Dimanche 22 Décembre 2024
(photo JM Brouard)
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Date
29.11.2018
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Ce phare de l’appellation Saint-Estèphe a initié un virage total et sans retour possible vers une viticulture biologique et même au-delà, en repensant totalement l’empreinte de tout le domaine sur son environnement.
Heureux comme un amateur de Médoc sur la croupe de Montrose. L’adage n’existe pas mais il aurait pu, tant ce terroir si particulier de Saint-Estèphe, aux abords directs de l’estuaire de la Gironde, confine à l’exceptionnel. Graves et sable, sous-sol argileux se combinent pour faire de ce vignoble de 95 hectares d’un seul tenant l’une des pépites médocaines. D’autant que 35 hectares de zones vertes (vieilles forêts, haies, prairies, bandes enherbées, etc.) s’ajoutent au vignoble pour créer un environnement unique dans la région. Un statut qui engage et impose certaines responsabilités. C’est précisément ce que les propriétaires, les frères Martin et Olivier Bouygues, ont décidé de mettre en pratique depuis leur rachat du château à la famille Charmolüe en 2006. Avec une volonté forte comme le rappelle Hervé Berland, le gérant de la propriété, celle de « préserver les richesses naturelles de Montrose ». Ainsi est née une politique environnementale globale dont la mise en œuvre va s’étaler sur une vingtaine d’années. D’immenses travaux ont ainsi été initiés dès 2006 pour doter le domaine d’installations techniques de pointe. Après 7 années de labeur, l’ensemble des 10.000 m2 de bâtiments est désormais sur-isolé. Tous accueillent sur leurs toits une immense ferme photovoltaïque de 3000m2 qui permet de produire 400 000 KW annuellement. Plus atypique, une station géothermique complète a été créée, captant l’eau en profondeur et permettant par le biais d’une centrale de réguler ensuite la chaleur des bâtiments. Un moyen efficace de réduction de l’empreinte carbone sans émission de CO2. Un vaste chantier technique qui s’est accompagné d’une étude approfondie du terroir ayant notamment permis d’affiner la connaissance des 26 unités pédologiques différentes existantes. Avec, in fine, les premiers essais en bio menés avec succès en 2013 et étendus depuis.
Au-delà du simple bio
Une seconde phase s’est étalée de 2014 à 2019 avec la montée en puissance progressive du bio dans le vignoble, de 15% en 2016 à 65% en 2018. La totalité sera convertie au bio en 2019. Sans volonté de labellisation car Hervé Berland souhaite rester toujours en pointe, notamment sur les nouveaux traitements naturels efficaces qui apparaissent régulièrement mais que le cahier des charges bio n’intègre généralement que plusieurs mois voire années après… Un changement à la vigne complété en cave. Les doses de souffre utilisées ont été drastiquement réduites. Le CO2 produit pendant les vinifications est récupéré pour produire du bicarbonate, lui-même réutilisé sur la propriété. Ce mouvement s’accompagne d’un travail des sols totalement repensé. Finis les travaux trop profonds qui agressaient le biotope. Place aujourd’hui à un travail de surface plus respectueux du vivant. L’enherbement s’est aussi durablement enraciné sur les parcelles et des plantations de végétaux décompactants (comme les radis chinois) sont maintenant régulièrement mises en œuvre. Des brebis viennent compléter ce tableau en désherbant naturellement les zones concernées. S’est aussi posée la question de la gestion des déchets. Sarments, souches, rafles, marcs sont désormais transformés pour produire un compost « maison » avec, à la clé, près de 30 K€ d’économies annuelles.
Les idées fusent, favorisées par le soutien sans faille des actionnaires qui allouent les moyens nécessaires à leur faisabilité. D’ici 2025, le château mettra par exemple en œuvre une véritable sélection massale lui permettant de garantir, pour l’avenir, la diversité du patrimoine génétique des vignes du site. Les engins agricoles devraient aussi progressivement passer au tout électrique et être plus légers pour moins tasser les sols. Montrose est ainsi en train d’ouvrir une voie admirable, celle d’une gestion moderne de la vigne en parfait respect avec tout l’environnement. Pour le plus grand plaisir des femmes et des hommes qui l’animent chaque jour. Un modèle pour Bordeaux dont la visibilité fera, à n’en pas douter, de nombreux émules demain.
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