Jeudi 21 Novembre 2024
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22.02.2024
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Assister à une séance d’assemblage au château Rayne Vigneau est un privilège et sans que soient dévoilés des secrets de fabrication, cette séance permet de comprendre la mécanique des assemblages des liquoreux et la logique de construction du premier vin et du second vin, qui repose d’abord sur la recherche de la qualité et sur la préservation de l’identité du vin du château.
Le millésime 2023 s’annonce très bon et les étapes des assemblages furent simples, pas loin de l’évidence à quelques débats près, assez vite tranchés. Des vendanges « fulgurantes », selon Vincent Labergère, le directeur général. « On n'aura jamais vendangé aussi tôt, ni terminé aussi tôt, ni mobilisé autant de vendangeurs pour pouvoir cueillir dans les délais. » Quatorze lots produits, c’est peu, identifiés non pas par parcelle mais par date de vendange.
Premier tri et constitution d’une base
Avant cette séance, les premiers assemblages des liquoreux avaient pour objectif d’identifier trois groupes. D’abord les lots incontournables pour le premier vin afin de constituer ce qu’on appellera « la base ». Ce seront les lots 9 à 13. Le cœur du dispositif. Puis les lots intermédiaires, ceux pour lesquels on ne sait pas encore s’ils vont aller dans le premier ou le second vin. Et enfin, ceux dont on sait d’emblée qu’ils iront dans le deuxième vin. Ce travail fait, pour constituer le premier vin, il convient de nuancer et d’essayer de se rapprocher de ce qui fait l’identité du vin de Rayne Vigneau. Il faut aussi regoûter certains lots car les vins évoluent entre deux dégustations : ils viennent d’être soutirés, ou commencent leur élevage, ou viennent d’être collés. Des opérations qui « secouent les vins » nous dit Henri Boyer, l’œnologue d’Oenoconseil. Mais surtout, la base, ce cœur du meilleur, n’est pas tout, et dans le cas du 2023, la dégustation à l’aveugle de trois échantillons le démontrera.
Des lots intermédiaires dont le rôle est prépondérant
Seul Yannick Luiz, l’assistant maître de chai, sait de quoi sont composées ces trois bouteilles numérotées 1, 2 et 3. Un silence de cathédrale qui dure deux bonnes minutes règne pendant la dégustation des trois vins. Puis le silence se rompt. Henri Boyer se lance : « J’aime bien le 3, parce que je trouve qu’il a un peu plus d’éclat. Je pense que ce n’est pas le plus riche mais il est harmonieux et se rapproche du style Rayne Vigneau alors que pour les deux autres lots, on a un petit excès de concentration, de liqueur, bien que les amers soient présents. » « Harmonieux pour le 3, oui, c’est ce que j’ai noté », confirme Vincent Labergère. En deuxième position ? « Le 2 » complète Henri Boyer. « Il manque quelque chose au 1 », commente Guillaume Rateau, le directeur technique. « Le 3 est harmonieux et rassurant, il a une tension assez linéaire, le 2 a une fluidité qui est plus importante mais il a un côté collant », ajoute Vincent Labergère. Mais que sont ces lots, et surtout ce 1 qui n’a pas eu la préférence ? Le verdict tombe. Le lot 3, celui qui a les suffrages des quatre membres, est un assemblage fait de la base et des lots 8 et 14, deux lots intermédiaires. Le lot 2 est un assemblage des lots 8 et 14, sans base. Le lot 1, celui qui a été le moins aimé est… la base faite avec « les lots incontournables de 8 à 13 ».
Explications
Henri Boyer donne un éclairage. Pourquoi cette base ne suffit pas à elle seule pour le premier vin Rayne Vigneau alors qu’elle a été choisie ? « La base est opulente, mais présente des défauts d’harmonie, a un peu trop de liqueur, et est sans doute trop démonstrative. Il y a l’acidité, mais, il fallait l’ouvrir et lui donner de l’harmonie. » Nous savons que les lots intermédiaires, parfois appelés « lots médecins », fonctionnent bien dans la complémentarité. Ce sont eux qui apportent, parfois à faible proportion, ce qui manque à la base. La base est un peu « too much » et pour trouver le style Rayne Vigneau « on a besoin d’acidité, d’amertume et la salinité » – une trilogie chère à Vincent Labergère – que les lots intermédiaires sont susceptibles d’amener. Des révélateurs en quelque sorte qui fonctionnent dans une alchimie un peu mystérieuse.
C’est ainsi que le vin de Rayne Vigneau, 1er cru classé en 1855, se construit pas à pas, en respectant le temps du vin, en essayant de se projeter sur son futur, et en obéissant à des règles qui ont un peu leur part de mystère mais que la compétence des dégustateurs permet d’appliquer avec succès.
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