Dimanche 17 Novembre 2024
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19.11.2023
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C’est à partir du canton de Meymac, en Haute-Corrèze, que naît, au milieu du XIXe, l’histoire de la vente des vins de Bordeaux par des Corréziens. Jean Gaye-Bordas fut sans doute le premier marchand véritablement audacieux. Une histoire improbable, qui n’aurait jamais dû être, mais qui a permis d’irriguer économiquement la Haute-Corrèze.
L’aventure commence vers 1865-1866. Comme beaucoup de jeunes paysans du Limousin, Jean Gaye-Bordas descendait de la Haute-Corrèze pour pratiquer un métier saisonnier, dans une grande ville. Vendeur de parapluies ambulant à Bordeaux, mais Corrézien, il devine qu’on peut vendre du vin de Bordeaux à des particuliers, dans le Nord de la France et en Belgique. Il ne savait ni lire ni écrire, mais avait un esprit d’entreprise solide qui fut « vraisemblablement repéré par une maison de négoce bordelaise » explique Marcel Parinaud, auteur qui a beaucoup fouillé le sujet de ces Corréziens aventuriers. « Vers 1870, avec Antoine Pécresse et deux autres habitants de Meymac, il fonde à Bordeaux une société de vente de vins et entreprend le démarchage à domicile. » En s’appuyant sur les maisons du négoce bordelais qui lui fournissent le vin, il propose la vente directe, sans dégustation, et un paiement différé une fois le vin livré, lors du 2ème passage, c’est-à-dire 6 mois après. Un peu plus tard, Jean Gaye-Bordas restera à Pauillac et enverra des Corréziens vendre le vin. Pour un Belge ou un Lillois, Meymac, c’est à coté de Bordeaux. C’est ainsi que par commodité et sans doute à l’initiative des acheteurs plus que Jean Gaye-Bordas lui-même, Meymac-près-Bordeaux devient en quelque sorte un code postal pratique qui a participé à la légende. Mais il faut d’abord y voir « une histoire économique qui a eu un impact sur la Haute-Corrèze ». Jean Gaye-Bordas s’enrichit rapidement et achète vignobles et châteaux dans le Bordelais à une époque où l’hectare de vigne n’était pas cher. Beaucoup l’imitèrent.
Un succès qui fait des émules
Dans les années 1900, une centaine de Haut-Corréziens pratiquèrent ce commerce lucratif. Une prospérité dont on peut encore voir les traces car ces Corréziens, issus de la paysannerie représentent une nouvelle bourgeoisie et font construire dans leur village d’origine « un peu avant la guerre de 14-18, de belles maisons cossues qui ne rappellent pas le style des châteaux bordelais et qui restent de facture classique » précise Marcel Parinaud. L’auteur a redécouvert et exploité les archives de ces familles corréziennes pour reconstituer cette saga de la fin du XIXe et du XXe siècle, et dont les noms restent rattachés encore pour la place de Bordeaux à la Corrèze.
Les familles
Bordeaux n’a pas oublié les noms de ces familles qui ont réussi alors que le négoce existait déjà. Mais comme le dit Marcel Parinaud, en venant s’installer à Libourne ou à Bordeaux et en achetant des chais et des vignobles, « ils ont acheté un outil de travail ». Borie, propriétaire de Ducru Beaucaillou. Pécresse, jadis propriétaire du château Bellevue à Pauillac. Chassagnoux, il y a encore peu de temps propriétaire du château Jean Voisin à Saint-Émilion. Albert et Émilie Brunot pour le château Cantenac, Bourotte-Audy, qui possède à Pomerol le château du Clocher. Moueix, propriétaire actuellement de Taillefer à Pomerol mais surtout de Petrus, etc. « Mais aucun n’a oublié le pays. » Telle est l’aventure de ces Corréziens : une aventure économique, familiale et sociologique. Une histoire improbable « qui n’aurait jamais dû exister ».
Pour mieux comprendre.
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