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Champagne : les leviers de la belle performance de TEVC en 2024

Ci-dessus : Véronique Blin et Christophe Juarez.

Auteur

Yves
Tesson

Date

07.02.2025

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Après une année 2023 où Terroirs & Vignerons de Champagne avait connu un retrait, en 2024, malgré un léger recul de 1% de ses volumes, le groupe affiche une croissance de 3% de son chiffre d’affaires, à contre-courant de la tendance baissière de la Champagne dont les volumes expédiés ont régressé de 9,2 %. Christophe Juarez, le directeur général du groupe, nous livre son analyse de ces bons résultats.

Comment analysez-vous le maintien des ventes de Nicolas Feuillatte ? Doit-on penser que comme les prix du champagne se sont envolés ces dernières années, le consommateur, en particulier sur le marché français, retourne à des champagnes qui demeurent de qualité et sur des marques référentes, mais commercialisés à des prix plus raisonnables ?

Je conteste un peu le fait que les prix des champagnes aient considérablement flambé. L’ensemble des produits de grande consommation ont subi les effets de l’inflation. Le champagne a fait partie de cette vague. J’ai l’impression qu’on est plutôt dans un moment de consommation basse du champagne parce que les circonstances font qu’on n’a pas forcément la tête à ouvrir une bouteille de champagne ou à se réunir pour célébrer quelque chose.

Comment alors justifiez-vous cette croissance de Nicolas Feuillatte, qui vous différencie de beaucoup de vos concurrents champenois, dans un contexte qui n’est pas très porteur économiquement ?

Avant tout, il faut rappeler que nous sommes encore dans un phénomène de rééquilibrage des lieux de consommation du champagne. Celui-ci est désormais dégusté d’abord à domicile, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années, où la consommation hors domicile était dominante. Le fait de pouvoir se réunir chez soi et d’ouvrir une bouteille de champagne a évidemment favorisé les marques qui sont fortement exposées dans le Off-trade (Cavistes et Grande Distribution). Aujourd’hui la restauration est dans un cycle en fort ralentissement, elle récupère, mais elle n’est pas retournée à son niveau d’avant covid. Les lieux de fête ont considérablement changé aussi. Le monde de la nuit est devenu une zone de risques où on ne se sent pas en sécurité, les femmes en particulier, mais les hommes aussi. Désormais le champagne est plutôt consommé dans des clubs privés, dans des organisations d’afterwork ou dans des festivals où les gens ont l’impression d’être davantage en sécurité, plus collectivement accompagnés.

Est-ce que dans la gamme Nicolas Feuillatte vous observez une même croissance sur les cuvées premiums, ou est-ce davantage sur la Grande Réserve ?

Dans les statistiques, d'une année sur l'autre, notre gamme supérieure a un peu progressé. Même si dans certains pays comme le Japon ou les Etats-Unis, la consommation des cuvées haut de gamme a fortement ralenti.

Nicolas Feuillatte croît en parts de marché dans la Grande Distribution pour atteindre en France 15 %, s’agit-il d’un record ? Pensez-vous que ce débouché parfois snobé par certaines maisons représente toujours un marché d’avenir ?

On a toujours flirté avec les 15 %, c’est notre part de marché un peu naturelle. La grande question aujourd’hui c’est de savoir si les opérateurs de la Grande Distribution vont continuer à croire dans le champagne en lui réservant des mètres linéaires et en lui consacrant les ressources nécessaires pour l’animation de ce rayon. C'est tout l’enjeu des discussions que nous avons avec la Grande Distribution en ce moment.

La marque Castelnau affiche aussi une belle performance (+3%), alors qu'il s'agit de champagnes premiums orientés vers le CHR (Cafés/Hôtels/Restaurants)...

Castelnau a un ancrage historique dans le CHR et nous développons particulièrement la marque sur les marchés très sensibles à cette offre, c’est-à-dire le Royaume-Uni, les USA, le Japon et l’Australie. Mais il y a aussi une typicité vin qui nous permet de nous démarquer fortement, il s'agit vraiment d'un positionnement de champagne d’auteur.

Comment se défend la Maison Abelé ?

C’est une pépite que nous avons reconstruite de presque zéro, en reprenant l’intégralité de la gamme. Aujourd’hui, on voit l’effet de la présentation des nouveaux vins d’Etienne Eteneau, alors qu'ils arrivent pour la première fois sur le marché, avec cette expression très centrée sur la délicatesse des chardonnays et tout le profit du vieillissement dans nos caves rémoises. Pour l’instant, le développement commercial est essentiellement européen, on est encore en prospection pour ouvrir le marché américain et le marché japonais, et on vient tout juste d’ouvrir le marché anglais.

Henriot clôture l’année avec une performance stable en valeur…

L'année dernière a été consacrée à la réorganisation de la distribution aux Etats-Unis, désormais assurée grâce à notre partenariat avec la Jackson Family Wines. Nous prévoyons une croissance d’Henriot très significative l’année prochaine. Aujourd’hui, la marque dispose d'une très belle distribution internationale stabilisée et elle performe en France chez les cavistes. Les voyants sont au vert. Nous avons beaucoup d’espoir dans le développement qualitatif de cette belle marque de champagne.

Comment se répartissent les marchés d'exportation du groupe ?

Historiquement, nous reflétons le marché du champagne en général, avec un fort ancrage en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Japon. On ne l’a pas cité encore, mais pour mémoire, l’activité en travel retail est quand même significative et se porte très bien, que ce soit les compagnies aériennes ou les compagnies de croisière. Ce que l’on observe dans les remontées de terrain dont nous disposons, c’est qu’en fait les pays que l’on peut qualifier de destinations de loisir, les capitales de grands pays, la Méditerranée, les lieux culturels, tous ces endroits qui attirent du monde, ont le vent en poupe. Et le champagne y conquiert toute sa place.


Êtes-vous serein pour l’année 2025 ?

Si on regarde dans le détail les statistiques de la filière, on a l’impression qu’on a atteint un point bas en mars 2024, depuis la tendance baissière a régressé. Nous sommes évidemment très prudents sur les prochains mois, mais nous pouvons légitimement imaginer que 2025 sera une année de stabilisation voire de légère reprise de l’activité champagne.

La Bourgogne, notamment parce qu’elle a baissé ses prix sur les entrées de gamme, a connu une croissance en 2024. Ce choix pourrait-il inspirer les Champenois ?

Je ne pense pas. La mécanique économique en Champagne fait que les vins sont rentrés à des prix très élevés et nécessitent que nous protégions nos marges. Nous n’avons pas de marge de manœuvre pour envisager une baisse de prix.

Faut-il baisser le prix du raisin ?

Je conteste totalement l’idée que le champagne est à un prix déraisonnable. On a pendant très longtemps maintenu les champagnes à des prix extrêmement bas. On a simplement effectué un rattrapage qui s’aligne avec nos coûts de production.