Samedi 21 Décembre 2024
©F. Hermine
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Date
12.06.2023
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« Des Lendemains qui chambrent ». L'appellation Crozes-Hermitage, en Vallée du Rhône, a ainsi lancé un appel pour inciter à chambrer les vins rouges, c’est-à-dire les amener à la température idéale de service et donc de dégustation.
Quand c’est trop froid, rien ne sort; quand c’est trop chaud, tout ressort, on pourrait résumer ainsi l’expérience organisée par l’appellation Crozes-Hermitage en vallée du Rhône Nord qui a voulu pointer l’importance de la température de service sur la perception des vins rouges au nez et en bouche. Il s’agit de servir au consommateur le vin à bonne température pour respecter l’intention et l’équilibre voulu par le vigneron et donc préserver le plaisir de la dégustation. L’appellation l’a donc expliqué dans un manifeste signé par 130 vignerons et une cinquantaine de chefs et sommeliers de renom, insistant sur « son rôle de susciter un sursaut. En restauration comme à domicile, une certaine culture du service des vins rouges s’est en effet perdue, abimant l’effort du vigneron et galvaudant le plaisir du consommateur ».
L’objectif est donc de remettre le chambrage à l’ordre du jour. Si autrefois, il signifiait conserver la bouteille dans la chambre qui était à 16-17 °C, à l’heure des appartements et maisons surchauffées à 19-21°C, il faut plutôt l’entendre par emmener le vin à la température optimum de dégustation qui se situe dans une fourchette de 14 à 18 °C.
La variation des perceptions
L’appellation a fait appel pour la démonstration à deux scientifiques : le chercheur en neurosciences Gabriel Lepousez et le biologiste et professeur au Muséum national d'histoire naturelle Marc-André Selosse. « Chaque vin a un équilibre différent qui se reprogramme selon la température de la pièce, en fonction de ce que l’on mange et de ce que l’on attend du vin » estime le premier. « Par ailleurs, l’agitation des molécules augmente la température et le risque d’oxydation ménagée [dont le vinaigre est le stade ultime]. D’où l’importance de la conservation dans une cave fraîche pour limiter ce risque en amont mais également sur table » complète le second.
Au delà de ces premières impressions, il apparait que les notes de fond et l’acidité émergent davantage dans un vin à 22°C, les notes primaires, l’amertume et l’astringence dans un vin à 10°C. « Quant aux tanins, on passe avec la hausse de température du dur au caressant, souligne Marc-André Sélosse. Certains composés comme le menthol, activé par le froid, peuvent également modifier la perception en apportant de la fraîcheur. « Les perceptions sucrées ou amères sont plus faibles à basse température, renchérit Gabriel Lepousez. Les arômes boisés, vont apparaître plus massifs, plus expressifs à haute température. A contrario, les basses températures vont renforcer la texture, la dureté ».
Un message pédagogique
L’accompagnement est aussi déterminant : un vin avec une entrée froide va apparaître plus fruité, et un vin à 18-20° passera mieux avec un plat chaud, même si il apparait plus riche. Et tout cela dépend également de la culture de dégustation variant selon les pays : si un rouge est en général servi frais en Allemagne, il est sur table à 23-24°C en Espagne. Par ces températures estivales dans l’Hexagone à plus de 25-30°, mieux vaut servir le vin un peu plus frais car il va vite remonter de quelques degrés dans le verre.
Il est donc indéniable que la température de service peut modifier les équilibres que le vigneron s’est attaché a élaborer. L’appellation a donc choisi « cet axe de communication pédagogique pour inciter les vignerons à aborder la discussion avec les cavistes et les restaurateurs, commente Olivier Ringler, directeur commercial et marketing de la cave de Tain. C’est peut-être aussi un moyen de rajeunir notre clientèle qui consomme des bières fraîches comme les vins blancs ». « Nous voulons faire de la pédagogie en nous appuyant sur un savoir scientifique, précise Jacques Grange, co-président de l’appellation. Nous sommes avant tout des vins de bistrot mais ce n’est pas une raison pour mal le servir. Les amateurs de bistronomie qui ont en moyenne entre 18 et 35 ans ne vont certes pas dans les étoilés où le service du vin est en général irréprochable mais quand le vin est bien servi et est à son optimum, ils y reviennent ». L’objectif est également de faire rebondir le débat au-delà de l’appellation.
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