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Cognac s’adapte à la crise et se résout à arracher

Le vignoble du cognac en hiver. Aujourd’hui l’appellation compte 88 337 hectares en production (chiffre de la récolte 2024) ©Jacques Péré - Studio Furax pour le BNIC

Auteur

Olivier
Sarazin

Date

12.02.2025

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La filière déploie un dispositif d’arrachage « volontaire et temporaire », dont le mécanisme, validé par l’INAO, ne sollicite pas les finances publiques

Longtemps prospère, la filière cognac est rattrapée par la crise. Ses ventes ont dévissé en 2023 aux États-Unis d’Amérique. Elles s’effondrent aujourd’hui en Chine, du fait des surtaxes punitives de Pékin sur les brandys européens. Ces mesures de rétorsion à l’imposition par l’Europe de droits de douane additionnels sur les véhicules électriques « made in China » sont entrées en vigueur cet automne. Elles ont pris la forme d’un dépôt de caution de presque 35 % de la valeur des bouteilles à la frontière chinoise.

« Ces sanctions ont déjà un impact très visible sur nos exportations et cela déstabilise tout notre écosystème », détaille le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Les viticulteurs et négociants charentais appellent à un règlement politique du dossier mais ne peuvent rester les bras croisés. Ils se disent aujourd’hui « contraints » à « adapter leur outil de production ». Après avoir planté à tout va durant les années de croissance, ils doivent aujourd’hui se résoudre à arracher de la vigne.

« Innovant et sur mesure »

Arracher, oui, mais pas n’importe comment et sans solliciter les finances publiques ! Le mécanisme retenu, élaboré en un temps record, a été validé le 6 février par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), qui a donné son feu vert à une modification du cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) et à une retouche du Code rural.

Ce dispositif, jugé « innovant et sur mesure », fait appel au volontariat des 4 400 viticulteurs des deux départements charentais. Il est également présenté comme temporaire. « Ceux qui l’utiliseront auront un rendement à l’hectare plus élevé et garderont leurs droits à replanter pour une période qui fait actuellement l’objet de négociations à Bruxelles », fait savoir le BNIC dans un communiqué diffusé le 10 février.

« Le mécanisme proposé vise à réduire les charges et préserver le chiffre d’affaires des exploitations », détaille Anthony Brun, le président du syndicat UGVC, par ailleurs représentant officiel de la famille viticole au sein du BNIC. « Son utilisation est laissée à la libre appréciation de chaque viticulteur, en fonction de sa situation, sa vision de l’avenir et ses contrats. Mais ce dispositif sera administré par le collectif, par notre interprofession », poursuit Christophe Veral, vice-président du BNIC.

Aider à faire le dos rond

Le plan repose sur une majoration individuelle du rendement commercialisable annuel, dans la limite maximale de 12 hectolitres d’alcool pur par hectare. Cette « bonification » sera proportionnelle à l’effort d’arrachage et prend le nom de « volume complémentaire cognac individuel ». Ce VCCI doit, selon le BNIC, « permettre d’améliorer la résilience des exploitations viticoles ». Bref, les aider à faire le dos rond pendant la crise.

Il existe un deuxième objectif : « Neutraliser les volumes qui ne trouveront plus de débouchés […] afin d’éviter qu’ils viennent perturber d’autres filières vitivinicoles. » Décodage : le VCCI n’est pas éligible à ceux qui imaginaient abonder le marché du blanc avec des vins sans indication géographique (VSIG) ou des vins de base pour mousseux. Le BNIC se dit prêt à « mettre à disposition des viticulteurs des outils d’aide à la décision, afin de réaliser des simulations de majoration de rendements individualisés en fonction du niveau d’effort d’arrachage » Des réunions publiques d’information ont débuté le lundi 10 février dans le vignoble charentais et se poursuivent jusqu’au 17 mars.