais une impression de gâchis : mon père s’était tellement consacré à la maison pour la remonter après la guerre, c’était dommage que toute cette énergie et celle des quatre générations précédentes ait été dépensée pour rien. Cela m’a donné envie de relever le défi. »
Une fois la décision prise, il a souvent fallu à ces femmes une bonne dose de conviction pour s’affirmer. Ce n’est pas parce qu’on est la fille du patron que la place est gardée au chaud. Au contraire, il faut faire doublement ses preuves comme le raconte Vitalie Taittinger : « J’ai vu mon père en baver pour reprendre la maison. Cela a duré plus d’un an où j’ai vraiment eu le temps de réfléchir au sens de ce qu’avait construit cette famille et à la place qu’elle avait aussi dans ma vie. Quand il a réussi, j’étais impressionnée parce qu’il l’a fait avec ses valeurs, sans renoncer à ce qu’il était, il a vraiment construit une candidature de rachat qui lui ressemblait. Il a toujours dit qu’il partirait au bout de dix ans. Je me suis dit que si je voulais travailler avec lui et apprendre à ses côtés, il ne fallait pas que j’attende. J’étais mal placée, j’avais fait des études de dessin, et j’avoue qu’au début il n’a pas tellement compris. Il m’a dit non. Mais je me suis un peu entêtée et finalement j’ai commencé à travailler pendant deux ans comme indépendante pour Taittinger jusqu’au jour où il m’a dit que je méritais de rentrer dans la maison. Mais cela a toujours été une envie. Je n’ai pas ressenti une seule fois le devoir de le faire. »
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