Lundi 23 Décembre 2024
David Chatillon, président de l'UMC, Josiane Chavalier, préfète de la Région Grand Est, Maxime Toubart, président du SGV
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19.07.2024
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Chaque année en Champagne les représentants des vignerons et des maisons fixent ensemble le rendement qui aura le droit à l’appellation aux prochaines vendanges, en fonction des perspectives du marché. Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons, et David Chatillon, président de l’Union des Maisons de Champagne ont annoncé à midi le chiffre pour la vendange 2024 : 10.000 kilos.
En fixant un rendement commercialisable à 10.000 kilos, l’interprofession affiche son optimisme quant à l’avenir des ventes du champagne. David Chatillon, le président de l'Union des Maisons de Champagne, met en effet en garde contre une vision trop négative de la situation actuelle. « Il ne faut pas confondre la baisse du niveau des expéditions avec celle du niveau de la consommation. En réalité, beaucoup d'intermédiaires commercialisent encore l’excédent de stock qu’ils avaient accumulé en 2022 par peur de la pénurie et par anticipation de la hausse des prix. Il faut noter qui plus est, qu'aujourd’hui, ils ont adopté la démarche inverse, la hausse des taux d’intérêt ne les encourage pas du tout à stocker. Sur certains marchés, comme les Etats-Unis, on a pu étudier la consommation réelle, et sa diminution est effectivement très inférieure à celle des expéditions. » En attendant que les tuyaux achèvent de se vider, l'interprofession table sur des ventes qui devraient, sous réserve d'accident, au moins atteindre 280 millions de bouteilles à la fin de l'année, en se fondant sur les chiffres du second semestre 2023, lequel avait déjà vu le ralentissement s'amorcer.
Si le rendement est fixé à 10.000 kilos, on notera qu’il est très proche du rendement agronomique prévu et qu’il est probable que beaucoup de vignerons devront recourir cette année à leur réserve qualitative pour compenser, sachant que selon les régions et même à l’intérieur des crus, le potentiel quantitatif est extrêmement hétérogène. En effet, dans bien des secteurs la vendange a été compromise, sous l’effet conjugué du gel, de la grêle et d’une fleur qui s’est étalée sur une durée d’un mois dans des conditions peu favorables en raison du froid et de l’humidité. On notera que ces pluies récurrentes ont aussi généré une forte pression du mildiou. Maxime Toubart, le président du Syndicat général des vignerons, note au passage le caractère de plus en plus chaotique du climat : « en trois ans nous avons battu deux records, celui du millésime le plus sec en 2022, et celui du millésime le plus humide en 2024!"
Le président de l’Union de Maison de Champagne a saisi l’occasion de cette conférence de presse pour souligner les commentaires surprenants lus dans la presse à la suite de la parution d’un décret annonçant la suspension du repos hebdomadaire pendant les vendanges. « Le repos hebdomadaire a toujours été suspendu en Champagne, pour une simple et bonne raison, c’est que le raisin n’attend pas, d’autant que nous travaillons en vendanges manuelles ! Les organisations syndicales de salariés et les salariés eux-mêmes sont d'accord. Simplement, nous nous fondions jusque-là sur un article du code rural qui l’autorise en cas de circonstances exceptionnelles, et en particulier de travaux dont l’exécution ne peut pas être différée. Seulement l’administration du travail a considéré il y a trois ans que les vendanges n’étaient pas une circonstance exceptionnelle. Nous devions donc justifier chaque année par exemple de l'urgence sanitaire. De concert avec les organisations syndicales de salariés qui ont même écrit au président de la République, nous avons fait pression sur l’Etat pour préciser que les vendanges constituaient bien des circonstances exceptionnelles. D'où ce décret. »
Alors que se profile au mois de mars prochain le procès d’une entreprise de prestataires mise en cause en raison des conditions d’hébergement indignes proposées à ses salariés saisonniers, les représentants de l’interprofession ont aussi fait un point sur l’état d’avancement du plan « Ensemble pour les vendanges en Champagne » déployé par la filière à la suite des multiples incidents qui ont défrayé la chronique lors de la récolte 2023 (décès de vendangeurs notamment en lien avec la canicule). A ce jour déjà 16 sessions de formation aux premiers secours ont été réalisées auprès des professionnels, grâce à la signature d’un partenariat avec le SDIS. Des exercices ont aussi été menés avec les pompiers pour les entraîner à intervenir dans les conditions particulières que constituent les vendanges, sur des coteaux qui peuvent parfois être très pentus. A la demande expresse de l’interprofession, les contrôles des pouvoirs publics sur la sécurité et la santé au travail ont été renforcés. Ce sont 22 inspecteurs du travail qui seront ainsi mobilisés le temps de la vendange, mais également 84 gendarmes et une brigade environnementale tout juste créée. Un point quotidien sera par ailleurs opéré avec le préfet pour s’assurer du bon déroulé. Côté hébergement, la préfète de la région Grand Est, Josiane Chevalier, présente lors de la conférence, a rappelé le travail réalisé par la filière et notamment le partenariat mis en place avec le gestionnaire de logements de l’ancienne base aérienne 112 à Reims. Un problème de logement qui peut également être résolu en recourant davantage à la main-d’œuvre locale et notamment aux étudiants. A ce titre, Henri Prévost, le préfet de la Marne a engagé des discussions avec le président de l’Université de Reims, d’autant que cette participation de ces jeunes aux vendanges leur donnerait le moyen de découvrir ce secteur d'activité dynamique pour éventuellement s'y insérer plus tard.
Enfin, dernier élément majeur, la préfète de la région Grand Est a salué l’effort de structuration opéré par les entreprises de prestation viticole qui viennent de fonder leur propre syndicat, offrant ainsi un interlocuteur à la fois aux pouvoirs publics et à leurs partenaires. Pour améliorer les conditions de travail de leurs salariés, l’interprofession du champagne a par ailleurs créé un référentiel. Les entreprises de prestation viticole peuvent ainsi s’enregistrer sur le site Vitiargos (elles sont déjà 40 à l’avoir fait !), et remplir un questionnaire leur permettant de s’autoévaluer. Ce diagnostic pourra être consulté par les donneurs d’ordre (leurs clients vignerons ou négociants) et être intégré dans le contrat qui les liera, prenant de cette manière la forme d’un engagement formel et contraignant. Maxime Toubart commente : « L’une des observations que nous avions faites, c’est qu’il y a beaucoup de donneurs d’ordre qui en réalité sont déresponsabilisés et qui peuvent prétendre ignorer les pratiques de leurs prestataires. Avec cet outil, ce ne sera plus possible. »
Il ne s’agit cependant pas d’une certification. David Chatillon explique : « La piste de la certification des prestataires avait été explorée, mais écartée après expertise. Le Comité n’a pas le pouvoir de certifier des professionnels. Et si on avait souhaité que la profession des prestataires devienne règlementée, on n’aurait jamais été prêt en 2024, parce que c’est extrêmement compliqué, il y a une liberté constitutionnelle qui est celle de la liberté d’entreprendre. »
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