Samedi 23 Novembre 2024
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31.03.2020
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« C’est une catastrophe » : les annulations des salons des vins et la fermeture de l’accueil au public ont privé les petits vignerons de leur principal débouché. « C’est la pérennité des exploitations » qui est en jeu, avertit-on en Bourgogne, où les surfaces sont souvent modestes.
« Les salons, c’est ma sortie maximum au niveau des ventes » : Françoise Jeanniard, à la tête de seulement 3,5 hectares, n’a pas les moyens de distribution des grandes maisons et compte sur les « 15 salons » qu’elle visite elle-même chaque année pour écouler sa petite production. « J’y rencontre pour moitié des clients fidèles et pour l’autre des nouveaux clients qui dégustent et achètent sur le salon », explique-t-elle à l’AFP.
Mais, cette année, la viticultrice basée à Pernand-Vergelesses (Côte d’Or), près de Beaune, a tour à tour vu les portes se fermer. « D’un seul coup, trois salons se sont annulés. C’est une catastrophe : ça fait 40.000 euros de moins. C’est énorme pour un petit domaine comme moi », confesse-t-elle sans vouloir être plus spécifique.
En raison de la pandémie, les salons des vignerons indépendants de Paris et Bordeaux, qui devaient avoir lieu en mars, ont été reportés à juin, si tout va bien. A l’étranger, les quelque 60.000 visiteurs de l’immense foire de ProWein, à Dusseldorf (Allemagne), devront patienter un an de plus, tout comme les deux milliers d’acheteurs de l’USA Trade Tasting (USATT) de New York. « C’est très pénalisant », confie David Fagot, propriétaire de 8 ha de vignes à Fuissé (Saône-et-Loire), tout proche de Mâcon. « Je réalise 60 à 65% des mes ventes lors des salons. Celui de ProWein, par exemple, représente 15% de mes ventes. Les salons, c’est LE moyen de trouver de nouveaux clients ». Et, l’accueil du public étant dorénavant interdit, son domaine ne pourra se rattraper sur les ventes directes aux caveaux, qui représentent normalement « 15% » du chiffre d’affaires, rappelle M. Fagot.
« Au fond du trou »
Le manque à gagner pèse particulièrement sur les petites exploitations, nombreuses en Bourgogne, où la surface moyenne est inférieure à sept hectares (contre 17 dans le bordelais et 12,3 pour la moyenne française). Ne possédant que peu de trésorerie, les domaines de taille modeste restent à la merci des aléas : « Je pense que, mi-avril, je suis à zéro. Que va-t-il se passer après ? », se demande David Fagot.
Car les recettes ont beau être nulles depuis la pandémie, les charges, elles, continuent de tomber. « J’ai un salarié permanent. Je ne peux pas le mettre au chômage car la vigne, elle, n’arrête pas » : sur les coteaux, les premières feuilles commencent déjà à apparaître et il faut vite attacher les baguettes de vigne pour guider la pousse. « Il y a du boulot, il faut qu’on continue », souligne M. Fagot. Mais avec quel argent ?
« Les vignerons ici ont un mois, un mois et demi de trésorerie », avertit Alain Vautherot, responsable commercial de Patrimoine de Terroirs, une association réunissant trente vignerons indépendants à travers la France. « C’est une catastrophe économique et financière. Pour la plupart, la situation est plus que tendue », prévient-il, évoquant l’appel d’un vigneron désespéré qui lui demandait s’il ne pouvait pas vendre son vin au rabais afin de retrouver un tant soit peu de trésorerie. « Les vignerons sont dans la m… Ceux qui ont un peu de trésorerie d’avance vont rester à flot, mais les autres ? », se demande M. Vautherot.
« La difficulté, c’est la pérennité de nos exploitations », reconnaît Thiébault Huber, président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB). « La vente aux salons ? Certains ne font que ça, avec les ventes en caveaux. C’est dur, très dur. Des gens m’appellent pour me demander comment faire pour payer les salaires de mars », lâche M. Huber, également gérant du Domaine Huber-Verdereau à Volnay (6,5 hectares).
Les vins de Bourgogne, à la très bonne réputation, se vendront. Mais comment faire pour se maintenir à flot d’ici-là ? « On est prêt pour la reprise mais si cela dure des mois et des mois, ça sera difficile. Les vignerons qui n’ont pas la taille critique sont les plus inquiets », note Louis-Fabrice Latour, président du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB). « On est au fond du trou », résume-t-il.
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